Terralaboris asbl

Abandon de travail et acte équipollent à rupture

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 juin 2011, R.G. 2009/AB/51.697

Mis en ligne le jeudi 13 octobre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 7 juin 2011, R.G. n° 2009/AB/51.697

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 juin 2001, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les principes en matière d’acte équipollent à rupture : le constat d’un manquement dans le chef du travailleur n’implique pas nécessairement la volonté de rompre.

Les faits

Une employée au service d’une banque est victime dans l’agence où elle travaille d’un hold-up, qui est reconnu comme accident du travail.

Environ trois mois plus tard, son employeur lui adresse un courrier recommandé lui reprochant diverses erreurs d’encodage, ainsi que d’autres manquements (retards). Lui est également reproché le fait qu’à l’issue de l’entretien tenu le même jour, elle ait quitté brutalement l’agence en reprenant ses effets. L’employeur considère dès lors qu’elle a rompu son contrat de travail unilatéralement et avec effet immédiat.

Le lendemain, elle se présente en remettant un certificat médical, attestant d’une incapacité de travail pour une période de quinze jours. Le certificat est daté de la veille, le médecin constatant un état dépressif sévère consécutif au braquage bancaire. La société adresse, ultérieurement, le décompte des sommes dues et réclame à l’employée une indemnité de rupture, qui est déduite des montants versés.

Suite à l’intervention du syndicat, il est acté que celle-ci conteste l’abandon de poste et qu’elle donne une version des faits totalement différente de la version de l’employeur. Elle fait état d’une visite médicale à laquelle elle aurait dû se présenter, le jour de l’entretien. Elle dit avoir postposé cette visite, à la demande expresse de l’employeur, qui lui avait demandé d’être présente à l’agence, l’effectif du personnel étant réduit. C’est ainsi, selon elle, qu’elle avait postposé sa visite médicale et qu’elle a pu, suite à celle-ci, justifier de son incapacité de travail.

Décision de la cour du travail

La cour constate être en face de deux versions contradictoires. Elle reprend en détail l’appréciation du premier juge, qui a retenu la thèse de l’employeur, selon laquelle l’employée avait rompu le contrat de travail, par son comportement.

La cour relève que, dans sa requête d’appel, l’intéressée reprend les principes en matière d’acte équipollent à rupture, principes selon lesquels - à la différence de la modification de l’élément essentiel du contrat de travail -, le manquement d’une partie à son obligation d’exécuter le contrat de travail ne révèle pas par lui-même l’intention de l’auteur de mettre fin à celui-ci. Le manquement exige une volonté de rompre pour pouvoir retenir l’acte équipollent à rupture et la seule constatation de l’absence de fourniture de prestation de travail ne peut, ainsi qu’il est généralement admis, permettre de considérer qu’il y a rupture. C’est la partie qui invoque l’acte équipollent à rupture qui doit apporter la preuve de l’intention de rompre dans le chef de l’autre partie.

La cour tente alors de démêler les explications divergentes données par chacune des parties et conclut qu’aucune des deux n’établit la version des faits sur laquelle elle se fonde, de nombreux doutes persistant dans les deux versions.

Mais elle retient que ceci n’est pas déterminant pour la solution du litige. L’acte équipollent à rupture est en effet une construction jurisprudentielle dont un des fondements est l’article 1134 du Code civil. La partie qui se prévaut de l’acte équipollent à rupture doit démontrer la volonté de rompre de son cocontractant et, à supposer l’abandon de travail établi – quod non –, il y aurait un manquement mais ce constat implique-t-il la manifestation de la volonté de rompre le contrat de travail ? La cour pose la question de manière expresse et, renvoyant à la doctrine (notamment L. DEAR, « La théorie de l’acte équipollent à rupture », in Le Droit du travail dans tous ses secteurs, Anthemis, Liège, 2008, p. 167), elle rappelle que la mise en demeure est une règle générale en matière d’obligation, qui s’impose tant en cas d’inexécution qu’en cas de simple retard. En outre, l’article 16 de la loi du 3 juillet 1978 impose le respect et les égards mutuels entre parties et peut constituer également un fondement à l’obligation d’adresser une mise en demeure.

En conséquence, pour la cour, même si l’attitude reprochée à l’employée était établie, elle n’aurait pas pu être considérée comme un acte équipollent à rupture. Celui-ci a dès lors été dénoncé à tort et c’est la société qui, de ce fait, doit être considérée comme l’auteur de la rupture. Le constat ainsi posé erronément est un licenciement.

En conséquence, reprenant encore la même doctrine, la cour retient que lorsque le juge décide que les conditions d’application de l’acte équipollent à rupture ne sont pas réunies, l’indemnité compensatoire de préavis est due à charge de la partie qui est elle-même l’auteur de la rupture.

Intérêt de la décision

Il n’est pas inutile de rappeler, avec cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, les règles de prudence à respecter lorsqu’une partie entend se prévaloir d’un acte équipollent à rupture. Outre que les conditions strictes mises à l’existence de celui-ci doivent être établies – et dûment avérées -, la sanction du recours inapproprié à ce mode de rupture est automatique : dénoncé à tort, l’acte équipollent à rupture est inexistant et celui qui s’y est référé est redevable de l’indemnité compensatoire de préavis.


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