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Allocations familiales majorées pour enfants atteints d’une affection : méthode d’évaluation

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 décembre 2012, R.G. 2012/AB/748

Mis en ligne le mardi 14 mai 2013


Cour du travail de Bruxelles, 6 décembre 2012, R.G. n° 2012/AB/748

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 6 décembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle de manière très circonstanciée la méthode d’évaluation d’une affection susceptible de permettre l’octroi d’allocations familiales majorées, et ce vu les critères des trois piliers.

Les faits

Les parents (représentants légaux) de leur fils mineur introduisent une procédure devant le tribunal du travail, suite à la révision par la caisse d’allocations de la situation de leur enfant. Un supplément d’allocation a en effet été accordé depuis novembre 2006, l’enfant totalisant 16 points sur l’échelle médico-sociale dont au moins 4 points dans le premier pilier. Par la décision en cause, la caisse d’allocations fixe à 6 points le total dont moins de 4 dans le premier pilier. Le supplément d’allocations est dès lors réduit.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail, qui désigne un expert. Celui-ci va aboutir à une conclusion de 8 points pour l’ensemble des trois piliers. Suite à la contestation des demandeurs, étayée par un rapport médical circonstancié, un complément d’expertise est demandé à l’expert, portant sur des lésions et troubles fonctionnels de nature psychiatrique. Appel est interjeté de ce jugement.

Décision de la cour du travail

La cour examine les conditions d’octroi d’allocations familiales majorées pour les enfants atteints d’une affection. Les lois coordonnées relatives aux allocations familiales prévoient l’octroi d’un supplément, dont le montant varie en fonction de la gravité de l’affection et l’arrêté royal du 28 mars 2003, qui exécute les dispositions pertinentes de la loi, précise les modalités d’évaluation à respecter. C’est le système des trois piliers. A chacun est attribué un nombre de points et la cour rappelle qu’un supplément est ainsi octroyé dès lors qu’un total de 6 points minimum est atteint pour les trois piliers ou si 4 points au moins sont constatés pour le premier.

La cour détaille, ensuite, la méthode d’évaluation.

Pour le premier pilier (incapacité physique ou mentale), il faut se référer à l’annexe 2 de l’arrêté royal, qui contient la liste des affections pédiatriques et, complémentairement, au BOBI. La liste spécifique doit être utilisée prioritairement. En l’occurrence, s’agissant d’une surdité profonde, qui a été découverte à l’âge de 4 ans et demi, la cour constate que cette pathologie ainsi que les troubles du langage qui y sont associés figurent dans la liste des affections pédiatriques. Elle renvoie d’ailleurs elle-même au BOBI pour plusieurs articles.

Pour les deux autres piliers (activité et participation de l’enfant ainsi que charge pour la famille), il existe des catégories (fonctionnelles) et des sous-catégories (ou rubriques). La cour reprend l’ensemble des sous-catégories existant dans le pilier 2 ainsi que dans le pilier 3 et renvoie à l’échelle médico-légale pour l’attribution des points (échelle qui figure à l’annexe 2 de l’arrêté royal). Cette échelle concerne la plupart des sous-catégories et elle contient des critères gradués, qui varient en fonction de l’âge de l’enfant. Plus spécifiquement pour le pilier 3, qui concerne la charge de l’affection de l’enfant pour la famille, l’évaluation doit tenir compte des efforts à faire, raisonnablement, par les parents de cet enfant, parents considérés comme étant des personnes en bonne santé se trouvant dans une situation sociale moyenne.

Enfin, en ce qui concerne les points eux-mêmes, il faut dans chaque sous-catégorie du pilier 2 et 3 prendre le critère gradué donnant le plus de points et, ensuite, additionner le nombre de points le plus élevé. Les points du pilier 3 doivent être multipliés par deux.

La cour examine dès lors les points retenus, constatant un écart important entre les évaluations effectuées par le SPF et l’expert d’une part ainsi que par le médecin de recours des parents de l’autre. Il souligne que, selon ce dernier, l’expert aurait omis de tenir compte du langage, la surdité n’étant pas apparue chez un adulte normo-parlant. Or, cette affection est susceptible d’avoir un impact majeur sur le développement de la langue et sur le comportement.

Ayant relevé cette importante différence d’évaluation, la cour constate par ailleurs que l’expert qui avait été désigné ne s’estime pas compétent pour les affections d’ordre psychiatrique et qu’il ne pourrait d’ailleurs pour d’autres raisons plus reprendre l’expertise.

La cour va dès lors ordonner une nouvelle mesure d’instruction, pour laquelle elle détaille de manière approfondie une série d’éléments sur lesquels elle demande à être éclairée. Ceux-ci ont trait à l’appréciation des « critères gradués » figurant dans l’échelle médico-sociale et la cour relève d’ailleurs à cet égard le caractère succinct de la première expertise. Ayant pris soin d’énumérer les questions détaillées auxquelles elle entend qu’il soit répondu, la cour relève encore que dans sa mission, l’expert ne sera pas lié par les appréciations et prises de position formulées par le premier juge, et qu’il peut encore recourir à l’avis d’un sapiteur notamment en ce qui concerne l’aspect comportemental.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles procède d’abord à un rappel très circonstancié des critères d’appréciation, dans chacun des piliers, de l’évaluation de l’affection et, plus particulièrement, appliquant ceux-ci au cas qui lui est soumis, poursuit par une description précise et détaillée des questions sur lesquelles elle demande à être informée, tant en ce qui concerne l’incapacité elle-même que les éléments relatifs au développement de l’enfant et aux charges pour les parents, en ceux compris eu égard aux déplacements scolaires et à la surveillance.

Les termes de la mission d’expertise y sont particulièrement fouillés. L’on ne peut que se féliciter de cette approche concrète de l’affection, seule susceptible en réalité de déterminer les répercussions sur les domaines retenus dans le cadre de chacune des piliers légaux.


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