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Conditions de l’application du chômage pour force majeure Corona

Commentaire de C. trav. Bruxelles (huitième chbre), 8 novembre 2023, R.G. 2022/AB/147

Mis en ligne le lundi 15 avril 2024


C. trav. Bruxelles (huitième chbre), 8 novembre 2023, R.G. 2022/AB/147

Terra Laboris

Dans un arrêt du 8 novembre 2023, la Cour du travail de Liège dégage les conditions de l’application du chômage pour force majeure Corona : même si le caractère exceptionnel de la situation liée à la crise du coronavirus a incité l’ONEm à adopter une application souple de la notion de chômage pour force majeure, il reste que son admission requiert l’existence d’un contrat de travail ayant un objet et une cause ainsi qu’une hypothèse de force majeure ayant suspendu au moins temporairement son exécution.

Faits de la cause

Mme A.G. est la compagne du gérant de la société A., M. F., qui l’a, par un contrat de travail à temps partiel du 20 mars 2020, engagée à partir de cette date en tant que « employée support » et l’a, le même jour, déclarée en chômage temporaire Corona.

Le 26 janvier 2021, cette société a fait l’objet d’une enquête de l’inspection sociale.

Suite à ce contrôle, l’ONEm a, par une décision du 3 mai 2021, refusé de reconnaitre ce chômage temporaire pour force majeure, précisant dans sa décision que les allocations perçues par Mme A.G. seraient récupérées et que les jours de chômage temporaire devaient être payés par la société.

Aucun recours n’a été introduit contre cette décision.

Entretemps, la société avait le 27 janvier mis fin au contrat de travail de Mme A.G. qui, le même jour, était engagée, selon contrat signé par M. F., par une autre société.

La faillite de la société A a été déclarée le 14 septembre 2021.

Après avoir demandé des explications à Mme A.G. par un courrier du 25 mai 2021 - que celle-ci laissera sans réponse -, l’ONEm décide, le 30 juin 2021, d’exclure la chômeuse du droit aux allocations pour la période du 20 mars 2020 au 27 janvier 2021 et de récupérer les allocations perçues.

Les rétroactes de la procédure

Mme A.G. a introduit contre cette décision un recours recevable devant le tribunal du travail du Brabant wallon. Par voie reconventionnelle, l’ONEm a demandé la condamnation de celle-ci au remboursement des allocations de chômage pour un montant de 16.498,88€.
Par un jugement du 25 janvier 2022 (R.G. n°21/528/A), le tribunal a dit ce recours recevable mais non fondé et la demande reconventionnelle recevable et fondée.

L’arrêt commenté

L’arrêt écarte tout d’abord le moyen pris de la violation par l’ONEm de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs : la requête introductive d’instance montre que la chômeuse a compris en droit et en fait la portée de la décision. En toute hypothèse, la cour étant saisie d’un contentieux de pleine juridiction, elle doit statuer sur le droit subjectif aux allocations de chômage de celle-ci.

L’arrêt commenté relève ensuite que, « même si le caractère exceptionnel de la situation liée à la crise du coronavirus a incité l’ONEm à adopter une application extrêmement souple de la notion de chômage temporaire pour force majeure et que le gouvernement fédéral lui a emboité le pas, il reste qu’il faut : 1) un contrat de travail ; 2) une hypothèse de force majeure qui suspend au moins temporairement son exécution. Or, ni l’un ni l’autre ne ressortent de cette affaire. »

Mme A. doit à tout le moins participer à l’administration de la preuve que le contrat souscrit avait pour objet un travail et une rémunération en contrepartie de prestations. Or, elle ne donne aucun élément permettant de considérer que la société avait une quelconque activité qu’elle aurait dû arrêter lors de la crise sanitaire, en d’autres termes quel était l’intérêt, l’utilité, la cause de son engagement et de sa prétendue occupation jusqu’à la rupture des relations contractuelles.

La cour du travail conclut que ce contrat était « résolument fictif », sans objet et fondé sur une cause illicite en sorte qu’il ne peut être opposé à l’ONEm en vertu des articles 1131 de l’ancien Code civil et 27 du Code civil.

La cour du travail ajoute que la société A., qui n’avait au moment de l’engagement aucune activité, ne peut se prévaloir de l’impossibilité d’exécuter le contrat suite à la force majeure, que celle-ci soit due ou non au Coronavirus. Elle n’a en l’espèce pas eu le comportement d’un employeur normalement prudent et diligent

Quant aux principes de bonne administration, dont celui de la légitime confiance ou de la sécurité juridique, dont se prévaut Mme A.G. ils ne sont pas de nature à influencer le raisonnement de la cour du travail.

Intérêt de la décision commentée

Le cas d’espèce est certes particulier, s’agissant d’un contrat de travail qualifié par la cour du travail de « résolument fictif ».

Il reste que le raisonnement rigoureux de la cour du travail, sur la nécessité d’un contrat de travail ayant un objet et une cause et sur la force majeure n’est pas limité à ce cas.

Rappelons, à propos de la force majeure Coronavirus, l’arrêt de la Cour du travail de Liège (division Namur) du 21 février 2023 (R.G. 2022/AN/58), consultable sur www.terralaboris.be, qui adopte ce critère de l’employeur normalement prudent et diligent pour résoudre la problématique du refus de l’ONEm que des contrats soient conclus pour une période couverte par du chômage temporaire.


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