Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 25 mars 2022, R.G. 21/450/A
Mis en ligne le 12 septembre 2022
La notion de faute n’est pas limitée par l’article 35 LCT aux seuls manquements à une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle, mais s’entend aussi de toute erreur de conduite que ne commettrait pas un employeur ou un travailleur normalement prudent et avisé.
Le principe suivant lequel la faute doit être imputable personnellement au travailleur connaît un double tempérament étant, d’une part, que, par application des dispositions relatives au mandat, la faute d’un tiers mandataire peut être imputée à son mandant si ce tiers a agi dans les limites de son mandat – auquel cas la faute commise par le mandataire dans ce cadre est imputée au mandant et peut entraîner son licenciement pour motif grave – et, d’autre part, qu’il est possible que le fait fautif ne soit pas posé directement par le travailleur, mais qu’il le soit à son instigation. Peut, ainsi, être convaincue de motif grave compte tenu de son implication directe et personnelle dans la démarche entreprise par son mari, la gérante adjointe d’un magasin qui, en violation du règlement de travail et de la loi du 8 décembre 1992, a communiqué à celui-ci les coordonnées personnelles d’un client, auteur d’une plainte à son égard, et l’a incité à prendre contact avec lui, ce qui a débouché, au cours d’un entretien téléphonique auquel l’intéressée a assisté, sur la tenue de propos menaçants et intimidants à l’adresse de ce client.
Pour qu’il y ait responsabilité, il faut ce minimum d’imputabilité morale que constitue la conscience de l’acte que son auteur accomplit. Il s’ensuit que si le travailleur commet un acte alors qu’il n’a pas ou plus la pleine possession de ses facultés mentales, que son libre arbitre est complétement annihilé, qu’il n’est pas sain d’esprit ou conscient de ce qu’il fait, il est privé de volonté et ne peut être responsable de cet acte. Un travailleur dépourvu de volonté ou inconscient des actes qu’il commet ne peut ainsi se voir imputer une faute de telle sorte que, en l’absence de faute, l’article 35 L.C.T. ne peut trouver à s’appliquer.
Une faute ayant déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire ne peut plus servir de fondement à un licenciement pour motif grave, mais peut toujours être prise en considération pour apprécier la gravité de manquements postérieurs.
En l’absence de faute, l’article 35 LCT ne peut trouver à s’appliquer. Ainsi, dans le chef d’un travailleur dépourvu de volonté ou inconscient des actes qu’il pose et qui ne peut, de ce fait, être déclaré responsable de ceux-ci, ni se voir imputer quelque faute qu’il soit.
Le motif grave devant pouvoir être imputé personnellement à son auteur, la faute ou le comportement d’un tiers, fût-il un de ses proches, ne peut, sauf si ce dernier a agi à son instigation, fonder une rupture contractuelle immédiate.
(Décision commentée)
La faute doit être commise, la simple intention, même manifestée, de commettre celle-ci ne justifiant pas le renvoi pour motif grave. L’intention n’est qu’un état d’esprit, une planification et non un acte contraire à un comportement normalement prudent et diligent, ainsi, la seule intention, non encore traduite dans des actes, de faire concurrence à l’employeur.
En l’espèce, le tribunal en conclut que la seule intention de se rendre à une rencontre familiale qui serait contraire aux mesures sanitaires en vigueur n’est pas constitutive d’un motif grave.