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Démission du travailleur et droit aux allocations de chômage : exigence d’un motif légitime

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 avril 2011, R.G. 2010/AB/207

Mis en ligne le mardi 8 novembre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 13 avril 2011, R.G. n° 2010/AB/207

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 avril 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que ne constituent pas un motif légitime au sens de la réglementation un ensemble de raisons de pure convenance personnelle du travailleur. La cour rappelle également l’obligation pour celui-ci d’apporter la preuve du motif légitime à la base de la démission.

Les faits

Une dame F. exerce une activité d’architecte (indépendante) pendant cinq ans et peu avant la fin de cette période d’activité elle travaille comme employée à temps plein tout en restant inscrite au statut social des travailleurs indépendants. Un an et demi plus tard, elle quitte son emploi et sollicite le bénéfice des allocations de chômage. Sur le document C1 figure la mention de l’exercice d’une activité accessoire indépendante, les heures d’exercice étant cependant omises. L’intéressée quitte alors la Belgique pendant une période de trois mois. Elle fait l’objet d’une notification d’exclusion pour une période de 13 semaines du fait du caractère volontaire du chômage vu l’abandon d’emploi.

Un nouveau formulaire C1 est introduit vu les mentions incomplètes du précédent en ce qui concerne les heures d’exercice de l’activité accessoire indépendante. L’ONEm invoque alors la circonstance que l’activité n’aurait pas – selon les mentions de l’intéressée elle-même – été exercées dans les trois mois précédant la demande d’allocations. Ensuite de quoi, l’intéressée met fin à son affiliation et sera admise.
Un recours est cependant introduit en ce qui concerne essentiellement la décision d’abandon d’emploi.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 29 janvier 2010, le Tribunal du travail de Bruxelles déclare la demande de l’ONEm partiellement fondée, réduisant cependant la durée de l’exclusion.

Position des parties en appel

L’employée fait état de paiements tardifs de rémunération et fait grief à l’ONEm de ne pas avoir fait une enquête auprès de son ancien employeur en ce qui concerne les motifs de la démission.

Subsidiairement, elle considère que la sanction – même réduite – est encore trop lourde et qu’elle mériterait tout au plus un avertissement ou un sursis.

L’ONEm interjette, par ailleurs, appel sur la question de la réduction de la sanction qu’il considère en-dessous de la moyenne, la fourchette admise étant de 4 à 52 semaines.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les conditions fixées par l’arrêté royal du 25 novembre 1991 en matière de conditions d’octroi des allocations, étant que le chômeur peut être exclu du bénéfice de celles-ci s’il est amené à les solliciter par suite de circonstances dépendantes de sa volonté. Est notamment visé l’abandon d’emploi convenable sans motif légitime. La cour rappelle les critères de l’emploi non convenable et particulièrement l’hypothèse de non respect par l’employeur des dispositions légales en matière de paiement de la rémunération, de la durée ou des conditions de travail.

Analysant, à la lumière de ce rappel des principes, les éléments de l’espèce, la cour considère qu’aucun des éléments avancés par l’employée ne peut être un motif légitime (celle-ci faisant valoir, outre le retard systématique dans le paiement de la rémunération, le caractère répétitif de son travail, l’absence de possibilités de créativité, d’évolution dans la société, ainsi que le caractère rigide des horaires, congés et vacances, l’ambiance de travail …). La cour considère que, à part la question de la ponctualité dans le paiement des salaires - chose qui n’est pas établie par l’intéressée – aucun de ces éléments ne peut justifier la démission, au sens de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (art. 51 et s.), le fait qu’un travail ne plaise plus n’étant pas constitutif d’un motif légitime.

La cour va, ensuite, rappeler que l’ONEm n’est pas tenu d’effectuer une enquête auprès de l’employeur. S’il est parfois recouru à celles-ci, il s’agit toujours de permettre de vérifier le caractère volontaire ou non du chômage dans le cadre d’un licenciement pouvant être intervenu pour un motif équitable eu égard à l’attitude fautive du travailleur. La cour rappelle que c’est dans ce seul cas, visé par l’article 51, § 2, alinéa 2, 2° de l’arrêté royal, qu’une enquête peut parfois permettre de bien comprendre le motif du licenciement, notamment eu égard aux mentions généralement sommaires du document C4. Par contre, en cas d’abandon d’emploi, il n’y a aucune obligation dans le chef de l’ONEm en ce qui concerne des vérifications à cet égard et c’est le chômeur seul qui a la charge de la preuve du caractère légitime de l’abandon d’emploi.

La cour va, en conséquence, confirmer le principe de la sanction. Elle donne, sur l’importance de celle-ci, quelques indications, étant que c’est la première fois que l’intéressée avait sollicité le bénéfice des allocations de chômage après un abandon d’emploi. Par ailleurs, la référence à une « fourchette de sanctions entre 4 et 52 semaines » entraînant le choix d’une exclusion de 13 semaines (en tant que moyenne ?) n’est pas pour la cour une justification suffisante. Elle rappelle que les sanctions sont plus larges que celles reprises par l’ONEm, puisqu’existe également la possibilité d’un avertissement ou d’une sanction avec sursis.

Ces deux dernières possibilités ne sont cependant pas retenues par la cour, qui se réfère à l’absence d’éléments quelconques produits par l’intéressée pour établir que sa démission aurait été justifiée par des retards dans le paiement du salaire, les autres éléments avancés par elle étant qualifiés par la cour de pure convenance personnelle.

Intérêt de la décision

Il n’est pas inutile de rappeler, ainsi que le fait la Cour du travail de Bruxelles dans cet arrêt, les hypothèses dans lesquelles des enquêtes sont généralement tenues suite à un licenciement amenant le travailleur à solliciter le bénéfice d’allocations de chômage. Seul est visé par la réglementation le contrôle par l’ONEm du motif équitable, dans l’hypothèse d’une attitude fautive du travailleur. C’est dans l’appréciation de ce motif que des mesures d’instruction peuvent être décidées et que l’employeur peut être interrogé quant à la raison exacte du licenciement du travailleur. Dans les autres cas, et, particulièrement, dans l’hypothèse d’un abandon d’emploi, aucune obligation n’existe dans le chef de l’Office de faire une enquête.


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