Toute manifestation dans un lieu public est susceptible d’entraîner des perturbations de la vie quotidienne, notamment de la circulation routière. Ce fait en soi ne justifie pas une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression, car il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance en la matière.
Le « degré de tolérance » approprié ne peut être défini in abstracto. La Cour est tenue de considérer l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire pour déterminer, après avoir établi qu’elle poursuivait un « but légitime », si elle répondait à un « besoin social impérieux » et, en particulier, si elle était proportionnée au but poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés par l’article 11 de la Convention, et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents.
Elle conclut en l’espèce qu’en condamnant les requérants pour entrave méchante à la circulation, les juridictions nationales ont fondé leurs décisions sur une appréciation acceptable des faits et sur des motifs pertinents et suffisants et que les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en la matière.
Vu l’absence de violation de l’article 11, le grief pris de la violation de l’article 14 de la Convention combiné avec celui-ci est rejeté.
L’Organisation Internationale du Travail et le Comité Européen des Droits sociaux ont admis que, dans certains secteurs professionnels (forces armées, police), peuvent exister des restrictions du droit de grève. Ni l’un ni l’autre de ces organes ne considère toutefois le transport ou le secteur ferroviaire comme un service essentiel. A supposer même que celui-ci soit un service essentiel, une restriction telle que l’interdiction totale de faire grève exige une solide justification et la perspective de pertes financières découlant d’une action revendicative ne saurait constituer une raison suffisante. Plus particulièrement dans l’espèce examinée, le Gouvernement russe n’a pas étayé son argument consistant à dire que cette action a causé des dommages, à savoir des retards dans le transport ferroviaire des voyageurs ou des marchandises et que l’accès aux quais ne pouvait être régulé.
Dans cet arrêt, la Cour qualifie le recours à la grève (primaire) pour la première fois comme « the most powerful instrument to protect occupational interests ». Voir également l’opinion concordante du juge Pinto DE ALBUQUERQUE.
Art. 11 convention - limitation invoquée par le syndicat RMT à l’exercice du droit de grève - décision : pas de violation - réf. aux instances de contrôle de l’OIT et de la CSE
C.E.D.H., 12 nov. 2008, Grande Chambre, Req. n° 34.503/97, Demir et Baykara c/ Turquie (art. 11 C.E.D.H. - fonctionnaires – Interprétation de la Convention à la lumière d’autres instruments internationaux – pratique consistant à interpréter les dispositions de la Convention à la lumière des textes et instruments internationaux autres que la Convention (dont la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – principes généraux concernant le contenu du droit syndical – ingérence non nécessaire dans une société non démocratique) - PARTIE 2 (pages 20 à fin)
Cr.E.D.H., 12 nov. 2008, Grande Chambre, Req. n° 34503/97, Demir et Baykara c/ Turquie (art. 11 C.E.D.H. - fonctionnaires – Interprétation de la Convention à la lumière d’autres instruments internationaux – pratique consistant à interpréter les dispositions de la Convention à la lumière des textes et instruments internationaux autres que la Convention (dont la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – principes généraux concernant le contenu du droit syndical – ingérence non nécessaire dans une société non démocratique) - PARTIE 1 (pages 1 à 19)
Art. 11 § 1er C.E.D.H. – fonctionnaires – grève perlée – liberté de réunion pacifique – pas de responsabilité civile : ingérence disproportionnée de l’Etat