Commentaire de Trib. arr. fr. nl. Brux., 12 décembre 2016, R.G. 16/45/E
Mis en ligne le 2 mai 2017
Les articles 4, § 1er, alinéa 3, et 24 de la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire violent (ou ne violent pas) les articles 10, 11 et 30 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, s’ils sont interprétés en ce sens qu’ils ne permettent pas (ou permettent) à un défendeur défaillant de demander un changement de langue in limine litis, lorsqu’il fait appel d’un jugement rendu en premier ressort.
Le juge saisi d’une demande de renvoi ou de changement de langue formée sur la base de l’article 4 § 2, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935 (défendeur domicilié dans l’agglomération bruxelloise ou dans une des six communes de la périphérie) n’a aucun pouvoir d’apprécier si la partie qui demande ce changement de langue a une connaissance suffisante de la langue de la procédure. Ce texte déroge à la règle de principe prévue à l’article 4 § 2, alinéa 2, et qui se retrouve également mentionnée à l’article 4 § 2bis lorsque la demande de changement de langue émane d‘une autorité administrative.
Le juge doit faire droit à cette demande sauf dans deux cas : (i) la demande est contraire à la langue de la majorité des pièces du dossier ou (ii) la demande est contraire à la langue de la relation de travail.
(Décision commentée)
L’enseignement de la Cour constitutionnelle est qu’il faut concilier la liberté individuelle du justiciable, le bon fonctionnement de l’administration de la justice et les droits de défense du travailleur d’une part avec la solution pragmatique qui doit prévaloir sur un critère purement théorique de l’autre. La langue de la relation de travail au sens de l’article 4, § 2, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935 coïncide plus exactement avec la langue utilisée au quotidien par les parties dans leurs échanges verbaux ou écrits, même si celle-ci ne répond pas toujours aux exigences formelles de la loi. Il n’y a pas contrariété avec l’ordre public.