Commentaire de C.J.U.E., 24 janvier 2019, Aff. n° C-477/17 (RAAD VAN BESTUUR VAN DE SOCIALE VERZEKERINGSBANK c/ BALANDIN, LUKACHENKO et HOLIDAY ON ICE SERVICES BV)
Mis en ligne le 9 mai 2019
Commentaire de C.J.U.E., 25 octobre 2018, Aff. n° C-451/17 (WALLTOPIA AD c/ DIREKTOR NA TERITORIALNA DIREKTSIA NA NATSIONALNATA AGENTSIA ZA PRIHODITE – VELIKO TARNOVO)
Mis en ligne le 26 avril 2019
Commentaire de C. trav. Bruxelles (réf.), 21 octobre 2016, R.G. 2015/CB/7 (NL)
Mis en ligne le 2 mai 2017
L’article 20 de la Directive n° 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014, relative à l’exécution de la Directive n° 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI »), en ce qu’il exige que les sanctions qu’il prévoit soient proportionnées, est doté d’effet direct et peut ainsi être invoqué par les particuliers devant les juridictions nationales à l’encontre d’un Etat membre qui en a fait une transposition incorrecte. (Extrait du dispositif)
L’article 5 de la Directive n° 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à la lumière du principe général du droit de l’Union relatif au droit à une bonne administration, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant un délai de prescription de cinq ans pour des manquements à des obligations relatives à la rémunération des travailleurs détachés. (Dispositif)
Il n’apparaît en effet pas déraisonnable que, par l’effet d’un délai de prescription de cinq ans, les prestataires de services établis dans d’autres Etats membres soient tenus de conserver et de fournir les preuves de paiement des salaires pendant une telle durée. Dans ces conditions, la fixation d’un délai de prescription de cinq ans pour une infraction relative à la sous-rémunération de travailleurs détachés n’apparaît pas de nature à exposer un opérateur économique diligent au risque de ne pas être en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision de le sanctionner pour la commission d’une telle infraction ni à celui de ne pas être en mesure de présenter sa cause, y compris ses preuves, devant un tribunal. (Cons. 51 et 52)
La directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services est applicable aux prestations de services transnationales dans le secteur du transport routier. Son article 3, paragraphe 1, et son article 6, lus en combinaison avec l’article 5, exigent que la méconnaissance, par l’employeur établi dans un État membre, des dispositions d’un autre État membre en matière de salaire minimum puisse être invoquée contre cet employeur par des travailleurs détachés du premier État membre, devant une juridiction de celui-ci, si celle-ci est compétente.
L’article 3, paragraphe 7, second alinéa, de la directive 96/71 doit être interprété en ce sens qu’une indemnité journalière dont le montant diffère selon la durée du détachement du travailleur constitue une allocation propre au détachement faisant partie du salaire minimal, à moins qu’elle ne soit versée à titre de remboursement des dépenses effectivement encourues à cause du détachement, telles que les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture ou qu’elle corresponde à une majoration qui modifie le rapport entre la prestation du travailleur, d’une part, et la contrepartie que celui-ci perçoit, d’autre part. (extrait du dispositif)
La Cour de Justice a rejeté un recours introduit par la Hongrie, qui demandait d’annuler la Directive (UE) n° 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018, modifiant la Directive n° 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, et, à titre subsidiaire, d’annuler plusieurs dispositions de celle-ci. Il faisait notamment valoir que la directive attaquée est contraire à l’article 153, § 5, TFUE, qui exclut la réglementation de la rémunération du travail salarié de la compétence du législateur de l’Union, et que la directive attaquée est contraire à l’article 56 TFUE ainsi qu’à l’arrêt du 18 décembre 2007, LAVAL UN PARTNERI (C 341/05, EU:C:2007:809), en ce qu’elle prévoit que l’exercice du droit de grève ou du droit d’entreprendre d’autres actions collectives puisse faire obstacle à la mise en œuvre effective de la libre prestation des services.
La Cour de Justice a rejeté un recours introduit par la République de Pologne en annulation de l’article 1er, § 2, sous a), et § 2, sous b), et l’article 3, § 3, de la Directive (UE) n° 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018, modifiant la Directive n° 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et, à titre subsidiaire, de celle-ci dans son intégralité.
L’Etat polonais soutenait que la directive attaquée crée des restrictions à la libre prestation des services qui sont contraires à l’article 56 TFUE, en ce qu’elle introduit, dans la Directive n° 96/71, l’obligation pour les États membres de garantir aux travailleurs détachés, d’une part, une rémunération conforme à la législation ou aux pratiques de l’État membre d’accueil et, d’autre part, toutes les conditions de travail et d’emploi conformes à cette législation ou à ces pratiques, dès lors que, en substance, la durée effective du détachement d’un travailleur est supérieure à douze mois. Il critiquait également que la directive attaquée s’applique au secteur du transport routier.
La Directive n° 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, doit être interprétée en ce sens qu’elle est applicable aux prestations de services transnationales dans le secteur du transport routier.
L’article 1er, §§ 1er et 3, et l’article 2, § 1er, de la Directive n° 96/71 doivent être interprétés en ce sens qu’un travailleur qui exerce une activité de chauffeur dans le secteur du transport routier international dans le cadre d’un contrat d’affrètement entre l’entreprise qui l’emploie, établie dans un État membre, et une entreprise qui est située dans un État membre autre que celui dans lequel l’intéressé travaille habituellement, est un travailleur détaché sur le territoire d’un État membre au sens de ces dispositions lorsque l’exécution de son travail présente, pendant la période limitée en cause, un lien suffisant avec ce territoire. L’existence d’un tel lien est déterminée dans le cadre d’une appréciation globale d’éléments tels que la nature des activités accomplies par le travailleur concerné sur ledit territoire, le degré d’intensité du lien des activités de ce travailleur avec le territoire de chaque État membre dans lequel il opère ainsi que la part que lesdites activités y représentent dans l’ensemble du service de transport.
Le fait qu’un chauffeur routier international, qui a été mis par une entreprise établie dans un État membre à la disposition d’une entreprise établie dans un autre État membre, reçoit les instructions inhérentes à ses missions, commence ou termine celles-ci au siège de cette seconde entreprise ne suffit pas en soi pour considérer que ce chauffeur a été détaché sur le territoire de cet autre État membre, au sens de la Directive n° 96/71, dès lors que l’exécution du travail dudit chauffeur ne présente pas, sur la base d’autres facteurs, un lien suffisant avec ce territoire.
L’article 1er, §§ 1er et 3, et l’article 2, § 1er, de la Directive n° 96/71 doivent être interprétés en ce sens que l’existence d’un lien de groupe entre les entreprises qui sont parties au contrat de mise à disposition de travailleurs n’est pas, en tant que telle, pertinente aux fins d’apprécier l’existence d’un détachement de travailleurs.
L’article 1er, §§ 1er et 3, et l’article 2, § 1er, de la Directive n° 96/71 doivent être interprétés en ce sens qu’un travailleur qui exerce une activité de chauffeur dans le secteur du transport routier et qui, dans le cadre d’un contrat d’affrètement entre l’entreprise qui l’emploie, établie dans un État membre, et une entreprise située dans un autre État membre, effectue des transports de cabotage sur le territoire d’un État membre autre que l’État membre sur le territoire duquel il travaille habituellement doit, en principe, être considéré comme détaché sur le territoire de l’État membre dans lequel ces transports sont effectués. La durée du transport de cabotage est un élément dénué de pertinence pour apprécier l’existence d’un tel détachement, sans préjudice de l’application éventuelle de l’article 3, § 3, de cette directive.
L’article 3, §§ 1er et 8, de la Directive n° 96/71 doit être interprété en ce sens que la question de savoir si une convention collective a été déclarée d’application générale doit être appréciée par référence au droit national applicable. Répond à la notion visée par ces dispositions une convention collective de travail qui n’a pas été déclarée d’application générale, mais dont le respect conditionne, pour les entreprises qui en relèvent, la dispense d’application d’une autre convention collective de travail déclarée, quant à elle, d’application générale, et dont les dispositions sont en substance identiques à celles de cette autre convention collective de travail.
L’article 1er, § 3, sous a) (champ d’application) de la Directive n° 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, ne couvre pas la fourniture, dans le cadre d’un contrat conclu par une entreprise établie dans un État membre et une entreprise établie dans un autre État membre et contractuellement liée à un opérateur ferroviaire établi dans ce même État membre, de services de bord, de nettoyage ou de restauration pour les passagers effectués par des travailleurs salariés de la première entreprise, ou par des travailleurs mis à disposition de celle-ci par une entreprise également établie dans le premier État membre, dans des trains internationaux qui traversent le second État membre, lorsque ces travailleurs exécutent une partie importante du travail inhérent à ces services sur le territoire du premier État membre et qu’ils y commencent ou terminent leur service.
L’article 56 T.F.U.E. doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant, en cas de non-respect d’obligations en matière de droit du travail relatives à l’obtention d’autorisations administratives et à la conservation de documents salariaux, l’imposition d’amendes qui ne peuvent être inférieures à un montant prédéfini, qui sont imposées de manière cumulative pour chaque travailleur concerné et sans plafond, auxquelles s’ajoute une contribution aux frais de procédure à hauteur de 20% de leur montant en cas de rejet du recours introduit à l’encontre de la décision les imposant, et qui sont converties en des peines privatives de liberté en cas de non-paiement. (Dispositif)
(Décision commentée)
Il faut comprendre au sens du Règlement n° 883/2004 comme « résidence » le lieu où une personne réside habituellement. Il ne s’agit pas du « séjour » au sens de l’article 1er, k), du Règlement, qui correspond à un séjour temporaire. La résidence (article 1er, j)) fait l’objet d’une appréciation factuelle et sa détermination s’effectue en fonction du lieu où se trouve le centre habituel des intérêts de la personne. Elle doit encore être distinguée de celle de « résidence légale », la finalité du Règlement étant d’empêcher que, faute de législation qui leur serait applicable, les intéressés restent sans protection en matière de sécurité sociale.
Le Règlement n° 1231/2010 prévoit, cependant, dans son considérant n° 10, que l’application des règlements de coordination ne peut aboutir à conférer aux intéressés un droit d’entrée, de séjour ou de résidence, non plus que l’accès au marché du travail dans l’Etat membre et que les droits qu’il contient ne peuvent aboutir à porter atteinte au droit des Etats membres sur la question.
Vu l’économie de la disposition, le critère de durée de la présence des intéressés sur le territoire n’est pas déterminant, non plus que le fait qu’ils ont conservé le centre habituel de leurs intérêts dans un pays tiers. L’article 1er du Règlement n° 1231/2010 doit être interprété en ce sens que les ressortissants de pays tiers (dans la situation des intéressés, étant qu’il s’agit de personnes qui séjournent et travaillent temporairement dans divers Etats membres au service d’un employeur établi dans l’un de ceux-ci) peuvent invoquer le bénéfice des règles de coordination prévues par les règlements.
(Décision commentée)
La circonstance qu’une personne est recrutée en vue de son détachement dans un autre Etat membre ne peut faire obstacle à ce qu’elle soit considérée comme une « personne qui exerce une activité salariée dans un Etat membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre Etat membre ». Dans cette hypothèse, la personne demeure soumise à la législation de l’Etat membre dans lequel l’employeur exerce normalement ses activités.
Il n’est dès lors pas exigé qu’avant son détachement, la personne recrutée en vue de celui-ci ait exercé une activité salariée dans l’Etat membre. Elle doit cependant avoir été, juste avant le début du détachement, déjà soumise à la législation de l’Etat membre dans lequel est établi l’employeur.
L’article 26 de la Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, telle que modifiée par le Règlement (UE) n° 1251/2011 de la Commission, du 30 novembre 2011, ne s’oppose pas à une législation d’une entité régionale d’un État membre (Land de Rhénanie-Palatinat en l’espèce) qui oblige les soumissionnaires et leurs sous-traitants à s’engager, par une déclaration écrite devant être jointe à leur offre, à verser au personnel qui sera appelé à exécuter les prestations faisant l’objet du marché public considéré un salaire minimal fixé par cette législation
La même disposition de la directive ne s’oppose pas à une législation d’une entité régionale d’un État membre qui prévoit l’exclusion de la participation à une procédure d’attribution d’un marché public des soumissionnaires et de leurs sous-traitants qui refusent de s’engager, par une déclaration écrite devant être jointe à leur offre, à verser au personnel qui sera appelé à exécuter les prestations faisant l’objet du marché public considéré un salaire minimal fixé par cette législation.
La Cour constate que le taux de salaire minimal imposé par la mesure en cause est fixé par une disposition législative qui, en tant que règle impérative de protection minimale, s’applique, en principe, de manière générale à la passation de tout marché public quel que soit le secteur concerné.
Pour qu’il y ait mise à disposition de main d’œuvre au sens de l’article 1er, paragraphe 3, sous c), de la directive 96/71, trois conditions doivent être réunies, étant que (i) la mise à disposition de main-d’œuvre est une prestation de services fournie contre rémunération pour laquelle le travailleur reste au service de l’entreprise prestataire, sans qu’aucun contrat de travail ne soit conclu avec l’entreprise utilisatrice, (ii) cette mise à disposition se caractérise par la circonstance que le déplacement du travailleur dans l’État membre d’accueil constitue l’objet même de la prestation de services effectuée par l’entreprise prestataire et (iii) dans le cadre d’une telle mise à disposition, le travailleur accomplit ses tâches sous le contrôle et la direction de l’entreprise utilisatrice (renvoi à l’arrêt VICOPLUS du 10 février 2011, C-307/09 à C-309/09).
S’agissant en l’espèce de l’acte d’adhésion de 2003, la C.J.U.E. admet que la République d’Autriche a pu restreindre la mise à disposition de main d’œuvre quand bien même elle ne concernait pas un secteur sensible (l’acte d’adhésion ayant prévu des dispositions transitoires restreignant la libre circulation de certains travailleurs).
En cas de détachement de travailleurs, l’article 3, paragraphes 1 et 7, de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un calcul du salaire minimal à l’heure et/ou à la tâche, fondé sur le classement des travailleurs en groupes de rémunération, tel qu’il est prévu par les conventions collectives de l’État membre d’accueil, à condition que ce calcul et ce classement soient effectués selon des règles contraignantes et transparentes, ce qu’il incombe au juge national de vérifier. Ainsi en va-t-il d’une indemnité journalière versée aux travailleurs locaux à l’occasion d’un détachement de ceux-ci à l’intérieur de l’État membre concerné ou d’une indemnité de trajet, qui peuvent être considérés comme faisant partie du salaire minimal des travailleurs détachés. Par contre, la prise en charge du logement de ces travailleurs ne doit pas être considérée comme constituant un élément du salaire minimal de ceux-ci, non plus qu’une allocation prenant la forme de bons d’alimentation remis auxdits travailleurs. Quant au pécule de vacances qui doit être accordé aux travailleurs détachés pour la durée minimale des congés annuels payés, il correspond à la notion de salaire minimal auquel ceux-ci ont droit durant la période de référence.
Si un soumissionnaire entend exécuter un marché public en ayant recours exclusivement à des travailleurs occupés par un sous-traitant établi dans un État membre autre que celui dont relève le pouvoir adjudicateur, l’article 56 TFUE s’oppose à l’application d’une réglementation de l’État membre dont relève ce pouvoir adjudicateur obligeant ce sous-traitant à verser auxdits travailleurs un salaire minimal fixé par cette réglementation.
Tout employeur normalement prudent et diligent doit, en cas de détachement de travailleurs en Belgique dans le cadre d’une prestation de services, s’informer auprès des autorités compétentes sur ses obligations en matière de paiement de la rémunération due aux intéressés. En cas d’infraction constatée aux dispositions d’une C.C.T. réglant la question, il ne peut invoquer n’avoir pas eu de connaissance particulière de la réglementation belge en la matière et des obligations imposées en cas de détachement des travailleurs, cette circonstance ne constituant pas une cause de justification.
(Décision commentée)
L’employeur qui occupe en Belgique un travailleur détaché est tenu de respecter, pour les prestations de travail qui y sont effectuées, les conditions de travail, de rémunération et d’emploi qui sont prévues par des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, sanctionnées pénalement.
En vertu de l’article 3, point 7, 2e alinéa, de la Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 sur le détachement des travailleurs, les allocations propres au détachement ne peuvent être considérées comme faisant partie du salaire minimal que dans la mesure où elles ne sont pas versées au titre de remboursement des dépenses effectivement encourues à cause du détachement (telles que les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture).