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L’O.N.S.S. doit-il respecter la Charte de l’assuré social ?

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 13 octobre 2022, R.G. 2018/AN/157

Mis en ligne le vendredi 7 avril 2023


Cour du travail de Liège (div. Namur), 13 octobre 2022, R.G. 2018/AN/157

Terra Laboris

Rétroactes

L’ONSS a procédé au désassujettissement d’un travailleur à la sécurité sociale des travailleurs salariés. Le motif est l’absence dans le chef de la société supposée l’employer d’activité compatible avec une occupation de travailleurs salariés.

Une procédure a été introduite, le demandeur sollicitant le rétablissement de son assujettissement.

Le tribunal du travail de Liège (div. Namur) a conclu à l’irrecevabilité pour tardiveté de la demande introduite.

Appel a été interjeté.

Les arrêts de la cour du travail

Arrêt du 18 juin 2019

La cour a ordonné dans un arrêt du 18 juin 2019 une réouverture des débats, au motif que la Cour constitutionnelle était alors saisie d’une question préjudicielle posée par le tribunal du travail de Liège dans un jugement du 28 janvier 2019. Cette question concerne l’application des dispositions de la Charte de l’assuré social (et spécialement de son article 14) aux décisions d’annulation d’assujettissement de l’ONSS.

La cour du travail a également demandé aux parties de se positionner sur la question de savoir si la prise de cours du délai de recours de l’article 42, al. 5, de la loi du 27 juin 1969 peut être affectée par l’éventuel non-respect par l’ONSS de l’obligation de publicité découlant de l’article 2, 4°, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration.

Arrêt du 13 octobre 2022

Dans son arrêt du 13 octobre 2022, la cour du travail commence par le rappel de la position des parties sur les points faisant l’objet de la réouverture des débats.

L’appelant plaide que, répondant à la question posée par le tribunal du travail de Liège, la Cour constitutionnelle a conclu dans son arrêt 49/221 à l’absence de violation des articles 10 et 11 de la Constitution entre la situation d’une personne qui introduit un recours contre une décision de retrait ou de refus de prestation de sécurité sociale et celle d’une autre qui introduit un recours contre une décision de désassujettissement de l’ONSS au motif que l’article 2, 4°, de la loi du 11 avril 1994 impose les mêmes obligations que l’article 14, al. 1er, 1° à 4°, de la Charte de l’assuré social. Il convient en conséquence d’interpréter les deux dispositions de manière identique. Cependant, il demande en l’espèce à la cour de dire pour droit que la décision de l’ONSS n’est pas conforme à l’article 2, 4°, de la loi du 11 avril 1994 et qu’en conséquence le délai pour introduire son recours n’a pas pris cours.

Pour l’ONSS, la Cour constitutionnelle a relevé que les mentions obligatoires sont quasi identiques dans les deux lois (loi du 11 avril 1994 et Charte de l’assuré social) et qu’il n’y a pas de discrimination en ce qui concerne la suspension du délai de recours. Pour l’Office, la décision est conforme à la loi du 11 avril 1994 et le délai a commencé à courir normalement, entraînant la tardiveté du recours du demandeur.

La cour examine dès lors cette question.

L’article 42, al. 5, de la loi du 27 juin 1969 dispose que l’action du travailleur contre l’ONSS, tendant à faire reconnaître son droit subjectif doit, à peine de déchéance, être introduite dans les trois mois de la décision de l’Office.

L’ONSS est tenu par les dispositions de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration. Pour ce qui est de la Charte de l’assuré social, sont considérés comme des institutions de sécurité sociale les ministères, les institutions publiques de sécurité sociale, de même que les organismes, autorités ou personnes morales de droit public qui accordent des prestations de sécurité sociale. Même si l‘ONSS pourrait être considéré comme une telle institution au sens de l’article 2, 2°, de la loi, il n’est pas une institution qui accorde ou refuse des prestations de sécurité sociale et, en conséquence, l’article 14 de la loi ne lui est pas applicable.

Dans son arrêt n° 49/2021, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur la question d’une différence de traitement entre d’une part les recours introduits contre les décisions d’une institution de sécurité sociale ou d’une institution coopérante où il s’agit de respecter les mentions de l’article 14 de la Charte (étant les mentions qui doivent figurer sur une décision administrative) et d’autre part les recours contre une décision de l’ONSS où le délai commence à courir même si toutes les mentions de l’article 14 de la Charte n’y figurent pas.

La cour reprend les points importants de cet arrêt, soulignant que la Cour Constitutionnelle a conclu que les textes contiennent de obligations similaires relatives à l’indication des possibilités, des délais et des modalités de recours existants.

Elle constate en l’espèce que la décision est conforme aux exigences de la loi du 11 avril 1994 et que, en conséquence, le délai de recours a commencé à courir, entraînant l’irrecevabilité de la requête introduite.

Intérêt de la décision

Cette décision est à notre sens la première à faire application de la règle dégagée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 49/2021, qui a conclu à l’absence de différence de traitement en ce qui concerne l’indication obligatoire des possibilités de recours, des délais et des modalités entre les personnes introduisant un recours selon qu’est applicable la Charte de l’assuré social ou la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration.

Précisons que, dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a limité son examen à la différence de traitement entre des personnes selon qu’elles introduisent un recours contre une décision de l’ONSS annulant l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés ou contre une décision de l’ONEm, lequel, en se basant sur la décision de l’ONSS, refuse à l’intéressé le droit à des allocations de chômage (la décision de l’ONEm devant satisfaire aux exigences de l’article 14 de la loi du 11 avril 1995) et que la Cour ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si la décision de l’ONSS annulant l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés relève du champ d’application de l’article 14 de la loi du 11 avril 1995.

Celle de savoir si l’ONSS entre dans le champ d’application de la Charte a été abordée dans un arrêt de la cour du travail de Bruxelles (C. trav. Bruxelles, 1er juin 2017, R.G. 2014/AB/687), cité par la cour du travail de Liège dans la décision commentée : même à supposer que l’O.N.S.S. puisse être considéré comme une institution de sécurité sociale au sens de la définition donnée à celles-ci à l’article 2, 2° de cette loi, il n’est pas une institution qui accorde ou refuse des prestations de sécurité sociale.

Cette jurisprudence conclut ainsi à l’absence d’obligation pour l’Office de respecter les dispositions de la Charte, tout en étant cependant tenu à se conformer aux exigences de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration.


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