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Accident du travail dans le secteur public : un nouvel arrêt de la Cour de cassation sur le caractère contraignant de la décision du MEDEX concernant le taux d’incapacité permanente

Commentaire de Cass., 11 mai 2020, n° S.19.0045.N

Mis en ligne le vendredi 12 mars 2021


Cour de cassation, 11 mai 2020, n° S.19.0045.N

Terra Laboris

Par arrêt du 11 mai 2020, la Cour de cassation confirme le caractère contraignant de l’avis du MEDEX en ce qui concerne le taux de l’incapacité permanente, taux qui s’impose à l’autorité et au juge, pouvant uniquement faire l’objet d’une majoration.

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail d’Anvers (division Anvers) du 12 novembre 2018 (non publié). Il s’agit d’une affaire relative à un membre du personnel de l’administration fédérale, dans laquelle est ainsi en cause l’arrêté royal du 24 janvier 1969 relatif à la réparation, en faveur de membres du personnel du secteur public, des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail.

La décision de la Cour

La Cour rappelle le cadre légal, l’article 19 de la loi du 3 juillet 1967 disposant que toutes les contestations relatives à son application, y compris celles qui concernent la fixation du pourcentage de l’incapacité de travail permanente, sont déférées à l’autorité judiciaire compétente pour connaître des actions relatives aux indemnités prévues par la législation sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

La Cour reprend, ensuite, les articles 8 et 9 de l’arrêté royal, dans leur version applicable, l’article 9 reprenant la procédure de règlement administratif. Elle décide ensuite qu’il ressort des travaux préparatoires relatifs à ces deux articles que la décision du MEDEX est contraignante pour le ministre, dans la mesure où elle reconnaît un taux d’invalidité permanente et que celui-ci ne peut qu’augmenter le pourcentage ainsi fixé. Il en ressort pour la Cour que le tribunal du travail qui tranche un litige relatif au pourcentage d’invalidité permanente d’un membre du personnel d’une administration fédérale, telle que visé à l’article 19 de la loi du 3 juillet 1967, ne peut, pour cette incapacité permanente, retenir un pourcentage inférieur à celui fixé par le MEDEX.

La Cour casse ainsi l’arrêt de fond, qui ne justifie pas sa décision en droit.

Intérêt de la décision

Ce point de la réparation des séquelles d’un accident du travail dans le secteur public est régulièrement débattu devant les juridictions du travail.

L’arrêt rendu par la Cour le 11 mai 2020, qui retient le caractère contraignant de la décision du MEDEX, n’est pas le premier en la matière.

L’on peut en effet renvoyer à un autre arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 mars 2016 (Cass., 7 mars 2016, n° S.15.0053.N), dans lequel celle-ci a également statué sur les compétences du service médical avant l’arrêté royal du 8 mai 2014 (arrêté royal portant détermination de la compétence de l’Administration de l’expertise médicale et modifiant certaines dispositions en matière d’accidents du travail dans le secteur public). Cet arrêté a eu pour objet de rapprocher trois arrêtés d’exécution de la loi du 3 juillet 1967, étant celui du 24 janvier 1969, celui du 13 juillet 1970 ainsi que celui du 12 juin 1970 par renvoi et l’arrêté royal P.J. Pol.

Depuis l’arrêté royal du 8 mai 2014, le service médical est compétent pour (i) vérifier le lien de causalité entre l’accident du travail et les lésions, (ii) établir le lien de causalité entre cet accident et les périodes d’incapacité de travail, ainsi que (iii) fixer la date de consolidation, le pourcentage d’incapacité permanente et le pourcentage de l’aide de tiers.

L’arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2016, statuant pour la période antérieure à la modification du texte de l’article 8 (qui n’a cependant rien changé au caractère contraignant du pourcentage d’incapacité permanente fixé par le service médical), a retenu que la décision du service médical n’était contraignante qu’en ce qui concerne le pourcentage d’incapacité permanente, qui pouvait cependant être augmenté par l’autorité elle-même. Dans cette affaire, la cassation avait porté sur la décision de la Cour du travail de Bruxelles admettant que le service médical pouvait également fixer une date de consolidation qui liait l’employeur.

Relevons que la Cour de cassation était également intervenue dans un arrêt précédent du 13 octobre 2014 (Cass., 13 octobre 2014, n° S.13.0121.N), rejetant un pourvoi contre un arrêt du 10 septembre 2012 rendu par la Cour du travail d’Anvers (non publié). Le pourvoi demandait que la Cour rejette ce caractère contraignant, au motif que l’absence de possibilité pour l’employeur public de le contester en justice constituait pour celui-ci et pour les juridictions du travail un manquement à l’article 6 de la C.E.D.H. La cour du travail avait retenu que les règles applicables dans le secteur public n’impliquent ni la violation du droit à un procès équitable au sens de cette disposition ni celle du principe d’égalité consacré par les articles 10 et 11 de la Constitution. Le pourvoi a été rejeté, la Cour de cassation considérant que le régime d’indemnisation des accidents du travail organisé par la loi du 3 juillet 1967 et ses arrêtés d’exécution octroie un droit matériel au seul membre du personnel d’un service public victime de l’accident (ou atteint d’une maladie professionnelle). Pour la Cour, le moyen manque en droit, dès lors qu’il est entièrement fondé sur la thèse que le régime des accidents du travail dans le secteur public reconnaît l’existence d’un droit matériel dans le chef de l’employeur public, étant une administration qui met au travail.

Des décisions de fond sont régulièrement rendues sur la question, décisions qui s’alignent généralement sur la jurisprudence constante de la Cour suprême. Relevons cependant un arrêt de la Cour du travail de Mons du 8 janvier 2020 (C. trav. Mons, 8 janvier 2020, R.G. 2019/AM/195 – inédit), qui a persisté dans la thèse selon laquelle le juge, non plus que l’expert désigné par lui, ne sont liés par l’avis du MEDEX. Cette décision heurte dès lors de front l’enseignement de la Cour suprême.

L’on peut encore, afin de souligner l’importance de l’arrêt de la Cour du 11 mai 2020, renvoyer à l’avis de M. l’Avocat général VANDERLINDEN, qui a rappelé un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation le 7 février 2000 (Cass., 7 février 2000, n° S.99.0122.N), affaire concernant l’arrêté royal du 13 juillet 1970 (administrations locales). Pour l’Avocat général, dans cet arrêt, la Cour a confirmé le caractère contraignant pour l’autorité et pour le juge du pourcentage d’invalidité permanente, ce qui implique que ni cette autorité ni le juge (ou l’expert désigné par lui) ne peut accorder un pourcentage inférieur, règle figurant dans les articles 8 et 9 de l’arrêté royal de 1970. Les dispositions des arrêtés royaux n’étant pas libellées en de termes identiques à l’époque, M. l’Avocat général puise dans le rapport au Roi de l’arrêté royal du 24 janvier 1969 pour conclure à l’uniformité de la règle malgré tout. Il rappelle également que les textes ont été harmonisés en 2014.

L’on peut encore, sur la question, renvoyer à une étude en doctrine de S. REMOUCHAMPS (S. REMOUCHAMPS, « Le rôle du Medex », Les accidents du travail dans le secteur public, Anthémis, 2015, p. 260 et s.).


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