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Secteur bancaire : sanction du non-respect de la procédure préalable en cas de licenciement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 décembre 2010, R.G. 2009/AB/52.474

Mis en ligne le vendredi 8 avril 2011


Cour du travail de Bruxelles, 8 décembre 2010, R.G. 2009/AB/52.474

TERRA LABORIS A.S.B.L.

Dans un arrêt du 8 décembre 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la procédure à suivre dans le secteur bancaire, vu la convention collective du 2 juillet 2007, en cas de licenciement intervenant pour manquements professionnels.

Les faits

Un employé d’une grande banque, engagé par contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2005, se voit notifier, deux ans plus tard, la volonté de sa hiérarchie de l’affecter à une autre fonction. Cette fonction nouvelle est à déterminer.

L’intéressé, occupé à la salle des marchés de la banque à Bruxelles, fait acter par son conseil que l’essentiel de sa fonction lui est retiré et il met la banque en demeure soit d’estimer qu’elle n’est plus en mesure de lui fournir le travail convenu, soit de lui rendre l’ensemble de ses responsabilités contractuelles.

La banque répond, faisant état d’une erreur commise par l’employé dans le cadre de l’exercice de ses fonctions contractuelles, ce qui aurait malgré tout amené la direction à lui donner une deuxième chance. Elle fait état, malgré tout, suite à divers entretiens, de l’échec de reclassement professionnel de l’intéressé. Quelques jours plus tard, elle lui annonce son intention de le licencier et le convoque à un entretien, au cours duquel il serait informé des raisons pour lesquelles la rupture du contrat de travail est envisagée.

L’intéressé répond via son conseil que, vu l’intention manifestée de mettre un terme au contrat, la réunion à laquelle il était convié ne s’indiquait pas et il ne s’y présente d’ailleurs pas.

Confirmation du licenciement est donnée par la banque ultérieurement et une indemnité de 4 mois de rémunération est payée.

L’employé introduit un recours en justice.

Position du Tribunal du travail

Le recours introduit porte sur le préavis convenable et sur le non-respect de la procédure instaurée au sein de la commission paritaire des banques en matière de procédure préalable au licenciement.

Le Tribunal du travail considère que le préavis de 4 mois alloué est suffisant mais corrige légèrement l’indemnité revenant à l’employé. Il le déboute du surplus de sa demande.

Position de la Cour du travail

La Cour du travail examine la question de l’indemnité complémentaire de préavis ainsi que celle de l’indemnité spéciale.

Sur la première question, elle rappelle les principes selon lesquels un manquement éventuel du travailleur n’est pas à prendre en considération pour le calcul du préavis convenable. Elle rappelle également le principe selon lequel, par rémunération, il faut inclure les primes allouées, à savoir en l’espèce des primes variables liées aux prestations du travailleur, étant la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat. Il s’agit de montants faisant partie de la rémunération en cours.

La Cour rappelle également que, pour le calcul du montant à retenir au titre de rémunération en cours, les juridictions du travail ne sont pas tenues de retenir le montant de la prime payée au cours des 12 mois qui ont précédé le licenciement, l’article 131 de la loi du 3 juillet 1978 n’étant pas applicable au calcul de l’indemnité compensatoire de préavis, puisqu’il ne renvoie pas à l’article 39 de la même loi. Le juge doit appliquer le mode de calcul qui correspond le mieux à la notion de rémunération en cours, tenant compte des différents éléments du dossier.

La Cour va, sur cette question, par ailleurs confirmer l’évaluation du premier juge et ne rien modifier à sa décision sur ce point.

Sur la procédure de licenciement, la Cour rappelle les termes de la convention collective de travail du 2 juillet 2007 conclue au sein de la commission paritaire des banques. Il s’agit d’une convention collective portant des dispositions relatives à l’emploi dans ce secteur. En vertu de celle-ci, en cas de licenciement envisagé pour carence disciplinaire ou faute professionnelle, le travailleur doit être invité à un entretien et il est informé de ce qu’il peut se faire assister par un délégué syndical de son choix. L’entretien permettra de l’informer des raisons qui ont abouti à ce que l’employeur envisage son licenciement (article 2, § 2). En cas de non-respect de cette procédure, si le travailleur a une ancienneté d’au moins 1 an, une indemnité forfaitaire de 6 mois est due, sans préjudice de la loi du 3 juillet 1978 (article 2, § 3).

La Cour va rechercher le motif du licenciement et, alors que la banque considère que celui-ci n’est pas intervenu pour une carence disciplinaire ou une faute professionnelle mais vu l’échec de la réaffectation au sein d’une autre équipe, la Cour relève des éléments du dossier que c’est bien en raison de manquements professionnels reprochés que la décision a été prise. Il s’agit dès lors d’un licenciement motivé par une faute professionnelle au sens de la convention collective en cause.

La Cour va ensuite rappeler la procédure de licenciement : l’employeur doit convoquer le travailleur pour l’informer des raisons qui ont abouti à ce que la banque envisage la rupture du contrat de travail et cette disposition doit avoir un effet utile, étant – tout simplement – que l’entretien auquel le travailleur va être convoqué doit précéder la décision de licencier. Le caractère préalable de la convocation et de l’entretien résulte expressément des termes de la convention collective.

En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier que la banque a exprimé sans équivoque sa décision alors qu’elle ne l’avait pas encore convoqué à un entretien. La convocation ne répond pas, pour la Cour, aux exigences de la convention collective, puisqu’elle est postérieure à la décision.

La Cour va, en conséquence, faire droit à la demande et elle réserve encore quelques considérations à la rémunération de base de l’indemnité spéciale. La convention collective renvoie au « salaire courant », mais sans le définir. La Cour considère dès lors devoir se référer à la notion générale de rémunération, étant la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat de travail. Ceci inclut les avantages acquis en vertu du contrat, qui doivent faire partie de l’assiette de l’indemnité forfaitaire. L’assiette est donc la même que celle de l’indemnité compensatoire de préavis, à l’exception du double pécule de vacances.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle l’exigence, dans l’hypothèse de procédure préalable au licenciement, d’en respecter scrupuleusement le déroulement. En l’occurrence, l’entretien prévu, dans le secteur bancaire, doit être préalable à la décision de licenciement envisagée. Il ne peut dès lors plus intervenir dès que l’employeur a manifesté une telle volonté.

L’intérêt de l’arrêt réside également dans la détermination de la rémunération de référence.


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