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L’aide sociale destinée à un enfant de nationalité belge doit être accordée à la mère en sa qualité de représentante légale, indépendamment du caractère légal ou non du séjour de celle-ci

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 janvier 2011, R.G. 2009/AB/52.709

Mis en ligne le mercredi 10 août 2011


Cour du travail de Bruxelles, 6 janvier 2011, R.G. n° 2009/AB/52.709

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 6 janvier 2011, la Cour du travail rappelle que l’article 379 du Code civil, qui prévoit l’obligation de placer sur un compte ouvert au nom du mineur les fonds lui revenant, et ce jusqu’à sa majorité (sauf le droit de jouissance légal) ne s’applique pas à l’aide sociale.

Les faits

Une citoyenne camerounaise, en Belgique depuis plusieurs années, est titulaire d’une autorisation de séjour provisoire jusqu’au 13 décembre 2008. Après cette date, cette autorisation n’est pas prolongée et l’intéressée sera en séjour illégal jusqu’au 3 septembre 2009, bénéficiant à partir du 4 septembre d’un droit de séjour illimité.

Ayant deux enfants de nationalité belge, nés respectivement en 2006 et en 2008, la mère perçoit une contribution alimentaire du père suite à la séparation du couple.

Elle a bénéficié d’une aide sociale pendant deux mois au début de l’année 2008 et ensuite d’un revenu d’intégration sociale jusqu’à une nouvelle décision du 20 avril 2009, supprimant celle-ci, au motif du caractère illégal du séjour.

L’intéressée introduit un recours, réclamant une aide sociale équivalent au revenu d’intégration sociale au taux charge de famille à partir du retrait.

Position du tribunal

Le tribunal considère le recours fondé et condamne le CPAS à payer à la mère une aide sociale financière équivalente au revenu d’intégration sociale au taux demandé. Il octroie cette aide sociale à la mère en sa qualité de représentante légale de sa fille.
Position des parties en appel

Le CPAS fait essentiellement valoir, outre la contestation de la conclusion du tribunal, un moyen spécifique tiré du caractère illégal du séjour. Il considère, en effet ici que l’octroi de l’aide à la mère en sa qualité de représentante légale de l’enfant ne respecte pas le prescrit de l’article 379 du Code civil et demande que l’aide soit allouée à la mère en tant qu’elle est tenue à un devoir d’entretien et d’éducation et non en sa qualité de représentante légale de l’enfant mineur.

La mère n’élève pas de contestation importante quant au jugement.

Position de la Cour

La cour est saisie de deux questions juridiques.

Elle constate que la demande originaire était formulée par la mère tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentante légale de son enfant mineur. La cour relève que, vu le caractère illégal du séjour, la mère ne pouvait prétendre à une aide financière pour elle-même. Par contre, l’enfant belge dont elle a la garde peut recevoir une aide sociale et la cour relève que le CPAS ne conteste ni le droit de cet enfant au bénéfice de cette aide ni l’évaluation faite par le premier juge, qui a retenu qu’elle doit être égale au revenu d’intégration sociale au taux charge de famille.

Suivant son raisonnement, la cour réaffirme que l’aide sociale due au profit de l’enfant dont la mère n’est pas en mesure d’assurer les besoins quotidiens est un droit personnel, tiré de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 27) et de la loi du 8 juillet 1976 sur les CPAS (art. 1er). Ce droit peut dès lors être exercé par le mineur lui-même ou par ses représentants légaux. S’agissant d’une aide destinée à son enfant, la mère a agi devant le tribunal au profit de celui-ci, droit d’action qui découle de l’autorité parentale et n’est pas affecté par la circonstance que la mère était elle-même en séjour illégal. La cour conclut qu’elle avait le droit de percevoir au nom de son enfant, et ce en sa qualité de représentante légale, l’aide sociale destinée à celui-ci.

Sur la deuxième question, étant de savoir si le mécanisme est conforme à l’article 379 du Code civil, la cour rappelle la finalité de cette disposition : en imposant au juge, lorsqu’il statue sur des sommes revenant à un mineur, d’ordonner d’office que celles-ci soient placées sur un compte ouvert à son nom et que ce compte soit frappé (sauf droit de jouissance légal) d’indisponibilité jusqu’à la majorité du mineur, le législateur a entendu protéger le mineur de tout usage inconsidéré des sommes lui revenant. Cette indisponibilité ne peut cependant s’appliquer à l’aide financière du CPAS, dont la finalité est fondamentalement distincte puisqu’elle vise à couvrir les besoins quotidiens de l’enfant. L’aide sociale n’a en effet pas la nature d’un capital constitué au profit d’un mineur et il est de l’intérêt supérieur de celui-ci de pouvoir bénéficier de cette aide afin qu’il soit satisfait à ses besoins quotidiens.

La cour du travail écarte dès lors cette argumentation et confirme la décision du premier juge.

Intérêt de la décision

C’est essentiellement sur le droit au parent en séjour illégal de percevoir pour ses enfants de nationalité belge une aide financière en sa qualité de représentant légal de celui-ci que cet arrêt contient un principe important. Ce droit est indépendant du caractère régulier ou non du séjour.

Par ailleurs, cet arrêt pointe l’inadéquation de certaines argumentations tirées du Code civil et prévues dans l’intérêt du mineur, développées en la matière aux fins de tenter de faire échec à l’octroi de l’aide au parent en séjour illégal. La cour réaffirme ici qu’il n’y a pas lieu d’assimiler des montants devant couvrir des besoins quotidiens à un capital à protéger jusqu’à la majorité de l’enfant. L’absurdité d’une conclusion différente n’échappera pas.


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