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Taux du revenu d’intégration : notion de cohabitation

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 mai 2011, R.G. 2010/AB/225

Mis en ligne le mercredi 7 septembre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 11 mai 2011, R.G. n° 2010/AB/225

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 11 mai 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le principe selon lequel si une personne cohabitante perçoit un revenu d’intégration sociale inférieur, ceci est dû au fait qu’elle peut profiter de l’apport du cohabitant dans les charges du ménage. A défaut, elle peut avoir la qualité d’isolée.

Les faits

Monsieur D., bénéficiaire du revenu d’intégration sociale, demande au CPAS une aide médicale urgente pour son beau-fils en séjour illégal et qui réside chez lui.

Suite à cette information, le CPAS revoit la situation de Monsieur D., considérant qu’il n’est plus isolé et le taux du revenu d’intégration sociale est revu. Un recours est introduit devant le tribunal du travail, qui, par jugement du 29 janvier 2010, confirme que le CPAS est tenu de verser le revenu d’intégration sociale au taux cohabitant. Il accorde cependant une aide sociale correspondant à la différence entre les deux taux.

Position des parties en appel

Le CPAS interjette appel, au motif que le tribunal ne pouvait prendre une telle décision qui aboutissait à faire bénéficier du taux isolé une personne dont la situation légale de cohabitation était constatée. Le CPAS se fonde, dans son argumentation, sur l’arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2008 (J.T.T., 2008, p. 223), qui a considéré que la circonstance que l’un des cohabitants ne bénéficie d’aucun revenu n’exclut pas l’existence d’un ménage de fait.

Le demandeur postule, pour sa part, la confirmation du jugement.

Position de la cour du travail

La cour du travail examine essentiellement la notion de cohabitation au sens de la loi du 26 mai 2002 et les effets de celle-ci sur le taux du revenu d’intégration.

La cour rappelle l’article 14, § 1er, 1° de la loi du 26 mai 2002 (relatif à la cohabitation). Il s’agit du fait que des personnes vivent sous le même toit et règlent principalement en commun leurs questions ménagères. La cour rappelle que, dans les matières du revenu d’intégration, ainsi que du chômage et des allocations familiales, cette notion implique que des personnes règlent d’un commun accord et à tout le moins principalement les questions ménagères en mettant en commun (même partiellement) leurs ressources respectives, qu’elles soient financières ou autres. C’est dans ce contexte que l’arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2008 a été rendu : la circonstance que l’un des cohabitants ne bénéficie pas de revenus n’exclut en règle pas l’existence d’un ménage de fait.

En ce qui concerne l’incidence de la cohabitation sur le taux du revenu d’intégration sociale, la cour rappelle que, si la loi a prévu un taux inférieur pour un cohabitant, c’est parce qu’il a des charges moindres, pouvant bénéficier de la mise en commun des questions ménagères et pouvant également, de ce fait, profiter de l’apport du cohabitant dans celles-ci.

Pour la cour, l’on ne peut limiter les effets de la cohabitation aux situations dans lesquelles les deux cohabitants sont en mesure d’apporter une aide financière.

Cependant, les conditions requises ne sont pas réunies lorsque la personne avec qui cohabite l’assuré social n’est pas, vu sa situation particulière, en mesure de contribuer aux charges du ménage et ainsi de mettre en commun, fût-ce partiellement, des ressources financières ou d’une autre nature. Le bénéficiaire du revenu d’intégration qui cohabite avec une personne dans cette situation ne voit pas sa situation s’améliorer, au contraire. La cour en déduit qu’il serait contraire tant au texte de la loi (article 14 fixant des catégories distinctes de bénéficiaires) qu’au vœu du législateur de retirer à un bénéficiaire du revenu d’intégration sociale la qualité d’isolé s’il prend, comme en l’espèce, pour des raisons humanitaires ou familiales, une personne dépourvue de toute ressource et ne pouvant d’ailleurs s’en procurer vu le caractère illégal du séjour.

Pour la cour, le CPAS devait dans une telle hypothèse vérifier si le beau-fils était en mesure de contribuer d’une façon ou d’une autre aux charges du ménage. Il ne pouvait considérer, d’office, sur la base de la seule information donnée par le bénéficiaire, qu’il y avait cohabitation au sens légal et que s’imposait, dès lors, une réduction du taux. La cour ordonne, en conséquence, une réouverture des débats afin de vérifier la possibilité pour le beau-fils de contribuer d’une façon ou d’une autre aux charges du « ménage ».

Intérêt de la décision

Cet arrêt confirme la jurisprudence régulière de la Cour du travail de Bruxelles (voir notamment C. trav. Bruxelles, 17 février 2011, R.G. n° 2008/AB/51.321 - commenté précédemment) selon laquelle, malgré la constatation matérielle du partage d’un logement, il peut ne pas y avoir cohabitation au sens de la loi du 26 mai 2002, s’il est établi que la personne avec qui le demandeur de revenu d’intégration sociale vit est sans aucune ressource, ni financière ni autre et n’est pas en mesure de s’en procurer. La cour rappelle ici à très juste titre que le bénéficiaire de R.I.S. dans ce cas, loin de voir sa situation matérielle et financière s’améliorer, subit des effets opposés et ne doit dès lors pas voir son revenu d’intégration diminuer.


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