Terralaboris asbl

Aide matérielle


Trib. trav.


Documents joints :

C.J.U.E.


  • Demandes d’asile successives : L’article 39 de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, lu à la lumière des articles 19, paragraphe 2, et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne s’oppose pas à une législation nationale qui ne confère pas un effet suspensif à un recours exercé contre une décision de ne pas poursuivre l’examen d’une demande d’asile ultérieure.
    Il s’agit en l’espèce de l’article 4 de la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers, qui renvoie aux conditions de l’article 6, par. 2, relatif au bénéfice de l’aide matérielle dont peut bénéficier tout demandeur d’asile dès l’introduction de sa demande d’asile et qui produit ses effets pendant toute la procédure d’asile.

C. const.


  • Sur le fait que la possibilité de prolonger l’aide matérielle à un étudiant étranger demandeur d’asile (à l’issue de la procédure) ne vaut que pour l’année scolaire en cours et non pour les années ultérieures éventuellement nécessaires pour l’obtention d’un certificat ou d’un diplôme, la Cour rappelle que le droit à l’enseignement n’implique pas le droit à l’aide matérielle au sens de l’article 2, 6°, de la loi du 12 janvier 2007, et encore moins l’obligation pour les autorités, sur la base de ces dispositions, de procurer une aide matérielle à un étranger qui séjourne illégalement sur le territoire (avec renvoi à C. const., 27 juillet 2011, n° 135/2011).

C. trav.


  • La directive Accueil révisée exige que les décisions de limitation ou de retrait de l’aide matérielle répondent à des exigences de forme (processus de décision objectif et impartial, motivation), et de fond (individualisation, proportionnalité) et qu’elles respectent certaines conditions minimales auxquelles il ne peut être dérogé (accompagnement médical et niveau de vie digne). S’agissant des décisions de retrait, celles-ci ne sont plus possibles que dans des cas exceptionnels dûment justifiés. Les autorités compétentes des États membres sont tenus d’examiner si le demandeur d’asile dispose de moyens alternatifs pour satisfaire ses besoins de base avant de pouvoir lui retirer le bénéfice de l’aide matérielle (avec renvoi à C.J.U.E., 12 novembre 2019, Aff. C–233/18).

  • L’article 4 de la loi du 12 janvier 2007, tel que modifié depuis la loi du 21 novembre 2017, dispose notamment que la décision de FEDASIL de limiter ou de retirer l’aide matérielle doit être individuellement motivée, en tenant compte des situations spécifiques, en particulier pour les groupes vulnérables. L’Agence doit ainsi examiner si le demandeur d’asile qui fait l’objet d’une décision de limitation ou de retrait de son droit à l’aide matérielle pourra continuer à bénéficier d’un niveau de vie digne. Si ce n’est pas le cas, l’Agence devra donc continuer à fournir une aide matérielle qui ne sera plus limitée au seul accompagnement médical tel que défini par les articles 24 et 25 de la loi (travaux préparatoires).
    En l’espèce, la décision notifiée par FEDASIL implique que l’intéressé risque de se retrouver sans toit ni ressources dès lors que le droit à l’aide matérielle lui est retiré (à l’exception du droit à un accompagnement médical). Il présente ainsi un niveau de vulnérabilité important de par sa situation. En vertu de la jurisprudence de la C.J.U.E. (12 novembre 2019, Aff. n° C-233/18), les Etats membres doivent entre autres veiller à ce que le demandeur ne se retrouve pas dans un état de besoin matériel extrême. Le retrait de l’aide matérielle contrevient à cette garantie et méconnaît l’exigence de proportionnalité. Par ailleurs, la Cr.E.D.H. a confirmé à plusieurs reprises que vivre dans la rue en tant que demandeur d’asile constitue un traitement inhumain et dégradant. L’Agence est dès lors condamnée à poursuivre l’hébergement au sein de la structure d’accueil dans laquelle l’intéressé réside.

  • Au lieu d’examiner s’il existe une situation exceptionnelle qui justifie le maintien ou l’accès à l’aide matérielle pour les demandeurs d’asile, l’administration devrait examiner s’il existe une situation exceptionnelle qui justifie le retrait. La rédaction actuelle de l’article 4 de la loi Accueil a été insérée en vue de mettre la législation en conformité avec la Directive européenne n° 2013/33/UE (« Direction Accueil (refonte) »). Cet article reprend l’exigence selon laquelle le retrait du droit à l’aide matérielle ne peut être décidé que dans des cas exceptionnels. Dans la mesure où la décision de FEDASIL limite le droit à l’aide matérielle à l’accompagnement médical, il s’agit d’une décision de retrait du droit à l’aide matérielle. Celle-ci doit être dûment motivée et, si elle ne contient qu’une motivation standardisée applicable à tous les cas de demande ultérieure et ne fournit aucune justification particulière au regard de l’article 4, alinéa 1er, ci-dessus, elle n’est pas régulièrement motivée. Elle est ici annulée par la cour.

  • L’aide matérielle ne peut être prolongée indéfiniment, la vocation des centres d’accueil des demandeurs d’asile et de certaines catégories d’étrangers (comme les parents en séjour illégal avec enfants mineurs à charge) n’étant pas de fournir une aide matérielle sans aucune limite dans le temps. Lors de la transition de l’aide matérielle octroyée aux demandeurs d’asile vers l’aide sociale octroyée par les C.P.A.S., il convient d’assurer la continuité de l’accueil afin d’éviter une privation – même temporaire – du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Ce principe de continuité de l’accueil est interprété largement par les cours et tribunaux. Dans la mesure où les demandeurs d’aide se trouvent dans un état d’impossibilité de donner suite à un ordre de quitter le territoire, ils ouvrent un droit à l’aide sociale et ne relèvent en principe plus de la compétence de FEDASIL. Il y a dès lors lieu de déterminer la nature de l’aide sociale qu’il convient d’accorder afin de permettre aux intéressés de vivre une vie conforme à la dignité humaine.

  • Fedasil peut limiter ou, dans des cas exceptionnels, retirer le droit à l’aide matérielle dans différentes hypothèses, dont celle où un demandeur d’asile présente une demande ultérieure, jusqu’à ce qu’une décision de recevabilité soit prise. Le droit à l’accompagnement médical visé aux articles 24 et 25 de la loi accueil et le droit à un niveau de vie digne restent cependant garantis au demandeur d’asile. L’introduction d’une nouvelle demande d’asile (qui, sous réserve d’une décision individuellement motivée, ouvre en règle le droit à une aide matérielle complète en centre) n’est pas de nature à faire perdre au demandeur d’asile des droits tirés d’une précédente demande, au premier chef duquel la prolongation du bénéfice de l’aide matérielle.

  • L’article 4 de la loi du 12 janvier 2007 prévoit une faculté pour FEDASIL de refuser l’aide matérielle en cas de demandes d’asile ultérieures au moyen d’une décision individuelle et motivée, qui doit prendre en considération la situation particulière de la personne, surtout quand il s’agit de personne vulnérable au sens de l’article 36 de la loi. La décision doit permettre de comprendre les raisons pour lesquelles FEDASIL a fait usage de cette faculté aussi longtemps que le CGRA n’aura pas pris une décision de recevabilité de la demande de protection ultérieure. L’exigence de motivation visée dans l’article 4 de cette loi est une exigence posée par l’article 20 de la Directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.
    A défaut de motivation, il ne peut être vérifié en l’espèce si la situation particulière de l’intéressé (qui est en outre une personne vulnérable en raison de ses troubles psychologiques) a été prise en considération.

  • La saturation du réseau n’est pas un motif légal du retrait de l’aide matérielle. Les travaux préparatoires de la loi du 21 novembre 2017 (loi de mise en conformité de l’article 4, §3 de la loi accueil avec la directive 2013/33/UE) insistent sur la nécessité pour Fedasil de s’assurer du maintien d’un niveau de vie digne. La notion de « niveau de vie digne » a un contenu précis : elle vise à garantir le plein respect de la dignité humaine (avec renvoi à la jurisprudence de la C.J.U.E.). Les décisions de l’Agence de limiter ou de retirer l’aide matérielle doivent dès lors être individuellement être motivées en tenant compte des situations spécifiques, en particulier pour les groupes vulnérables.

  • Les demandeurs d’asile peuvent en règle bénéficier durant l’examen de leur demande d’asile d’une aide matérielle fournie dans une structure d’accueil organisée par FEDASIL, qui est désignée comme lieu d’inscription obligatoire. Ils ne peuvent pas prétendre à une aide financière à l’égard du C.P.A.S., ce qui est confirmé par l’article 57ter de la loi du 8 juillet 1976.

    Le demandeur d’asile qui introduit une deuxième demande ne peut invoquer l’article 6, § 1er, de la loi accueil (qui organise l’aide matérielle) pendant l’examen de sa demande, sauf si le C.G.R.A. a pris une décision de prise en considération. Ce principe peut être appliqué lors de chaque nouvelle demande d’asile. FEDASIL est dès lors autorisée à refuser l’octroi de l’aide matérielle jusqu’à ce que la demande d’asile ait été prise en considération par le C.G.R.A.

  • Mêmes principes que C. trav. Liège (div. Liège), 18 mars 2016, R.G. 2015/AL/220.

  • Dans l’attente de la position de la Cour de cassation (saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Liège, section Namur, du 18 novembre 2014, R.G. 2014/AN/90), cette jurisprudence peut être confirmée, étant que l’aide matérielle aux mineurs et à leur famille doit être octroyée dans les seules structures d’accueil gérées par FEDASIL, à l’exclusion implicite de celles gérées par les partenaires (articles 2, 10°, et 60, alinéa 2, de la loi accueil). L’article 60 reproduit, en effet, en son alinéa 1er, le contenu de l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 et précise, en son alinéa 2, que « cette aide matérielle est octroyée dans les structures d’accueil gérées par l’Agence ». La désignation d’un centre de retour qui n’est pas géré par l’Agence mais par l’Office des Etrangers en partenariat avec celle-ci est donc illégale.

  • Le caractère individuel et motivé de la décision par laquelle FEDASIL peut refuser l’accueil à un demandeur d’asile ayant introduit des demandes multiples est une condition de sa conformité à la Constitution. En tant que parent isolé accompagné d’un mineur une mère est une personne qualifiée de vulnérable par la loi (article 36). Il en va de même de son enfant (article 37). Cette dernière disposition met en œuvre l’article 3.1. de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui oblige toute autorité, en ce compris FEDASIL et les autorité judiciaires, à avoir l’intérêt supérieur de l’enfant pour considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants.

  • Tout demandeur d’asile a droit à un accueil devant lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine. Par accueil, on entend l’aide matérielle ou l’aide sociale. La loi du 12 janvier 2007 ne définit pas ce qu’il y a lieu d’entendre par ’’l’introduction de la demande d’asile’’. Dès lors, conformément aux termes de la Directive 2013/32/UE (selon laquelle une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté au demandeur), l’étranger est réputé avoir introduit sa demande dès lors qu’il établit avoir envoyé un formulaire de demande d’asile à l’Office des Etrangers.

  • La possibilité de solliciter la prolongation de l’aide matérielle est prévue à l’article 7 de la loi du 12 janvier 2007. Il y a lieu de ne pas confondre la situation visée à l’article 7, § 2, 3°, de la loi avec celle visée à l’article 7, § 3, de la loi. La première situation vise la prolongation de l’aide matérielle dans l’hypothèse où l’étranger sollicite la prolongation de l’ordre de quitter le territoire parce qu’il ne peut rentrer dans son pays d’origine en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. La seconde situation vise la prolongation de l’aide matérielle en raison de circonstances particulières liées au respect de la dignité humaine. En l’espèce, dans la mesure où il ne pouvait pas démontrer la nationalité somalienne, l’étranger se trouvait dans l’impossibilité, faute d’un laisser-passer délivré par les autorisé somaliennes, de quitter la Belgique. Cette circonstance n’entre pas dans le champ d’application de l’article 7 de la loi accueil, la prolongation de l’ordre de quitter le territoire étant d’ailleurs expirée. Rien n’empêche cet étranger de solliciter à charge du CPAS une aide sociale en invoquant une impossibilité absolue de quitter le territoire.

Trib. trav.


  • Même s’il peut se comprendre que Fedasil souhaite libérer des places au sein des structures d’accueil vu la crise actuelle et la saturation du réseau, laisser un délai de trois jours ouvrables à une famille pour quitter une structure d’accueil où elle réside depuis un certain temps, sous peine de se retrouver à la rue à l’orée de l’hiver, est excessivement brutal et sort des critères du raisonnable. Il y a dès lors lieu de suspendre la décision de Fedasil donnant aux intéressés trois jours pour quitter le centre, ceux-ci ayant reçu la qualité de réfugié par décision du C.G.R.A. le 23 juin 2022 et ayant, avec l’aide du C.P.A.S., posé leur candidature pour l’obtention d’un logement social.

  • L’article 4, § 1er, de la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et d’autres catégories d’étrangers permet à FEDASIL de limiter ou, dans des cas exceptionnels, de retirer le droit à l’aide matérielle dans certaines hypothèses, dont celle où l’étranger a quitté le centre d’accueil qui lui avait été désigné sans communiquer sa nouvelle adresse. En vertu du § 2, lorsque le demandeur d’asile est retrouvé ou se présente volontairement, une décision fondée sur les raisons de sa disparition est prise quant au rétablissement du bénéfice de certaines ou de l’ensemble des conditions matérielles d’accueil retirées ou réduites. Un examen du cas individuel doit être fait, tenant compte de la situation de l’intéressé, de son parcours, de sa disponibilité envers les instances d’accueil, du réseau de ses connaissances en Belgique et de ses besoins spécifiques.

  • (Décision commentée)
    Si l’Agence FEDASIL peut modifier la structure désignée pour accueillir le demandeur d’asile, elle doit le faire tenant compte des circonstances liées au respect de la dignité humaine. Celles-ci peuvent notamment justifier la prolongation d’une prise en charge en centre d’accueil. Vu la situation sanitaire actuelle, le transfert vers l’Italie, intervenant sans nécessité particulière autre que l’exécution d’un trajet retour, apparaît contraire à la dignité humaine.
    Dans le même sens, pour un déplacement interne, voir Prés. Trib. trav. Liège (div. Marche-en-Famenne) (réf.), 20 mars 2020, R.Req. 20/3/K.

  • Même décision que Prés. Trib. trav. Liège (div. Arlon) (réf.), 25 mars 2020, R.Req. 20/2/K (commentée) pour un déplacement interne.

  • Est posée à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle relative à l’article 7 de la loi du 12 janvier 2007 relative à l’accueil des demandeurs d’asile, cette disposition réservant la possibilité de prolonger l’accueil pour un motif de scolarité au demandeur dont la procédure d’asile s’est clôturée au plut tôt le 1er avril de l’année scolaire en cours, alors que les autres étudiants n’ont pas la possibilité de prolonger l’année en cours, ce qui risque de mettre en péril la poursuite de leur scolarité, et ce spécialement pour les étudiants se trouvant en fin de formation.

  • Il doit y avoir une prolongation automatique de l’aide matérielle dans l’hypothèse où des demandeurs d’asile ont reçu une décision négative impliquant qu’ils n’ont plus droit à une telle aide en leur qualité de demandeurs d’asile mais qu’ils peuvent prétendre à la prolongation de celle-ci en leur qualité de parents d’un enfant mineur d’âge.
    La désignation d’un centre de retour situé en Flandre ne respecte pas les droits fondamentaux des enfants mineurs qui poursuivent leur scolarité en français depuis plusieurs années et auxquels la possibilité de la poursuivre doit être accordée.


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