Terralaboris asbl

Point de départ de l’indemnisation

Commentaire de C. trav. Mons, 26 octobre 2010, R.G. 2009/AM/21.762

Mis en ligne le mercredi 6 juillet 2011


Cour du travail de Mons, 26 octobre 2010, R.G. n° 2009/AM/21.762

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 26 octobre 2010, la Cour du travail de Mons a rappelé que, depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 janvier 2007, la fixation du début de l’indemnisation de l’incapacité permanente est une question médicale, qui n’a pas de lien avec la date d’introduction de la demande.

Les faits

Une demande de réparation est introduite le 22 août 2002, dans le cadre de la liste.

Elle est rejetée par décision du FMP du 28 novembre 2002 au motif de l’absence d’exposition au risque.
La procédure

Suite au recours judiciaire introduit par l’intéressé, un expert est désigné par le tribunal du travail.

Aux termes de son rapport, rendu le 10 juillet 2007, il sera admis par le tribunal du travail dans un jugement du 9 octobre 2008, que le demandeur a une incapacité permanente de 15%, dont le point de départ doit être fixé à la date du 24 avril 2002.
Position des parties en appel

Le Fonds des maladies professionnelles interjette appel du jugement, d’une part sur la rémunération de base mais également sur la date de début de l’indemnisation.
Pour le Fonds, l’article 35, alinéa 2 des lois coordonnées ne vise pas à créer un droit pour la victime à être indemnisée systématiquement 120 jours avant la date de la demande.

Quant au demandeur, il demande confirmation du jugement, sollicitant en outre une augmentation des facteurs socio-économiques.

Position de la cour du travail

Sur la question de la date de prise de cours de l’indemnisation, la Cour du travail rappelle le principe contenu à l’article 35 des lois du 3 juin 1970 relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles.

L’allocation annuelle de 100%, déterminée d’après le degré d’incapacité permanente, va remplacer l’indemnité temporaire lorsque l’incapacité de travail temporaire devient permanente, c’est-à-dire à partir du jour où l’incapacité présente ce caractère. L’alinéa 2 de la même disposition vise l’hypothèse où l’incapacité de travail est permanente dès le début, étant que l’allocation annuelle de 100%, déterminée d’après le degré de l’incapacité permanente, est reconnue à partir du début de cette incapacité. La disposition précise cependant que l’allocation prend cours au plus tôt 120 jours avant la date de l’introduction de la demande.

La cour du travail rappelle cependant l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 janvier 2007 (arrêt n° 25/2007), qui a considéré qu’il y a violation des articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où l’allocation est limitée au maximum aux 120 jours avant la date d’introduction de la demande.

Pour la Cour constitutionnelle, il y a une distinction non justifiée avec la matière de l’accident du travail. La maladie professionnelle résulte de l’exposition au risque de la maladie avec une certaine intensité pendant un certain temps. Il y a inscription du risque professionnel dans la durée, contrairement à l’accident du travail qui provient d’un événement soudain survenu dans le cours de l’exécution du contrat de travail. Cette durée, exigée en l’espèce, peut rendre malaisée la détermination du moment où la victime de la maladie va en faire la déclaration. En conséquence, pour la cour du travail, tant le moment où la maladie professionnelle est apparue que la date à laquelle l’incapacité devient permanente sont des questions indépendantes de la date d’introduction de la demande. Il s’agit de questions médicales.

Le tribunal du travail avait précisément posé à l’expert la question de se prononcer sur le point de départ de l’incapacité permanente et l’expert judiciaire a motivé son avis sur ce point, s’appuyant sur des radiographies et précisant que la maladie professionnelle, en l’occurrence des douleurs lombaires basses, était apparue de façon très progressive depuis une période qu’il avait fixée à entre sept et huit ans.

La cour relève cependant que l’expert avait pris comme point de départ la date d’introduction de la demande mais sans autre justification.

Le tribunal du travail avait retenu une autre date, puisée dans le dossier médical, étant le 24 avril 2002 et la cour du travail confirme la décision du premier juge sur ce point.

Enfin, sur la demande de la victime de voir majorer les facteurs socio-économiques, la cour du travail rappelle qu’il s’agit, en la matière, d’indemniser – comme en accident du travail – la perte ou la diminution du potentiel économique de la victime sur le marché général de l’emploi et que cette perte de capacité de concurrence s’apprécie à partir des critères classiques, d’ailleurs rappelés par la Cour de cassation dans plusieurs arrêts (Cass., 10 mars 1980, Pas., 1980, I, p. 838 ; Cass., 28 mai 1990, Chron. D.S., 1991, p. 12), étant l’incapacité physique, l’âge, la qualification professionnelle, la faculté de réadaptation, la possibilité de rééducation professionnelle et la capacité de concurrence de la victime sur le marché général de l’emploi (cette capacité étant elle-même déterminée par les possibilités dont la victime dispose encore, comparativement à d’autres travailleurs, d’exercer une activité salariée).

En l’occurrence, s’agissant d’un travailleur de plus de 40 ans, ayant travaillé comme électricien et ayant ensuite exercé une activité de chauffeur de poids lourds, la cour constate qu’il était toujours au service de son employeur au moment de l’expertise judiciaire. Elle conclut que l’incidence des facteurs économiques est dès lors de 5%, confirmant ainsi l’évaluation proposée par l’expert judiciaire et confirmée par le tribunal.

Intérêt de la décision

C’est évidemment eu égard au point de départ de l’indemnisation de l’incapacité permanente que cet arrêt est intéressant, dans la mesure où, appliquant l’enseignement de la Cour constitutionnelle du 30 janvier 2007, il dissocie résolument le point de départ de l’indemnisation de l’introduction judiciaire de la demande. L’arrêt rappelle dès lors ici le pouvoir d’appréciation en fait des juridictions du travail sur cette question.

Un bémol, cependant, en ce qui concerne non le taux retenu, relatif à l’incidence des facteurs socio-économiques, mais un élément d’appréciation, étant le fait que le travailleur n’avait pas perdu son emploi suite aux difficultés consécutives à la maladie professionnelle. Cet élément est, dans la rigueur des principes, indifférent et ne peut influencer positivement ou négativement l’évaluation.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be