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Un recours en justice contre une demande d’attestation (secteur personnes handicapées) peut-il être étendu à l’octroi des allocations ?

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 3 août 2015, R.G. 2014/AL/653

Mis en ligne le lundi 25 janvier 2016


Cour du travail de Liège (division Liège), 3 août 2015, R.G. 2014/AL/653

Terra Laboris ASBL

Par arrêt du 3 août 2015, la Cour du travail de Liège (Division Liège) a jugé que l’interprétation à donner à la règle du « préalable administratif » ne doit pas empêcher que la demande en justice soit étendue à un objet nouveau. S’agissant d’une contestation d’une demande administrative portant sur les avantages sociaux et fiscaux, elle peut viser également les allocations de remplacement de revenu et d’intégration.

Les faits

Une demande est introduite auprès du SPF Sécurité sociale, s’agissant, selon l’impression d’écran et l’accusé de réception, d’une demande tendant à un examen médical exclusivement. La réponse de l’Etat belge est que l’intéressé ne remplit pas les conditions médicales pour l’octroi de l’allocation de revenu ainsi que de l’allocation d’intégration.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Liège, qui désigne un expert. Celui-ci conclut à l’absence de droit à une A.R.R. mais admet celui d’une allocation d’intégration de catégorie 1. Le tribunal entérine le rapport et réserve à statuer sur les montants.

L’Etat belge interjette appel, sur un seul point. Il pose à la cour la question de savoir si le tribunal pouvait valablement connaître du droit aux allocations, c’est-à-dire de la recevabilité de cette demande ou s’il était, au contraire, tenu de se limiter à la contestation médicale, en vertu de la règle du préalable administratif.

Décision de la cour

La cour constate en premier lieu que n’est pas démontrée l’introduction d’une demande administrative d’allocations.

Dans son recours devant le tribunal (en réalité deux requêtes, qui ont été jointes), le demandeur a cependant non seulement contesté l’évaluation médicale mais également sollicité le bénéfice des allocations. La question est dès lors de savoir si le recours en justice peut porter sur ce point, qui ne figurait pas dans la demande administrative (et sur laquelle il n’a dès lors pas été statué).

La cour rappelle le cadre de la discussion, en doctrine ainsi que dans la jurisprudence de la Cour de cassation, s’agissant du principe du « préalable administratif ». Ce préalable administratif découle de la nécessité d’une contestation en cas de recours devant les juridictions sociales. Il ne doit cependant pas faire l’objet d’une interprétation « maximaliste » selon laquelle il serait interdit aux juridictions de se prononcer à la place de l’administration, c’est-à-dire avant que celle-ci n’ait pu le faire.

Rappelant une très abondante jurisprudence de la Cour de cassation sur les conditions d’octroi des prestations sociales, l’étendue de la saisine des juridictions, la prise en compte de faits nouveaux, ainsi que la recevabilité des demandes incidentes et des demandes nouvelles, la cour considère que l’ensemble de ces principes est incompatible avec une définition large du préalable administratif. Il ne peut dès lors être question d’empêcher une extension de la demande aux conditions du Code judiciaire. Aucune règle propre à la matière des allocations aux personnes handicapées ne déroge à ces principes. La cour renvoie aux diverses dispositions de la loi du 27 février 1987 sur le droit aux allocations (essentiellement articles 8, 1° et 19, alinéa 1er relatifs aux demandes administratives).

Elle conclut que, dans la mesure où il y a eu contestation de la décision administrative, il pouvait également y avoir saisine du tribunal d’une demande d’allocations fondée sur les mêmes faits, à savoir la même situation médicale.

Elle confirme dès lors le jugement, ainsi que la réouverture des débats aux fins de statuer sur les autres conditions d’octroi de l’allocation d’intégration proposée par l’expert judiciaire.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège fait une application cohérente des règles du droit judiciaire relatives à la demande (extension de la demande, introduction de demandes nouvelles) ainsi que des règles concernant l’étendue de la saisine des juridictions dans la matière des prestations pour personnes handicapées dans le cadre de la loi du 27 février 1987.

L’on soulignera cependant qu’une demande d’avantages sociaux et fiscaux ne vaut pas demande d’allocations sur le plan administratif. Dans cet arrêt, la cour admet qu’au stade du recours judiciaire, l’ensemble de la situation peut être examiné, étant à la fois les avantages sociaux et fiscaux demandés à l’administration et les prestations d’ordre financier faisant l’objet d’une extension de la demande ou d’une demande nouvelle.

La question fait débat dans d’autres secteurs, dont celui des maladies professionnelles, et la jurisprudence est décisive, d’où l’intérêt de cette analyse rigoureuse faite par la Cour du travail de Liège.


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