Voir également à cet égard la rubrique « Droits fondamentaux > Droit à un recours effectif devant un tribunal »
Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 mai 2015, R.G. 2013/AB/614
Mis en ligne le 27 octobre 2015
Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 avril 2015, R.G. 2014/AB/147
Mis en ligne le 24 octobre 2017
Commentaire de C. trav. Bruxelles, 25 octobre 2013, R.G. 2011/AB/932
Mis en ligne le 19 octobre 2018
La personne dont la demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales introduite sur la base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 a été rejetée et dont la situation médicale a évolué depuis la prise de décision de l’autorité bénéficie d’un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de comparer la situation de l’étranger qui introduit un recours en annulation contre une décision de refus d’autorisation de séjour pour raisons médicales prise sur la base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 avec la situation du demandeur de protection internationale qui a introduit un recours de pleine juridiction contre une décision de refus d’autorisation de séjour, dans l’hypothèse où l’un et l’autre font valoir des risques pour leur vie, ainsi que des risques de traitements inhumains et dégradants (B.11 et B.12).
Il résulte de l’article 9ter, § 1er, al. 1er, et § 3 de la loi du 15 décembre 1980 ainsi que de l’article 7, alinéa 2, de l‘arrêté royal du 17 mai 2007 fixant des modalités d’exécution de la loi du 15 septembre 2006 (modifiant la loi du 15 décembre 1980) que la recevabilité d’une demande doit faire l’objet d’une décision du délégué du ministre et que la demande ne sera considérée recevable qu’après celle-ci. Il ne peut dès lors être soutenu qu’une demande qui ne remplit pas les conditions fixées à l‘article 9, § 3, est d’office recevable, et ce sans qu’une décision du délégué du ministre ne doive être prise.
En principe, la possession d’un document de séjour ne peut en aucun cas constituer une condition préalable à l’exercice d’un droit. La délivrance d’un titre, l’inscription au registre des étrangers sont des actes déclaratifs, non constitutifs de droit. Si le juge prend en considération la situation de séjour d’un étranger, il n’est tenu par cette situation administrative que dans les limites de l’article 159 de la Constitution et sans préjudice des droits dont cet étranger peut se prévaloir, en vertu du droit belge, du droit international, dont le droit européen, ce qui, en ce qui concerne le droit de l’Union européenne, inclut le droit primaire et le droit dérivé.
La force majeure médicale trouve son fondement dans l’arrêt du 30 juin 1999 de la Cour d’arbitrage. Le juge du pouvoir judiciaire ne peut refuser d’examiner les circonstances invoquées par un demandeur qui, vu son état de santé, l’empêcheraient d’avoir effectivement accès aux soins.
Le recours 9ter vise une catégorie d’étrangers qui prétendent souffrir d’une maladie dans un état tel qu’elle entraîne un risque réel pour leur vie ou leur intégrité physique ou un risque réel de traitements inhumains ou dégradants lorsqu’il n’existe aucun traitement adéquat dans leur pays d’origine ou dans le pays où ils séjournent.
Il s’agit bien d’une législation nationale, qui vise un ressortissant de pays tiers qui soutient que l’exécution de la mesure d’éloignement est susceptible de l’exposer à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé ciblée par l’arrêt ABDIDA.
La nature du grief au centre d’un litige « 9ter » exige donc bien le caractère suspensif du recours pour assurer son effectivité, qui ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour le requérant. La cour ne peut dès lors juger a priori du bien-fondé de l’objet même de ce recours introduit devant le Conseil du Contentieux des Etrangers pour décider que, dans certains cas, le recours est suspensif et dans d’autres non. Il convient par contre de vérifier que le ressortissant de pays tiers répond aux conditions de l’article 9ter, c’est-à-dire de vérifier que ce sont bien ces griefs qui sont invoqués de manière sérieuse prima facie, avec un degré suffisant de crédibilité, mais sans se positionner sur le fond.
Même en l’absence d’un ordre de quitter le territoire, dès lors que l’intéressé est en séjour irrégulier au sens de la loi du 15 décembre 1980, la situation relève de la Directive n° 2008/115/CE. Il a en principe l’obligation de quitter le territoire et peut invoquer le principe de non-refoulement inscrit à l’article 4, 4. b), de la Directive.
Le considérant 12 de celle-ci a une portée générale. Il ne permet pas d‘en limiter la portée à l’hypothèse où le recours introduit est dirigé contre un ordre de quitter le territoire. S’il convenait d’interpréter différemment l’enseignement de l’arrêt ABDIDA, il existerait une différence de traitement qui ne paraît pas justifiée entre les étrangers (de pays tiers) gravement malades à qui a été notifiée une décision de non fondement (d’une autorisation de séjour sur pied de l’article 19ter) avec un ordre de quitter le territoire et le même à qui, dans la même situation, a été notifiée une décision de non-fondement sans un ordre de quitter le territoire.
Dès lors que l’Office des étrangers a déclaré recevable la demande de régularisation de séjour introduite sur la base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980, l’aide sociale doit être accordée à partir de la date de délivrance de l’attestation d’immatriculation. Il n’y a pas lieu pour le requérant de pâtir du temps mis par l’administration communale à exécuter la décision de l’Office des étrangers, le séjour étant légal dès la date de prise de décision de l’Office des étrangers.
Eu égard à l’interprétation de la Directive 2008/115 qui découle de l’arrêt ABDIDA et l’obligation générale d’interprétation du juge national, le recours contre une décision de refus de séjour peut être considéré comme suspensif par le tribunal. Du fait de ce caractère suspensif, l’étranger n’est pas en mesure d’être refoulé et l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 ne peut lui être appliquée.
Dès lors que le CCE a annulé une décision au fond prise par l’Office des Etrangers refusant une autorisation de séjour sur la base de l’article 9ter, l’étranger est rétabli dans la situation qui existait au moment où la décision de refus a été prise. A ce moment-là, il bénéficiait d’une décision ayant déclaré recevable sa demande d’autorisation de séjour. Le séjour était donc légal. Il faut considérer qu’il l’est toujours, dans la mesure où, au moment où le juge statue, aucune nouvelle décision de refus au fond n’a été prise.
Si, comme en l’espèce, l’épouse ne peut se prévaloir d’une décision de recevabilité de sa demande d’autorisation de séjour, l’ordre de quitter le territoire qui subsiste à son égard ne peut être exécuté sans qu’il soit porté atteinte au droit à la vie familiale garanti par l’article 8 de la C.E.D.H. L’épouse ne se trouve donc pas en séjour illégal.
En application de la jurisprudence ABDIDA (C.J.U.E. 18 décembre 2014, Aff., C-562/13), il y a lieu de reconnaître un effet suspensif au recours introduit devant le Conseil du contentieux des étrangers contre la décision de refus de régularisation de séjour pour motif médical se trouvant à la base de l’ordre de quitter le territoire notifié. Il s’ensuit que l’impossibilité médicale absolue de retour fait obstacle à l’application de l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976, de sorte que l’intéressé peut prétendre à l’aide sociale lui permettant de mener une vie conforme à la dignité humaine.
Dès lors qu’une demande d’autorisation de séjour fondée sur l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 a été introduite, qu’un ordre de quitter le territoire a été délivré et qu’un recours a été introduit devant le CCE, les tribunaux sont autorisés, dans le cadre du contentieux de l’aide sociale, à vérifier si l’exécution de l’OQT est susceptible d’exposer le ressortissant étranger à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé, auquel cas le recours introduit auprès du C.C.E. peut être considéré comme donnant un effet suspensif à la mesure d’éloignement.
Le séjour du demandeur d’aide n’est dès lors plus irrégulier au sens de l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 et l’aide du C.P.A.S. n’est pas limitée à l’aide médicale urgente. Conformément à l’arrêt ABDIDA de la C.J.U.E., elle doit s’étendre à la couverture des besoins de base. Ceux-ci ne peuvent être inférieurs – sauf circonstances particulières et après examen des ressources – à une aide financière destinée à permettre au demandeur d’aide de mener une vie conforme à la dignité humaine.
Dans l’état actuel de la législation, le recours auprès du Conseil du Contentieux des Etrangers n’a pas d’effet suspensif. Cependant, eu égard à la jurisprudence de la C.J.U.E. (arrêt du 18 décembre 2014, ABDIDA, C-562/13), une législation nationale n’est pas conforme au droit européen dès lors qu’elle ne confère pas un effet suspensif à un recours exercé contre une telle décision, en cas de maladie grave susceptible d’exposer le ressortissant étranger à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé s’il est refoulé. Cette jurisprudence ne confère pas un effet suspensif automatique à tout recours. Il faut examiner la question au cas par cas. Dès lors qu’un effet suspensif est admis par le juge, il y a lieu d’évaluer concrètement les besoins des intéressés.
En application de la jurisprudence M’Bodj et Abdida, il faut une garantie que la décision de retour ne soit pas exécutée avant que les griefs aient été examinés (griefs relatifs à une violation de l’article 5 de la Directive 2008/115 lu à la lumière de l’article 19, § 2, de la Charte). Priver un étranger d’un recours effectif reviendrait à préjuger de l’appréciation que le Conseil du Contentieux des Etrangers fera de ces griefs. Il y a lieu en conséquence d’écarter l’application des dispositions du droit national qui ne reconnaissent pas un effet suspensif au recours introduit à l’encontre d’une décision de l’Office des Etrangers déclarant irrecevable ou non fondée la demande d’autorisation de séjour sur la base de l’article 9ter. Durant l’examen de ce recours, les intéressés ne sont pas en séjour illégal et l’article 57, § 2, 1°, de la loi du 8 juillet 1976 ne trouve pas à s’appliquer.
En conséquence de la jurisprudence Abdida (C.J.U.E., 18 décembre 2014, C-562/13), il faut examiner en cas de décision négative prise par l’Office des Etrangers dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 si l’étranger souffre d’une maladie grave au sens de cet arrêt et si l’exécution de la décision prise par l’Office des Etrangers l’expose à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état. Cet examen a un double volet, étant de vérifier d’une part s’il souffre d’une maladie qui ne permet aucune interruption de son traitement (sans l’exposer à ce risque de détérioration grave et irréversible de son état) et d’autre part si existe dans (son) pays un traitement adéquat. Le premier examen est purement médical et un expert doit être désigné, avant que d’entreprendre le second.
(Décision commentée)
La notion d’impossibilité absolue de retour est une notion autonome dans le cadre du droit à l’aide sociale par rapport à la notion d’impossibilité médicale au sens de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980. Elle peut viser, par ailleurs, des hypothèses non médicales.
Recours introduit auprès du CCE – dossier médical faisant apparaître un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de l’état de santé – effet sur l’octroi de l’aide sociale.
Rappel des conditions relatives à la compétence du juge des référés (urgence, apparence de droit, provisoire). Situation d’un étranger qui, après annulation des décisions de l’Office des Etrangers précédentes, attend une nouvelle décision et qui ne bénéficie pas durant ce laps de temps d’une nouvelle attestation d’immatriculation délivrée par la Commune.
(Décision commentée)
Décision refusant le droit de séjour et/ou la protection subsidiaire - obligation de l’Etat de prendre en charge les besoins élémentaires de l’intéressé pendant l’instruction du recours - question à la CJUE - art. 47 Charte des droits fondamentaux de l’U.E.
Dès lors que, au niveau de l’Office des étrangers, le fonctionnaire-médecin n’a pas analysé à suffisance le risque de traitement inhumain et dégradant repris à l’article 9ter, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980, l’Office s’est fondé sur un avis incomplet de son médecin-conseil et a violé de la sorte cette disposition, manquant à son obligation de motivation formelle. Le Conseil du contentieux des étrangers peut dès lors, en extrême urgence, décider de la suspension de la décision d’irrecevabilité notifiée, dès lors que, prima facie, le moyen, en ce qu’il est pris d’une violation de l’article 9ter et de l’obligation de motivation formelle, apparaît sérieux.
La législation nationale doit conférer un caractère suspensif au recours du ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie dès que l’exécution de la décision lui ordonnant de quitter le territoire est susceptible de l’exposer au risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé. Ce caractère suspensif ne dépend pas de la démonstration que l’exécution de la décision exposerait effectivement l’étranger à ce risque (Cass., 25 mars 2019, n° S.18.0022.F). Il en découle que, vu les pathologies dont peut être atteint un enfant (âgé d’un an et demi en l’occurrence), il ne peut être fait application de l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976, et ce dès le début de la phase administrative de la demande introduite au nom de celui-ci sur pied de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980. L’accessibilité et la disponibilité de soins requis (en l’espèce en Algérie) n’apparaissent pas non plus suffisamment établies, et ce compte tenu des différents articles de presse relatant la situation des soins dans ce pays, qui, à l’heure actuelle, semblent sérieusement détériorés au point que « les malades les plus vulnérables, en particulier ceux qui présentent des maladies chroniques et graves, n’ont pas accès aux soins hautement spécialisés et adaptés à leurs besoins ».
La limitation du droit à l’aide matérielle prévue par l’article 6 de la loi du 12 janvier 2007 correspond dans le chef de l’Agence FEDASIL non à une obligation mais à une simple faculté qui peut être soumise aux juridictions du travail. L’exercice de cette faculté par l’Agence ne peut en effet être arbitraire mais doit se réaliser par une décision prise individuellement et être motivée au sens de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs.
La limitation inscrite à l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 peut être écartée dans l’hypothèse d’un cas de force majeure empêchant l’étranger en séjour illégal de quitter le territoire. Dès lors que l’Office des Etrangers s’est prononcé sur la recevabilité d’une demande fondée sur l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980, le séjour est légal (même s’il n’est pas régulier, vu l’absence d’attestation d’immatriculation).
Dès lors que l’arrêt ABDIDA reconnaît un effet suspensif de plein droit au recours exercé à l’encontre de la décision de l’OE qui déclarerait non fondée la demande de séjour 9ter et ordonnerait de quitter le territoire, l’étranger ne peut plus être considéré, pendant la durée du recours devant le CCE comme étant en situation irrégulière. L’article 57, § 2, 1°, de la loi du 8 juillet 1976 ne peut lui être appliqué pendant la durée du recours au CCE et l’étranger peut dès lors bénéficier de l’aide sociale du C.P.A.S. pendant cette période.
En cas de recours auprès du Conseil du Contentieux des Etrangers contre la décision prise par l’Office des Etrangers de refuser le droit à l’autorisation de séjour pour raison médicale, le tribunal du travail est tenu de vérifier si les griefs faits par l’étranger peuvent être qualifiés de sérieux. Si tel est le cas, le recours devra être considéré comme suspensif et il y aura lieu de prévoir la prise en charge des besoins de base de l’intéressé. Le caractère suspensif ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable. Il faut cependant examiner dans chaque cas la pertinence des griefs invoqués par le demandeur.
Un effet suspensif doit être reconnu au recours dirigé contre la décision ordonnant de quitter le territoire, dans la mesure où l’exécution de cet ordre est susceptible d’exposer la personne à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé. L’effet suspensif se limite cependant au recours devant le CCE contre la décision ordonnant de quitter le territoire. Elle ne vaut pas en cas de refus de régularisation « 9ter » au motif d’irrecevabilité, alors que la décision ne porte pas en elle-même un ordre de quitter le territoire.
Il faut distinguer les critères d’application de l’impossibilité médicale absolue de retour de ceux dont dépend la reconnaissance d’un effet suspensif d’un recours en annulation et en suspension dirigé contre une décision administrative de rejet de la demande de régularisation médicale fondée sur l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980. Indépendamment de l’appréciation in concreto de la force majeure médicale, l’étranger qui n’a pas de titre de séjour mais exerce un recours auprès du C.C.E. doit bénéficier d’une aide sociale pour autant qu’il fasse état d’un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé en cas d’éloignement et que cette argumentation ne soit pas manifestement infondée. Ce droit s’étend aux parents d’un enfant mineur qui fait partie de leur ménage et qui est placé dans une situation similaire.