Terralaboris asbl

Nécessités de l’entreprise


C. trav.


Trib. trav.


Documents joints :

C. trav.


  • Statue dans le même sens que C. trav. Bruxelles, 10 janvier 2023, R.G. 2021/AB/693 ci-dessous quant à la manière dont un employeur normal et raisonnable eût dû appréhender l’impact potentiel sur son chiffre d’affaires de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19.

  • Confirme Trib. trav. Liège (div. Namur), 24 juin 2021, R.G. 20/145/A ci-dessous en ce qu’il estime que le simple fait qu’un travailleur soit licencié alors qu’il était en incapacité de travail ne rend pas cette rupture abusive dès lors que, la vie de l’entreprise étant évolutive, l’employeur a pu considérer, pour plusieurs motifs, que l’intéressé n’avait plus le profil adéquat pour continuer à exercer ses fonctions.

  • Il appartient au chef d’entreprise de déterminer les objectifs et les méthodes à appliquer en fonction des nécessités de celle-ci, avec pour possible conséquence que, à terme, un travailleur ne soit plus en phase avec cette évolution. Il ne peut cependant pas être exigé de figer une fonction telle que celle que le travailleur exerçait ; le juge n’exerce sur les décisions de cet ordre qu’un contrôle marginal.

  • Lorsque les nécessités de fonctionnement de l’entreprise sont invoquées, le juge n’exerce qu’un contrôle marginal sur le caractère nécessaire du licenciement. Il doit cependant vérifier (i) si les faits invoqués sont établis, (ii) s’il existe un lien entre ces faits et le fonctionnement de l’entreprise et (iii) s’il existe un lien causal entre ces faits et le licenciement.

  • Dès lors qu’elle est compatible avec la fonction exercée et qu’elle n’est pas déraisonnable, la circonstance qu’une exigence n’était pas inscrite dans le contrat dès l’origine ne la rend pas abusive. Les nécessités de fonctionnement de l’entreprise pouvant évoluer en cours d’exécution du contrat, il n’est en effet pas abusif de mettre fin à celui-ci lorsque le fait de ne pas remplir cette exigence ne permet plus de rencontrer lesdites nécessités.

  • Ni les incertitudes auxquelles la société a été confrontée du fait de la crise économique due à la pandémie de Covid-19, ni l’obligation dans laquelle son management s’est trouvé de devoir maîtriser ses coûts ne peuvent, en tant que tels, suffire à justifier un licenciement. Encore faut-il démontrer un rapport de cause à effet entre cette situation et ce licenciement, ce sous peine que la décision de rupture apparaisse comme ayant été prise de manière inconsidérée et prématurée faute d’avoir attendu de pouvoir mesurer quelles pourraient être les conséquences exactes de cette crise sanitaire dans les mois à venir.

  • Un employeur ne peut invoquer comme nécessité de fonctionnement un événement qu’il a lui-même créé (à savoir procéder au remplacement d’une travailleuse en incapacité de travail pour, précisément, répondre auxdites nécessités) et tirer argument de cette situation pour s’opposer au retour de l’intéressée une fois sa santé recouvrée en préférant conserver sa remplaçante à son service, ce alors même qu’aucun manquement professionnel n’a jamais été reproché à la victime de l’incapacité.

  • Dès lors qu’aucune précision n’est apportée quant à une éventuelle réduction des tâches qui justifiaient jusque-là une occupation à temps plein, le seul fait que celles-ci aient été confiées à un autre membre du personnel est insuffisant pour établir la nécessité qu’il y avait à procéder à cette réorganisation.

  • Seul le caractère manifestement déraisonnable du licenciement peut être contrôlé par le juge et non l’opportunité de la gestion de l’employeur. En l’espèce, les difficultés économiques et financières rencontrées par la société justifient que celle-ci repense sa stratégie commerciale et l’adapte aux besoins résultant de l’évolution de l’ensemble même du secteur HORECA à Bruxelles. Dès lors, le licenciement du travailleur, occupé en qualité de commis de bar, n’est ni manifestement déraisonnable, ni abusif.

  • (Décision commentée)
    Lorsque l’employeur invoque un des trois motifs visés par l’article 8 de la CCT n°109 pour justifier un licenciement, la cour doit exercer un contrôle strict de la réalité de ce motif (au contraire du contrôle de proportionnalité, qui est marginal). En l’espèce, l’employeur invoque les nécessités de fonctionnement de l’entreprise en se basant sur une étude unilatérale qui n’est en réalité que le soutien méthodologique de son choix mais ne justifie pas de la nécessité de le poser. Son argumentation est très générale et théorique, elle ne se rattache aucunement à des données concrètes de l’entreprise, ni à aucune comparaison référenciée, alors que la travailleuse souligne et démontre sur base des pièces qu’elle produit que le contexte économique de l’entreprise est particulièrement positif au regard des chiffres et des rapports de gestion. La cour constate encore que la décision de licencier résulte de l’implémentation pure et simple d’un plan salarial qui prévoit deux possibilités : soit le travailleur accepte la nouvelle politique salariale, soit il est licencié avec préavis. Dès lors, la sanction postulée par la travailleuse, à savoir la sanction maximale de 17 semaines, se justifie.

Trib. trav.


  • Un licenciement fondé sur les nécessités de l’entreprise suppose la démonstration d’un lien causal entre la rupture du contrat et les besoins concrets de l’entreprise, soit sa réorganisation et ses conséquences sur les plans organisationnel et financier. Ces nécessités recoupent des besoins rencontrés dans le contexte traversé et non un objectif abstrait. Elles visent l’ensemble des impératifs liés à l’activité de l’entreprise tant du point de vue économique que social.

  • La société, qui plaide comme motif de licenciement les nécessités de fonctionnement de l’entreprise – en l’espèce des considérations d’ordre économique relatives à sa santé financière –, est suivie par le tribunal même si, après le licenciement, la masse salariale a augmenté (période 2020-2021). Ce fait s’explique par la circonstance que, pendant l’année 2020, comme de nombreuses sociétés, l’employeur a dû faire appel au chômage temporaire pour force majeure – la masse salariale étant donc anormalement basse – et que, par ailleurs, le coût du travailleur était toujours pris en charge, celui-ci prestant un (long) préavis.

  • Un licenciement, même s’il semble avoir été décidé en raison d’une inimitié (inexplicable et non partagée selon la travailleuse) de l’épouse de l’administrateur-délégué de l’entreprise envers l’intéressée, ne révèle pour autant pas ipso facto une intention de nuire à celle-ci, qui avait postulé spontanément et n’a pas été débauchée, ou encore un comportement anormal et disproportionné de l’employeur dès lors que le maintien du contrat était, visiblement, de nature à causer des difficultés dans son couple. En cela, le licenciement peut être rattaché aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise, en dépit du fait qu’il trouve sa cause dans la sphère privée.

  • (Décision commentée)
    Face au constat d’une divergence de vues entre deux travailleurs ou simplement face à celui d’un manque de cohésion entre eux alors qu’ils doivent collaborer dans l’exercice de leurs fonctions, un employeur est, sans qu’il soit question de déterminer lequel d’entre eux est à l’origine de cette situation, totalement libre de choisir celui des deux dont il entend se séparer, sans que le tribunal ait à s’immiscer dans ce choix.

  • (Décision commentée)
    Les nécessités invoquées au titre de motif du licenciement recoupent des besoins, des impératifs dans le contexte de l’entreprise et ne représentent pas un objectif abstrait. Il doit s’agir de l’ensemble des impératifs liés à l’activité de l’entreprise tant du point de vue économique que social.
    En l’espèce, le motif réel du licenciement doit être recherché dans le refus d’allouer à l’employée un remboursement de frais pour le télétravail (vu le refus de financer un espace de co-working). La société ne démontre par ailleurs pas ce qu’elle énonce comme une vérité, étant qu’une solution aurait été trouvée avec les autres employés. La réalité des motifs n’est pas démontrée, non plus, ainsi, que le caractère non manifestement déraisonnable du licenciement.

  • La réglementation comptable ayant défini l’exercice comptable comme une période de 12 mois, c’est afin d’obtenir la photographie la plus fiable de la santé de l’entreprise. « Saucissonner » cet exercice n’est pas opportun et donne une vision tronquée de la réalité. Il ne peut, dès lors, être tenu compte de ce reporting pour établir les raisons économiques avancées comme motif du licenciement lorsqu’il a été effectué sur une période particulière puisque débutant juste après le début du premier et plus strict des confinements connus lors de la pandémie due au COVID-19 qui a empêché la plupart des personnes de circuler, voire de travailler.

  • Représente un détournement manifeste de la finalité économique du licenciement, la rupture décidée à l’effet de résoudre une situation conflictuelle n’ayant, précédemment, fait l’objet d’aucune tentative de conciliation. Laisser un conflit perdurer constitue un acte déloyal que ne poserait pas un employeur normalement prudent et diligent.

  • Les nécessités du fonctionnement de l’entreprise devant être appréciées à la date du licenciement, le fait que celui-ci soit, peu après, suivi par l’engagement de nouveaux travailleurs ne lui confère pas nécessairement un caractère abusif, ce seul fait ne signifiant pas – la vie d’une entreprise étant, pour une part, imprévisible – que, à la date du congé, des nécessités économiques ne le justifiaient pas.

  • (Décision commentée)
    Les raisons financières et difficultés économiques vantées devant le juge, mais non citées dans la lettre de rupture, ne pouvaient se déduire du seul terme « restructuration » mentionné, de manière abstraite et théorique, dans celle-ci et sur le C4 remis au travailleur, qui ne pouvait ainsi se faire une idée suffisamment précise du motif de son licenciement.

  • (Décision commentée)
    Il est tout à fait concevable que, confronté à la nécessité de réorganiser ses services à la suite d’une baisse de ses rentrées, un employeur normal et raisonnable procède au licenciement d’une partie de son effectif, soit les travailleurs les moins polyvalents, ce qui peut, sans pour autant que les licenciements auxquels il procède deviennent déraisonnables, conduire à ce que des travailleurs sous CDI se voient donner congé alors que des personnes sous CDD sont maintenues en activité et, au besoin, qu’ils soient remplacés par des éléments ayant précédemment démissionné.

  • Sauf éléments en sens contraire, le fait pour un employeur de demander régulièrement à un employé commercial de justifier de son temps ainsi que de lui fournir des rapports de suivi des commandes et des clients ne traduit pas sa volonté de constituer un dossier à charge de l’intéressé, mais son souci d’assurer la bonne gestion et les nécessités du fonctionnement de son entreprise.

  • Etant de nature à mettre à mal le fonctionnement de l’entreprise, des conflits entre un manager et les collaborateurs directs de son département peuvent justifier que, après avoir déjà averti l’intéressé et lui avoir imparti un objectif, non atteint, de maintien de la cohésion de son équipe, la société estime devoir se séparer de lui afin de garantir une saine gestion des relations interpersonnelles en son sein.

  • Le fait qu’il n’y ait pas eu de communication interne annonçant la reprise de la fonction de Directeur régional par le travailleur n’est pas de nature à démontrer que, dans les faits, il ne l’a pas reprise. Il importe également peu pour déterminer la fonction réellement exercée au moment de licenciement, que l’intéressé ait, par le passé, exprimé sa volonté de reprendre sa fonction antérieure ou encore, s’agissant de déclarations unilatérales de l’employeur faites in tempore suspecto, que diverses communications internes, postérieures à son licenciement, aient mentionné qu’il exerçait celle-ci.

  • Échoue à démontrer que les nécessités de l’entreprise justifiaient une diminution de l’effectif l’employeur qui, dans les semaines ayant précédé le licenciement de l’un d’entre eux, a cherché à engager d’autres travailleurs ayant un profil semblable à celui de l’intéressé.

  • (Décision commentée)
    En cas de restructuration et/ou, comme c’est le cas en l’espèce, de réorganisation, l’employeur doit établir le lien causal entre la réorganisation et ses conséquences (sur le plan organisationnel et financier) d’une part et le licenciement du travailleur de l’autre. À défaut, le licenciement n’est pas fondé sur des motifs économiques liés aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service et le travailleur a droit à une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable.

  • Si l’employeur rapporte la preuve qu’il a licencié pour engager un travailleur moins qualifié et qu’il est avéré que les deux travailleurs n’ont pas le même profil, qu’il n’est pas demandé au remplaçant des tâches (de nature comptable) du même ordre qu’auparavant (le nouvel engagé ne devant pas maîtriser un logiciel comptable) et que le remplaçant n’agit que comme aide-comptable (pour l’encodage), la comptabilité étant tenue par un service externe, le licenciement est fondé sur les nécessités du service.

  • Dès lors qu’est invoqué, comme cause de licenciement, un motif lié aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise, il faut distinguer un licenciement justifié par celles-ci de la simple envie de maximiser le profit une fois que l’employeur a obtenu ce qu’il voulait de la part du travailleur et qu’il estime le cas échéant pouvoir se passer de celui-ci. Il en va ainsi de la situation où un travailleur, actif depuis de nombreuses années dans la branche professionnelle, a pu communiquer son carnet d’adresses professionnelles à son nouvel employeur, a établi des contacts entre celui-ci et ses connaissances professionnelles, a réalisé l’inventaire des marchandises, élaboré des catalogues commerciaux, établi la politique d’achat et de vente, etc. Le licenciement qui intervient après que la société a obtenu toutes ces informations précieuses, sans cependant qu’elle ne puisse faire valoir une situation financière difficile, n’aurait pas été décidé par un employeur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes conditions. Le licenciement intervenant sans motif valable, l’indemnité due est l’indemnité maximale.

  • Un licenciement ne peut être qualifié de manifestement déraisonnable lorsque, les nécessités de l’entreprise étant reconnues, l’employeur qui se sépare de certains de ses travailleurs laisse son choix être guidé par des raisons personnelles, ce choix des personnes relevant de la liberté de gestion de son entreprise.

  • Le licenciement motivé par le refus légitime du travailleur de voir modifier ses conditions de travail doit être considéré comme un licenciement manifestement déraisonnable et ce, d’autant plus que la modification portait sur un élément essentiel du contrat, à savoir la rémunération, dans la mesure où la diminution de ses prestations impliquait une diminution de celle-ci.

  • En toute hypothèse, une société, estimant que le chiffre d’affaires réalisé par un de ses représentants de commerce ne permet pas de maintenir l’emploi de l’intéressé, peut, sans attendre le résultat purement hypothétique de négociations en cours, décider de lui notifier son licenciement moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis, sans pour autant que sa décision s’avère, de ce fait, revêtir un quelconque caractère de « brutalité » et puisse être vue comme étant déraisonnable.

  • (Décision commentée)
    Le motif du licenciement résidant dans le refus d’une employée d’accepter une réduction de sa rémunération de base (caractère trop élevé de celle-ci pour la fonction exercée, l’employeur se référant aux capacités financières de l’entreprise), le licenciement, lié à ce refus, est manifestement déraisonnable. L’obligation en l’espèce d’aligner les rémunérations sur les « pratiques du marché » n’est, pour le tribunal, nullement établie, aucun marché n’étant défini et les critères appliqués n’étant nullement déterminés. Le fait par ailleurs pour la société d’invoquer la nécessité pour les travailleurs de préserver leur emploi ne vaut pas justification du motif, dans la mesure où le lien de causalité n’est pas établi (lien entre la politique de rémunération et une menace sur les emplois), le tribunal rappelant également que les bénéfices réalisés par la société sont substantiels. La décision prise par la société, portant sur la réduction des rémunérations, est un manquement à l’article 1134 du Code civil, s’agissant de la modification d’un élément essentiel du contrat.

  • Appelées à la succession de leur père à la tête de son entreprise, ses héritières ne se comportent pas en employeur normal et raisonnable en décidant, sans même attendre l’officialisation de leur nomination en tant que gérantes, de licencier, ex abrupto, un collaborateur de longue date, sans lui avoir d’abord rappelé ses obligations contractuelles ainsi que la nécessité d’un travail rigoureux et sans avoir vérifié l’exécution de celui-ci, pour des motifs qui ne pouvaient être justifiés qu’a posteriori et sur lesquels la décision de rupture ne pouvait matériellement se fonder compte tenu du délai extrêmement court dans lequel elle est intervenue.

  • Dès lors que l’employeur apporte la preuve des raisons l’ayant conduit à concentrer sur une seule tête la responsabilité de plusieurs départements, il n’appartient pas au tribunal d’apprécier si sa décision était justifiée ou non financièrement, celle-ci relevant de sa liberté d’organiser son entreprise comme il l’entend et de proposer le poste au travailleur qui lui paraît le plus compétent.
    Le travailleur évincé est, dans ces circonstances, d’autant plus malvenu de prétendre à un licenciement manifestement déraisonnable qu’il admet avoir refusé la fonction au motif que les conditions financières proposées ne reflétaient pas la charge de travail imposée.

  • Le tribunal doit vérifier la légalité du motif invoqué par l’employeur, sa réalité et le lien de causalité nécessaire entre le motif et le licenciement. Dès lors que l’employeur invoque que « les affaires diminuaient », il doit établir ce fait. Les résultats annuels produits ne permettent pas, selon le tribunal, de comprendre le motif de la décision de rupture au moment précis où elle intervient : l’employeur ne précise ni ne produit les éléments comptables qui lui ont permis de constater sur une très courte durée que l’engagement à durée indéterminée n’était pas viable pour l’entreprise du fait de la diminution des affaires. A supposer même que l’employeur établisse ces difficultés, rien ne permet de mettre en lien ces chiffres et la décision de rupture du contrat de travail une dizaine de jours après l’engagement.


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