Terralaboris asbl

Retour sur la notion de capacité de travail en soins de santé et indemnités : exigence d’une capacité initiale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 30 mars 2011, R.G. 2009/AB/52.417

Mis en ligne le lundi 17 octobre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 30 mars 2011, R.G. n° 2009/AB/52.417

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 30 mars 2011, la Cour du travail de Bruxelles reprend les exigences de l’article 100, § 1er, de la loi coordonnée en matière de soins de santé et indemnités en matière de capacité initiale de gain.

Les faits

Un bénéficiaire d’indemnités d’incapacité de travail se voit notifier par le Conseil Médical de l’Invalidité une décision par laquelle il est mis fin à son indemnisation. Le motif invoqué est que la cessation de ses activités n’est pas la conséquence directe du début ou de l’aggravation de ses lésions. Cette décision est fondée sur un rapport médical qui retient l’existence d’un état antérieur, l’intéressé n’ayant, selon ce rapport, jamais été apte sur le marché général du travail.

Décision du tribunal du travail

Suite au recours introduit, le tribunal du travail considère que l’assuré social n’apporte pas la preuve qu’il remplit les conditions afin d’être reconnu incapable de travailler.

Celui-ci introduit dès lors un appel devant la cour du travail.

Décision de la cour du travail

La cour du travail revient sur les termes de l’article 100 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, qui contient les conditions à remplir pour bénéficier des indemnités dans ce secteur.

Elle rappelle que le législateur a introduit en 1982 une précision quant à la cessation d’activité, qui, selon la loi, doit être la conséquence directe du début ou de l’aggravation des lésions ou des troubles fonctionnels.

Il s’agit selon la cour de la volonté dans le chef du législateur d’exclure du régime les titulaires dont la capacité de gain était déjà diminuée d’une manière importante lors de leur mise au travail et dont l’interruption n’est pas la conséquence de l’aggravation de leur état de santé. Ainsi, si l’état de santé s’aggrave et supprime totalement une capacité de gain déjà inexistante, il n’y a pas de droit aux indemnités. La capacité doit dès lors exister initialement. Elle ne doit cependant pas, selon les termes de la loi, correspondre à celle sur le marché normal de l’emploi qu’aurait une personne apte à 100% : il suffit qu’elle ne soit pas inexistante et puisse éventuellement être affectée du fait d’une aggravation des troubles ou lésions déjà existants.

La cour précise à cet égard qu’est donc exigé le risque de perdre une capacité de gain mais que, s’agissant d’une assurance de solidarité, l’assurance indemnités exclut de pratiquer une sélection des risques et des bénéficiaires comparable à ce qui est pratiqué dans le secteur privé.

Il appartient dès lors au juge de vérifier l’existence de cette capacité initiale. Dans cet examen, il faut d’abord vérifier si l’intéressé a travaillé et, dans l’affirmative, examiner la durée et les conditions de cette occupation.

La cour retient, avec d’autres décisions rendues sur cette question, qu’il s’agit d’une méthode empirique de la vérification de la capacité de travail mais que celle-ci est rendue nécessaire du fait de la nature même du contentieux. En général, c’est l’organisme assureur ou l’INAMI qui remet en cause le lien de causalité entre la cessation de travail et l’aggravation des lésions, et ce bien souvent après plusieurs années d’indemnisation.

La cour retient également qu’elle a été amenée, dans une affaire précédente (C. trav. Bruxelles, 21 décembre 2006, RG n° 43978) à s’interroger sur le caractère fautif d’une telle remise en cause. Elle avait considéré dans cette décision que, malgré le caractère d’ordre public de la disposition en cause, l’administré pouvait être fondé à invoquer une faute de l’administration, qui aurait remis en cause les conséquences d’une décision d’admissibilité dans un délai très long, alourdissant ainsi d’une manière inconsidérée la charge de la preuve des conditions d’octroi dans le chef de l’assuré social, et ce en l’absence de toute faute de celui-ci.

La cour cite alors diverses décisions récentes, qui ont conclu à l’absence de capacité de travail initial, décisions rendues en suivant la méthode empirique : ainsi (i) une occupation d’étudiant pendant 15 jours dans un laps de temps de 3 ans, (ii) une activité exercée 8 heures 15 par semaine, (iii) la seule conclusion d’un contrat d’apprentissage et (iv) de très courtes périodes d’occupation comme intérimaire.

Par contre, des périodes d’occupation plus longues sont de nature à établir l’existence d’une capacité initiale. Ainsi une occupation de 15 mois ou de 18 mois, durées retrouvées dans d’autres décisions que la cour cite.

Ayant ainsi brossé le cadre de référence, la cour examine les données du cas d’espèce. Le passé de l’intéressé est émaillé de plusieurs périodes d’activité professionnelle entrecoupées par des hospitalisations et périodes d’indemnisation par sa mutuelle. La cour retient de ces séquences alternées qu’il n’est pas possible de déterminer si la cessation de l’activité professionnelle est due à l’aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels. Aucun élément ni médical ni socioprofessionnel n’existe pendant une période de 10 ans mais la cour constate qu’il n’est pas exclu qu’une capacité de gain ait pu exister à un moment donné lorsque l’intéressé a pu accéder au marché du travail. Il faut, dès lors, recourir à une expertise judiciaire.

Et, s’agissant en l’occurrence d’un cas rendu plus complexe du fait d’une addiction à des drogues, la cour retient qu’elle doit être éclairée sur l’évolution de la pathologie, étant qu’il faut savoir si elle était déjà présente et si elle avait un caractère invalidant lorsque la scolarité a été terminée et que l’intéressé a pu accéder au marché du travail. L’INAMI concluant, pour sa part, à l’existence d’un lien entre la consommation de drogues et l’état antérieur, la cour retient qu’il faut se garder du stéréotype social (voire de la stigmatisation) et se fonder sur une analyse médico-légale.

C’est donc essentiellement eu égard à l’existence d’un état antérieur que l’expert doit donner un avis. La cour lui demande de se placer à la date de la fin de la scolarité ou, si l’expert estime cette date plus appropriée vu le parcours de l’intéressé, à la veille de sa première mise au travail. Il doit donner un avis sur l’existence d’une réduction de la capacité de gain de 2/3 au moins et veiller, dans cette appréciation, au respect des critères de l’article 100, étant le groupe de professions dans lesquelles se range l’activité professionnelle que l’intéressé aurait pu exercer, eu égard à l’ensemble des critères généralement retenus.

La cour précise, en ce qui concerne les travaux pouvant être effectués, qu’il faut préciser la nature des travaux que la formation acquise aurait permis à l’intéressé d’accomplir au cours de la période litigieuse, tenant compte des exigences d’ordre physique et intellectuel impliquées par ceux-ci et des éléments médicaux du dossier mis en regard des professions pouvant être exercées.

Intérêt de la décision

La cour précise une nouvelle fois, dans cet arrêt, les difficultés de déterminer, dans le secteur des soins de santé, la notion de capacité initiale de gain. Suivant la jurisprudence récente en la matière, la cour reprend le premier critère à retenir : l’intéressé a-t-il travaillé précédemment et la durée ainsi que les conditions de l’occupation sont-elles susceptibles de démontrer qu’il pouvait exercer une activité professionnelle (non occasionnelle) ?


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