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Incapacité temporaire en maladie professionnelle et indu

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Verviers), 10 janvier 2019, R.G. 18/294/A

Mis en ligne le vendredi 28 février 2020


Trib. trav. Liège (div. Verviers), 10 janvier 2019, R.G. 18/294/A

Terra Laboris

Incapacité temporaire en maladie professionnelle et indu

Dans un jugement du 10 janvier 2019, le Tribunal du travail de Liège (div. Verviers) fait application des règles retenues en accident du travail en cas d’indu de paiements faits par FEDRIS au titre d’indemnisation d’une période d’incapacité temporaire qui n’a pas été retenue ultérieurement par le tribunal du travail.

Les faits

Une demande de réparation d’une maladie professionnelle figurant dans la liste est introduite par une assurée sociale en juillet 2013. FEDRIS (à l’époque FMP) déclare la demande fondée et admet une incapacité temporaire totale pour une période de quatre mois. Cette décision est contestée, l’intéressée estimant être atteinte en outre d’une incapacité permanente partielle.

Un premier jugement est rendu par le tribunal le 8 décembre 2016, concluant à une I.P.P. mais retenant une période d’I.T.T. plus courte.

Un décompte sera effectué par FEDRIS sur la base de celui-ci, tenant compte de paiements intervenus entre-temps.

Un recours est introduit par l’assurée sociale sur le décompte de FEDRIS, dont elle demande l’annulation.

L’agence procède en effet à la compensation entre des paiements qu’elle estime indus pour la période d’incapacité temporaire totale et les sommes revenant à la demanderesse en vertu du jugement.

Celle-ci sollicite du tribunal que FEDRIS soit condamnée à rembourser les sommes pour lesquelles elle a procédé à la compensation. Le fondement de son argumentation est l’article 18 de la Charte de l’assuré social. Elle considère que la première décision prise par l’autorité administrative (I.T.T. de quatre mois) est devenue définitive de telle sorte que l’on ne pouvait revenir sur celle-ci. La compensation n’est dès lors pas autorisée. En outre, la demanderesse conteste le caractère indu des paiements intervenus pour cette période d’incapacité temporaire qui n’a pas été retenue par le tribunal. Ces paiements ont en effet une cause, qui est la décision médicale de FEDRIS.

Pour la défenderesse, la décision querellée n’est pas une décision autonome mais l’exécution d’un jugement, ce qui rend le recours irrecevable. Le tribunal du travail n’est en effet pas compétent pour connaître de la contestation d’un jugement rendu. Il ne s’agit, par ailleurs, pas d’une procédure en récupération d’indu au sens de l’article 15 de la Charte et de l’article 44 des lois coordonnées.

La décision du tribunal

Le tribunal repend les dispositions légales invoquées. Il s’agit, outre de la question de l’autorité de chose jugée, de l’article 2, 8° de la Charte (qui donne la définition de la « décision administrative »), des articles 1235, alinéa 1er et 1376 du Code civil (concernant la récupération de l’indu), des articles 14 et 15 de la Charte ainsi que 34 et 44 des lois coordonnées le 3 juillet 1970.

En l’espèce, le tribunal considère que la décision intervenue est une décision administrative, au sens de l’article 2, 8° de la Charte, puisque cette décision, qui tend à la récupération des prestations que FEDRIS estime indues, est un acte juridique unilatéral de portée individuelle émanant d’une institution de sécurité sociale et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs assurés sociaux (définition donnée à l’article 2).

Pour ce qui est de la recevabilité de la demande, question soulevée par FEDRIS, le tribunal suit la position de la partie demanderesse. Il reprend l’article 44, §3, 7° des lois coordonnées, qui prévoit la possibilité pour le bénéficiaire de prestations d’introduire une citation devant le tribunal du travail dans les trois mois de la notification de la décision de récupération (ou de la prise de connaissance de la décision), et ce à peine de déchéance. La question se pose en l’espèce de la recevabilité de l’action mue par voie de requête dans l’année (mais non dans les trois mois) de la décision administrative.

Sur le mode introductif, le tribunal rappelle l’article 864 du Code judiciaire, qui concerne l’hypothèse de la nullité d’un acte de procédure ou le non respect d’un délai prescrit à peine de nullité. Ces questions sont couvertes si la demande y relative n’est pas proposée simultanément et avant tout autre moyen.

Pour ce qui est de la date d’introduction du recours, le tribunal retient que la décision de récupération ne reprend pas les mentions relatives au délai de recours en justice, de telle sorte que, en application de l’article 44, §3, alinéa 3 des lois coordonnées, ce délai n’a pas commencé à courir.

En ce qui concerne l’autorité de la chose jugée, l’exception de chose jugée sera admissible si la prétention nouvelle ne peut être admise sans détruire le bénéfice de la décision antérieure et, par ailleurs, cette autorité ne s’étend pas à un point qui n’a pas été soumis aux débats et sur lequel, par conséquent, le juge n’a pas statué définitivement. Le tribunal rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation à cet égard. Il retient cependant que dans le cadre de la procédure intervenue précédemment, la discussion relative à l’incapacité temporaire n’est pas intervenue devant le juge et que, notamment, FEDRIS n’a pas sollicité la récupération de l’indu vu la réduction de la période acceptée. La demande est dès lors recevable.

En ce qui concerne le caractère indu des paiements intervenus, sa nature dépend de l’existence ou de l’absence de cause à ceux-ci. Depuis la modification législative intervenue à l’article 44 des lois coordonnées par la loi du 29 décembre 1990 (loi portant des dispositions sociales), FEDRIS peut légalement récupérer tout versement indu, quel qu’en soit le motif.

Et le tribunal de souligner l’absence de jurisprudence et de doctrine sur la question de cet indu, les périodes d’incapacité temporaire totale étant beaucoup plus rares en maladie professionnelle qu’en accident du travail. Il se penche, dès lors, sur la solution qui interviendrait en cas d’accident du travail, où existent de telles sources.

Contrairement à la loi du 10 avril 1971, les lois coordonnées le 3 juin 1970 ne contiennent pas de disposition similaire à l’article 63, §4, qui concerne les avances faites à l’assuré social. Un renvoi est cependant fait dans les lois cordonnées pour ce qui est de l’incapacité temporaire aux articles 22 et 23 LAT.

Dans cette matière (accident du travail), la notion d’incapacité temporaire totale est un élément de fait qui ne peut faire l’objet d’un remboursement ultérieur. Le tribunal renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation (dont Cass., 7 novembre 1988, R.G. 6297) et fait également un rappel de décisions de fond. Il cite également la doctrine (Guide Social permanent – Sécurité sociale : commentaires, Partie I, Livre II – Titre V, chapitre IV, 4-10, numéro 100 à 204, p.820 et suivantes), qui a expressément visé cette hypothèse et considère que dans l’appréciation du caractère indu du paiement (de sa cause ou de son absence de cause), la Cour de cassation a apporté des précisions importantes tant sur la question de l’opposabilité d’une reconnaissance de l’entreprise d’assurances que sur les conditions de l’action en restitution de l’indu. Un arrêt est en effet intervenu le 22 février 1999 (Cass., 22 février 1999, R.G. S.98.0035.N) dans l’hypothèse d’une incapacité temporaire. Cet arrêt de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’application de l’article 1235, alinéa 1er du Code civil : pour la Cour suprême, un paiement n’est indu que s’il est dépourvu de cause et n’est pas indu un paiement qui trouve sa cause, notamment dans la reconnaissance de la durée d’une incapacité totale de travail du fait de laquelle les paiements sont en principe dus.

Il s’agit d’une règle qui peut être transposée à la matière des maladies professionnelles.

Intérêt de la décision

Ainsi que le relève le tribunal, la question de la correction de la durée d’incapacité temporaire dans le secteur des maladies professionnelles est peu souvent abordée. Au contraire, dans la matière des accidents du travail, la chose est apparue à de nombreuses reprises, entraînant la question du remboursement des avances faites par l’entreprise d’assurances ainsi que l’y contraint l’article 63, §4, LAT.

Pour répondre à la question posée, le tribunal a, à très juste titre, appliqué les règles valables en accident du travail, et ce sur la base de l’article 34 des lois cordonnées, qui renvoient aux articles 22 et 23 de la loi du 10 avril 1971 en ce qui concerne l’incapacité temporaire.


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