Terralaboris asbl

Réparation de l’accident du travail : quid de l’adaptation d’un véhicule ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 25 octobre 2010, R.G. 2008/AB/51.546

Mis en ligne le mardi 8 mars 2011


Cour du travail de Bruxelles, 25 octobre 2010, R.G. 2008/AB/51.546

TERRA LABORIS A.S.B.L.

Dans un arrêt du 25 octobre 2010, la Cour du travail de Bruxelles a admis que peuvent être inclus dans les frais à rembourser au titre de prothèses les frais engendrés par l’apprentissage de la conduite d’un véhicule adapté.

Les faits

Un travailleur est victime d’un accident du travail en 1999, accident qui donne lieu à la reconnaissance d’une incapacité permanente de 10% à partir du 5 novembre 2000. Suite à l’aggravation de son état de santé, l’intéressé introduit une action en revision et celle-ci se clôture par la reconnaissance d’une incapacité permanente de 20%. Dans le cadre de cette procédure, l’intéressé sollicite, dès lors, le remboursement de l’ensemble des frais liés à l’adaptation de son véhicule. Il s’agit de l’installation d’une boîte de vitesse automatique, du placement d’une pédale d’accélérateur à gauche, ainsi que des frais engendrés par des cours de conduite de ce véhicule adapté.

Le Tribunal du travail va faire droit à la demande, condamnant en outre l’entreprise d’assurances à la prise en charge de la capitalisation de la « prothèse », étant le renouvellement et l’entretien des adaptations précitées du véhicule (fourniture et placement d’une pédale d’accélérateur à gauche et boîte de vitesse automatique). Le renouvellement doit, pour le Tribunal, avoir lieu tous les six ans sur présentation des factures.

Position des parties devant la Cour

L’assureur interjette appel, sur les cours de conduite et sur le rythme du renouvellement des adaptations au véhicule.

L’intéressé demande, pour sa part, un rythme de renouvellement plus rapide (cinq ans au lieu de six) et introduit une contestation sur les intérêts.

Position de la Cour du travail

La Cour du travail rappelle l’économie de l’article 28 de la loi du 10 avril 1971, étant d’assurer à la victime le droit aux appareils de prothèse et d’orthopédie nécessités par l’accident. L’arrêté royal du 5 juin 2007 (article 3) définit ceux-ci comme étant la prothèse proprement dite ou l’appareil orthopédique proprement dit, ainsi que tous les accessoires fonctionnels, l’appareil de réserve en fonction de la nature des lésions et certaines adaptations de l’habitation (ascenseur d’escalier et monolift). Pour la Cour du travail, il ressort de la jurisprudence que la notion de prothèse n’est pas à interpréter de manière restrictive, la Cour de cassation ayant considéré qu’il faut entendre par appareils de prothèse et d’orthopédie les moyens d’assistance artificiels dont une personne normale n’a pas besoin et qui, suite à un accident du travail, sont nécessaires pour soutenir ou remplacer des parties du corps déficientes ou affaiblies, ou pour en favoriser l’usage ou les fonctions (Cass., 23 janvier 1995, Arr. Cass., 1995, p. 59).

Pour la Cour, il y a dès lors lieu de vérifier si la prothèse présente un caractère de nécessité, si elle constitue un moyen artificiel d’assistance dont une personne normale n’a pas besoin et si elle permet de soutenir ou de remplacer un membre déficient afin d’en favoriser l’usage ou les fonctions.

Tel est certes le cas des adaptations au véhicule et, si les cours de conduite ne peuvent être considérés comme des prothèses au sens strict, puisqu’ils ne constituent pas un appareil, un équipement, un moyen artificiel susceptible de remplacer ou de soutenir un organe détruit ou affaibli ou de compenser une fonction perdue, ils s’avèrent cependant nécessaires à l’utilisation du véhicule adapté et doivent dès lors être considérés comme faisant partie du coût de l’équipement.

Ils doivent dès lors être pris en charge.

La Cour du travail rappelle qu’ont été admis, au titre d’équipement nécessaire à l’utilisation du véhicule, non seulement l’appareillage que constitue une boule pour le volant, une boîte de vitesse automatique, une direction assistée, mais également le coût de la surprime, calculé à raison de l’équipement concerné, dans le cadre de l’assurance RC (la Cour renvoyant à C. trav. Liège, 29 juin 1995, C.D.S., 1997, p. 72, note JJ).

Se posera encore la question de savoir si le travailleur ne doit pas établir son aptitude à la conduite automobile. Ce point est soulevé par l’assureur, pour qui les droits d’inscription à l’examen et le prix des cours doivent rester à charge de la victime. Sur cette question, la Cour relève que l’intéressé s’est rendu au CARA et qu’il lui a alors été « proposé » de suivre dix heures de cours pratique. Pour la Cour, le coût de ces cours de conduite est spécifique à l’utilisation du véhicule adapté et fait donc partie des frais à prendre en charge par l’entreprise d’assurances.

Enfin, sur le rythme de renouvellement, la Cour confirme, sur la base des kilomètres normalement parcourus par l’intéressé, l’appréciation du Tribunal.

Intérêt de la décision

C’est une nouvelle fois sur la notion extensive de prothèse que la décision de la Cour du travail de Bruxelles est intéressante, décision qui tranche toujours à partir des mêmes critères dégagés par la Cour de cassation : caractère de nécessité, moyens artificiels d’assistance dont une personne normale n’a pas besoin et moyens permettant de soutenir ou de remplacer un membre déficient, d’en favoriser l’usage ou les fonctions.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be