Il résulte des articles 14, 807, 1042 et 1068 du Code judiciaire que la demande reconventionnelle a un caractère autonome, dans le sens où elle ne doit pas satisfaire aux conditions d’admission de l’article 807 du Code judiciaire, qui sont uniquement d’application lorsque le demandeur étend ou modifie sa demande. Néanmoins, la demande reconventionnelle introduite pour la première fois en degré d’appel par le défendeur originaire doit, compte tenu de l’égalité des armes des parties et de l’obligation de loyauté procédurale, être factuellement en lien avec la demande originaire introduite devant le premier juge.
S’il est admis qu’une demande reconventionnelle qui constitue une simple défense contre la demande principale peut bénéficier de l’interruption de la prescription qui découle de la citation initiale ou de la requête introductive d’instance, tel n’est pas le cas lorsque l’action reconventionnelle ne constitue pas une simple défense contre la demande principale, mais qu’il s’agit d’une demande qui est indépendante et distincte de l’action principale et qui aurait pu être introduite dans une procédure séparée. Ainsi en va-t-il de la demande de remboursement d’un paiement indu, laquelle ne constitue pas un moyen de défense opposé à la demande principale, mais est une demande distincte qui aurait pu être introduite dans le cadre d’une procédure différente. L’effet interruptif de la prescription qui s’attache à la requête introductive d’instance déposée par la travailleuse ne s’étend par conséquent pas à la demande reconventionnelle formée par voie de conclusions déposées par son employeur plus d’un an après la fin du contrat de travail, laquelle est prescrite par application de l’article 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
La demande reconventionnelle, autonome par rapport à la demande originaire, est régie par l’article 809 du Code judiciaire, qui requiert uniquement qu’elle soit formée par conclusions déposées au greffe et envoyées aux autres parties ainsi qu’il est dit aux articles 742 à 746 du même Code.
Son autonomie se manifeste principalement au plan de sa recevabilité. À ce titre, elle n’est, en effet, soumise à aucune condition particulière autre que celles imposées à toute demande par les articles 17 et 18, lesquelles sont appréciées au moment de l’introduction de la demande reconventionnelle et non au moment de l’introduction de la demande principale. Elle jouit d’une autonomie telle que ni sa recevabilité, ni son fondement ne dépendent du sort de la demande principale.
Il s’ensuit que la recevabilité de la demande reconventionnelle est indépendante de celle de l’opposition. Pour autant qu’elle réunisse elle-même toutes les conditions de recevabilité applicables à l’action qu’elle introduit, elle est recevable même si l’opposition ne l’est pas.
Il n’est pas exact de considérer qu’une personne morale n’a pas d’honneur. Si elle ne peut en effet invoquer une atteinte à des sentiments d’affection, à son esthétique ou à son intégrité physique, elle possède un honneur et toute atteinte portée à sa considération ou à sa réputation peut constituer un dommage d’ordre moral. La demande introduite par une société relative à sa mise en cause en qualité de personne morale est dès lors recevable.
Dès lors que sont publiés dans la presse des articles mettant en cause une personne morale, il y a lieu de vérifier l’« animus injurandi ». La cour considère en l’espèce que, même si l’on eût pu admettre que les articles avaient contenu des éléments négatifs à l’égard d’une société, les termes utilisés dénotent une telle subjectivité résultant d’un contexte particulier (licenciement mal accepté) qu’une personne raisonnable ne peut qu’en faire une lecture prudente, relativisant des propos manifestement rédigés sous l’emprise de la souffrance et de la passion. Ainsi, il n’y a pas d’« animus injurandi » si les termes utilisés constituent la description subjective et intense de situations vécues négativement, s’inscrivant dans le cadre d’une souffrance personnelle, en l’absence de toute intention méchante.