Terralaboris asbl

Allocations familiales majorées (enfant handicapé) : le contrôle du Juge sur le rapport d’expertise

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 février 2007, R.G. 45.774

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 8 février 2007, R.G. 45.774

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 8 février 2007, la Cour du travail de Bruxelles, saisie d’une contestation suite au dépôt d’un rapport d’expertise judiciaire, examine un à un les éléments de l’octroi de l’allocation majorée, afin de vérifier le respect de la réglementation, étant entendu que le rôle de l’expert est de fournir les données médicales et celle du Juge d’en tirer les conclusions sur le plan juridique.

Les faits

L’enfant D. est victime, à l’âge de 9 ans d’un grave accident de la circulation, ayant entraîné notamment un traumatisme crânien. S’en suit une longue période d’hospitalisation et de rééducation. Il conserve de cet accident des séquelles, dont une hémiparésie discrète ainsi que des séquelles mentales, psychiques et intellectuelles. Celles-ci sont évolutives.

Peu de temps après l’accident, une demande de reconnaissance d’incapacité est formée. Suite à celle-ci, une première décision de la caisse d’allocations familiales reconnaît une incapacité de plus de 66% et un degré d’autonomie de 7 à 9 points, du 1er août 1999 au 31 janvier 2001.

Suite à une nouvelle demande formée en octobre 2000, une nouvelle décision est prise, reconnaissant cette fois une incapacité de 20% et trois points de degré d’autonomie.

Un recours est introduit à l’encontre de cette décision. Le Tribunal désigne un expert, qui estime que l’incapacité est de plus de 66% et que le degré d’autonomie est de 12 points.

Ce rapport est contesté par la caisse d’allocations familiales, critiques rejetées par le Tribunal. La caisse se pourvoit donc en appel. Ses griefs, les mêmes qu’en première instance, portent, outre sur le respect du contradictoire (non réponse à une note de faits directoires), sur l’appréciation inexacte du degré d’autonomie et sur une référence erronée à l’article 668 du BOBI.

La décision de la cour

La Cour rejette le premier argument de la caisse, estimant que le principe du contradictoire a été respecté par l’expert et que ce grief est en tout état de cause à différencier d’une éventuelle mauvaise appréciation par l’expert des éléments au regard de la réglementation.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article 47, § 1er (dans sa version applicable, c’est-à-dire antérieure aux modifications apportées par la loi du 24 décembre 2002) des lois coordonnées relatives aux allocations familiales des travailleurs salarié ainsi que celles de l’arrêté royal d’exécution du 3 mai 1991, la Cour s’attache à vérifier à travers les éléments fournis par l’expert judiciaire s’il peut être considéré que les conditions pour la reconnaissance de l’incapacité et celle des points d’autonomie sont remplies.

La Cour relève en effet que l’avis de l’expert est d’ordre médical et que le rôle du Juge, dès lors qu’il admet les données médicales y reprises, est d’en tirer les conclusions en droit, ce qui n’invalide pas nécessairement le rapport en lui-même.

A cet égard, et pour la fixation de l’incapacité (plus ou moins de 66%), la Cour rappelle que celle-ci doit impérativement être fixée eu égard au BOBI (Barème Officiel Belge des Invalidités) ou à la liste des pathologies annexées à l’arrêté royal du 3 mai 1991.

En l’espèce, la discussion porte sur l’application de l’article 668 du BOBI, eu égard auquel l’expert a retenu une incapacité psychique de 66%. Cet article vise la « Rétrogression sérieuse des facultés mentales empêchant le maintien du travailleur dans un circuit professionnel non protégé ou empêchant de mener une activité familiale responsable ». La cour relève que, s’agissant d’un barème d’invalidité pour les adultes, il peut être inadéquat pour circonscrire la rétrogression des facultés mentales de l’enfant mais que cela ne suffit pas à l’écarter. Elle note à cet égard qu’il y est fait référence dans la liste des affections infantiles, au titre d’élément d’appréciation, de la pathologie « retard psychomoteur ».

La Cour admet la référence à cet article, se fondant sur la perturbation du comportement de l’enfant, le retard graphomoteur (de deux ans) et orthographique. Elle estime par ailleurs que l’intégration dans l’enseignement normal, sans retard, n’invalide pas ce constat, celui-ci ayant été rendu possible par des efforts exceptionnels de l’entourage (maman à domicile et prise en charge personnelle par une enseignante).

En ce qui concerne le degré d’autonomie, la Cour examine une à une les fonctions et l’appréciation de l’expert. L’évaluation de ce dernier est globalement retenue.

Pour la détermination du degré d’autonomie globale, elle s’écarte toutefois du rapport, qui avait cumulé l’ensemble des points retenus alors que la réglementation impose de ne tenir compte que des trois catégories ayant le nombre de points le plus élevé.

Intérêt de la décision

Cet arrêt contient un rappel utile des principes en matière d’octroi des allocations familiales majorées.

Par ailleurs, il illustre le complet contrôle par les juridictions du travail sur les différentes conditions d’octroi, le rapport d’expertise apparaissant ainsi comme un réel instrument dans les mains du juge qui servira à l’éclairer sur les aspects médicaux du dossier.


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