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Un chauffeur de direction a-t-il droit à des heures supplémentaires ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 27 juin 2011, R.G. 2009/AB/52.388

Mis en ligne le jeudi 8 septembre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 27 juin 2011, R.G. 2009/AB/52.388

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 27 juin 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles en matière de prestation d’heures supplémentaires effectuées par un chauffeur de direction, eu égard à la notion de travailleur investi d’un poste de direction ou de confiance.

Les faits

Un agent de la SNCB est détaché de ses fonctions habituelles pour devenir chauffeur d’un cadre de la direction.

Il expose qu’il est amené à prester de nombreuses heures supplémentaires, qu’il ne peut pas récupérer. Ce détachement prend fin, et ce (pour l’intéressé) au titre de sanction. Il est réaffecté dans un autre service.

La question des heures supplémentaires n’étant pas solutionnée, il introduit une procédure devant le tribunal du travail essentiellement aux fins d’obtenir rémunération des heures ainsi prestées. Il réclame également d’autres sommes annexes.

Décision du tribunal du travail

Dans un jugement du 7 mai 2009, le tribunal du travail relève que les dispositions relatives à la durée du travail ne sont pas applicables au travailleur investi d’une poste de direction ou de confiance. Ont cette qualité les chauffeurs de direction. Leur est versée, en compensation de l’irrégularité de prestations, une allocation mensuelle brute, ainsi qu’une indemnité mensuelle devant couvrir forfaitairement les frais divers inhérents à la fonction.

Le tribunal constate que ces indemnités ont été versées à l’intéressé et que, par ailleurs, il a été avisé en cours de détachement de ce qu’il devait récupérer ses prestations supplémentaires par compensation uniquement. Il devait dès lors veiller à obtenir celles-ci.

Le tribunal fait par ailleurs droit au paiement d’autres sommes indépendantes de la question des heures supplémentaires.

Position des parties en appel

L’intéressé interjette appel, essentiellement sur les heures supplémentaires, le tribunal ayant, pour lui, a bon droit condamné l’employeur aux autres chefs de demande. Il fixe les heures supplémentaires dues à un montant de l’ordre de 25.000€ à titre principal et à 17.000€ à titre subsidiaire, au cas où la cour devrait retenir qu’il faisait partie des personnes investies d’un poste de direction ou de confiance.

Quant à la SNCB, elle demande à titre principal à la cour de conclure au débouté de l’ensemble des demandes formées par l’intéressé.

Décision de la cour du travail

La cour du travail se penche, en premier lieu, sur la notion de personne investie d’un poste de direction ou de confiance au sens de l’arrêté royal du 12 février 1970 relatif à la durée du travail de certains travailleurs occupés par la SNCB. Celui-ci dispose notamment qu’ont cette qualité les secrétaires et huissiers attachés au service des membres du personnel revêtus du grade d’inspecteur principal adjoint ou d’un grade équivalent ou supérieur, personnel de maîtrise.

La cour relève que la fonction de chauffeur n’est pas expressément reprise dans cette énumération mais que la SNCB considère que celle-ci ne peut avoir un caractère exhaustif, n’ayant pas été adaptée à l’évolution de l’entreprise.

A l’argument plus particulier de la société relatif à la relation étroite immanquablement tissée entre le cadre supérieur et le chauffeur, qui crée ainsi une relation de confiance, la cour rétorque que cette position ne peut être suivie. Reprenant la position du demandeur, elle souligne que la réglementation sur la durée du travail – en ce compris les dispositions relatives aux heures supplémentaires – est d’ordre public. L’argument selon lequel des dispositions réglementaires ne seraient pas adaptées à l’évolution de l’entreprise est impuissant à vider la réglementation d’ordre public de son contenu. Elle ne peut davantage permettre de la modifier (la cour cite ici l’arrêt rendu par la même cour le 31 mars 1993 – J.T.T., 1994, p. 291).

La cour admet cependant que, dans le cas d’un secrétaire, celui-ci peut être considéré comme occupant un poste de direction ou de confiance, vu qu’il est susceptible de bénéficier en partie de l’autorité de son supérieur et qu’il se trouve au lieu même où se prennent les décisions. Mais ceci n’est nullement le cas d’un chauffeur, qui ne peut que partager, avec son supérieur, des discussions pendant les trajets effectués, …

Par ailleurs, la cour précise que les primes et allocations versées aux fins de « compenser les désagréments » liés à la fonction et en particulier l’irrégularité des prestations de travail sont sans incidence sur le droit à un sursalaire. Reprenant la thèse du demandeur, la cour souligne que l’irrégularité des heures de travail ne peut en effet être confondue avec le supplément de travail.

Enfin, en ce qui concerne la portée de la note interne relative à l’obligation de compenser les heures supplémentaires, la cour relève, bien évidemment, qu’une note interne ne peut déroger à la réglementation d’ordre public sur la durée du travail. Relevant en outre que l’intéressé a demandé – en vain – à pouvoir récupérer ses heures supplémentaires, la cour conclut que, faute d’avoir pu bénéficier de jours de repos compensatoires, le chauffeur est en droit de réclamer le paiement des heures prestées.

Le décompte de celles-ci étant effectué sur la base des feuilles de route ayant servi à l’octroi des indemnités ci-dessus et, à cette fin, étant contresignées par les supérieurs hiérarchiques du demandeur, la cour conclut que les montants postulés sont tout à fait justifiés. C’est dès lors le montant de l’ordre de 25.000€ qui fait l’objet de la condamnation.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle ici que la définition de postes considérés comme étant de direction ou de confiance eu égard à la réglementation sur le temps de travail ne peut être allongée à l’envi, au motif de la nécessité de prise en compte de l’évolution des entreprises, la matière étant strictement réglementée par des dispositions d’ordre public, auxquelles il ne peut être, d’ailleurs, aucunement dérogé par des note ou instructions internes.

Examinant également les fonctions de chauffeurs de dirigeant de société, la cour rappelle judicieusement qu’ils ne sont ni personnel de direction ni personnel de confiance, les quelques discussions qu’ils peuvent avoir durant les trajets avec leur supérieur n’étant certes pas de nature à les mettre dans la confidence de décisions relatives à la direction de l’entreprise.


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