Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 novembre 2022, R.G. 2021/AB/653
Mis en ligne le 13 juin 2023
L’article 4quater, § 4, de la loi du 23 mars 2020 « modifiant la loi du 22 décembre 2016 instaurant un droit passerelle en faveur des travailleurs indépendants et introduisant les mesures temporaires dans le cadre du COVID-19 en faveur des travailleurs indépendants » viole les articles 10 et 11 de la Constitution. (Dispositif).
(disposition insérée par l’arrêté royal n° 13 du 27 avril 2020 et prévoyant que les bénéficiaires d’indemnités d’incapacité de travail primaire ou d’invalidité qui exercent une activité de travailleur indépendant autorisée par le médecin conseil de leur organisme assureur et qui, en raison de la pandémie de COVID-19, sont contraints d’interrompre leur activité indépendante ne peuvent prétendre à aucun montant de droit passerelle pour cette interruption d’activité).
(Décision commentée)
Dans le cas d’une demande faite suite à des difficultés économiques (article 4, 4° de la loi du 22 décembre 2016), le « fait » doit se comprendre comme « la cessation de l’activité indépendante », et ce conformément à l’article 5, § 2, 2° (le texte précisant que, par « fait » visé au § 1er, il faut entendre « la cessation de l’activité indépendante elle-même »). La cour rappelle que les règles relatives aux conditions d’octroi se réfèrent au trimestre au cours duquel le « fait se produit », et ce sans avoir égard au jour de sa survenance. Elle constate encore que, selon le cas, c’est le mois ou le trimestre au cours duquel le fait se produit qui détermine le début de la période d’octroi du droit. L’unité de temps visée dans la loi pour situer le fait générateur du droit-passerelle est donc le mois ou le trimestre.
(Lié à C. trav. Liège, div. Namur, 17 mai 2022 – arrêt après réouverture des débats statuant sur les montants et périodes)
L’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, dans sa version applicable au 1er janvier 2016, ne permettait pas l’octroi des indemnités d’incapacité de travail aux bénéficiaires de la prestation financière prévue par l’arrêté royal du 18 novembre 1996 instaurant un droit-passerelle en faveur des travailleurs indépendants.
Lorsque l’illégalité d’un acte administratif résulte d’une lacune contraire aux principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination, le juge ne peut y remédier en étendant l’application de cet acte à la catégorie discriminée, fût-ce en écartant de la définition de son champ d’application les termes où gît la discrimination.
Par ailleurs, ni l’article 23, 2°, de la Constitution, ni l’article 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ni enfin l’article 12 de la Charte sociale européenne, qui consacrent tous le droit à la sécurité sociale, n’ont d’effet direct et ne confèrent par eux-mêmes de droits exigibles aux particuliers, spécialement de droit à une prestation sociale déterminée ou à un niveau de protection sociale déterminé. C’est dès lors à juste titre en l’espèce que, si une telle prestation a été accordée, il a été mis fin à cette indemnisation. Cette décision, résultant d’une erreur de l’Union Nationale, qui n’a pas vérifié le statut d’assurabilité de l’intéressé, ne peut sortir ses effets pour le passé.
La loi du 22 décembre 2016 autorisant un droit-passerelle en faveur des travailleurs indépendants impose notamment que ceux-ci aient leur résidence principale en Belgique. Renvoi est fait aux conditions de la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques. Celle-ci ne définit cependant pas la notion de résidence principale, renvoyant au Registre national. Celui-ci conservant des informations au sens de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes d’étranger et aux documents de séjour, c’est à la notion de résidence principale au sens de cette loi qu’il convient d’avoir égard, c’est-à-dire au lieu où vivent habituellement les membres d’un ménage composé de plusieurs personnes, unies ou non par des liens de parenté, soit au lieu où vit habituellement une personne isolée. Les règles complémentaires permettant de déterminer cette résidente principale sont fixées par le Roi. En l’espèce, même si l’intéressé résidait de manière fréquente en Tunisie et avait envisagé d’y solliciter une carte de séjour, il conservait des intérêts en Belgique, ainsi que l’indiquent les éléments du dossier.