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Demande en révision d’une maladie professionnelle dans le secteur public : conditions de validité de la demande

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Liège, 5 avril 2011, R.G. 2009/AL/36.403

Mis en ligne le vendredi 17 juin 2011


Cour du travail de Liège, 5 avril 2011, R.G. n° 2009/AL/36.403

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 5 avril 2011, la Cour du travail de Liège rappelle que, une fois établie l’introduction d’une demande en révision, celle-ci est recevable, aucune disposition légale ne conditionnant cette recevabilité à l’envoi d’un recommandé.

Les faits

Mme M., ouvrière d’entretien au service de la Communauté française, introduit une demande de révision d’une maladie professionnelle (eczéma aux mains) le 24 mars 1997 par document MP1. Cette maladie professionnelle, reconnue, n’a dans un premier temps pas entraîné d’incapacité permanente.

La procédure administrative est menée et les conclusions de l’expertise médicale du S.S.A. aboutissent à la reconnaissance d’un taux d’IPP de 2% à partir du 27 octobre 1998.

Le Gouvernement de la Communauté française prend un arrêté en ce sens et celui-ci est adressé à l’intéressée le 1er mars 1999. Il prévoit qu’elle a droit à partir du 1er avril 1997 à une rente égale à 2% de la rémunération annuelle au moment de la constatation de la maladie professionnelle.

Un certain flou est constaté dans le suivi de la procédure administrative, dont il résulte, toutefois, que l’Administration des pensions est informée dès le mois d’août 1999 par la Communauté française de la demande en révision introduite. La Cour des comptes, par ailleurs, exige que cette demande soit introduite par la victime elle-même, de telle sorte que le Service des pensions suggère à la Communauté française d’inviter l’intéressée à effectuer cette démarche. Pour le Service des pensions, la Communauté pourra prendre, alors, un arrêté allouant une rente majorée, celle-ci commençant le premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande en révision aura été introduite conformément à l’arrêté royal du 24 juillet 1969 (art. 10).

Une demande est dès lors introduite par l’intéressée, celle-ci demandant de prendre en considération le formulaire MP1 du 24 mars 1997.

La Communauté française fait alors valoir que la Cour des comptes considère que le formulaire MP1 signé le 24 mars 1997 ne peut tenir lieu de demande en révision au sens de l’arrêté royal du 5 janvier 1971. Son article 12, §§ 1er et 2, dispose en effet que la demande doit être introduite en double exemplaire et par lettre recommandée à la poste, accompagnée d’un rapport médical.

La Cour des comptes rejette dès lors que la rente annuelle de l’ordre de 300€ prenne cours à dater du 1er avril 1997. Elle fixe au 1er septembre 1999 le point de départ, la demande en révision ayant été introduite le 26 août 1999.

La procédure

Citation est lancée contre la Communauté française, demandant condamnation au paiement de la rente à dater du 1er avril 1997. L’Etat belge est appelé en intervention forcée. Une demande de condamnation est formée contre lui, en sa qualité d’organisme payeur.

Le Service des pensions du secteur public jouant en réalité ce rôle, il intervient volontairement dans le litige, le SPF Finances étant incompétent.

Position du tribunal du travail

Dans un jugement du 19 février 2009, le Tribunal du travail de Liège dit pour droit que l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 19 février 1999 doit sortir ses pleins et entiers effets, l’intéressée ayant droit à une rente adaptée à partir du 1er avril 1997.

Position des parties en appel

Le Service des pensions du secteur public fait valoir qu’une demande en révision doit se faire par voie recommandée et qu’il ne peut être tenu débiteur d’une rente que si cette condition est respectée. Il considère par ailleurs n’avoir commis aucune faute au regard de la Charte de l’assuré social.

La demanderesse considère pour sa part que la demande est valablement introduite quant à la date, le non-respect du formalisme n’ayant nui à aucune partie. Elle fait par ailleurs grief à la Communauté française d’avoir failli à son devoir d’information et de conseil.

Quant à cette dernière, elle estime que l’arrêté qu’elle a pris doit s’imposer à l’organisme payeur, celui-ci ne disposant pas d’un droit de recours à cet égard.

Position de la cour du travail

C’est l’arrêté royal du 5 janvier 1971 qui est examiné par la cour, en son article 12, § 2, dont le libellé dispose que le bénéficiaire adresse en double exemplaire sa demande en révision, accompagnée de toutes les pièces justificatives, par lettre recommandée à la poste, au service désigné par l’autorité.

En vertu du même arrêté (art. 18) et de l’arrêté royal du 24 janvier 1969 (art. 27), les rentes ainsi que les allocations d’aggravation sont payées par le Service de pensions du secteur public. Celui-ci en l’espèce refuse, au motif que l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française serait illégal, la Communauté n’ayant pas été saisie valablement d’une demande en révision à défaut de lettre recommandée.

Pour la cour du travail, l’article 12 ne précise nullement que la voie de la recommandation est une condition de validité ou de recevabilité de la demande en révision ou que cette demande doit être introduite par lettre recommandée à peine de nullité. La recommandation a pour seul objet d’établir la réalité de la demande et de fixer sa date afin de déterminer la date certaine à partir de laquelle la rente majorée sera due. Or, en l’espèce, les renseignements à cet égard figurent au dossier, la date de la demande étant certaine.

La cour confirme donc que la Communauté était en droit de la considérer comme recevable, aucune disposition légale ne conditionnant la recevabilité à l’envoi d’un recommandé. En outre, dès qu’elle était saisie d’une demande en décision recevable, la Communauté française était légalement tenue de prendre une décision.

L’arrêté qu’elle a pris le 19 février 1999 est dès lors régulier. Le Service des pensions, organisme payeur, est tenu d’exécuter cette décision régulière et de verser la rente à date du 1er avril 1997.

Intérêt de la décision

Si l’enjeu financier de la procédure est mince, le principe dégagé par la Cour du travail de Liège est important en la matière, puisqu’il précise que, même introduite par formulaire MP1, une demande de révision d’une maladie professionnelle est recevable, au sens de la réglementation, nonobstant son texte, qui prévoit l’envoi par recommandé.


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