Terralaboris asbl

Motivation du rapport


C. trav.


Documents joints :

C. trav.


  • Lorsque l’expert judiciaire a identifié les lésions et séquelles de la victime engendrant des limitations fonctionnelles pour son organisme, il doit ensuite non seulement établir, dans une langage accessible et en décrivant son raisonnement, (1) le profil socio-professionnel de cette dernière avant la consolidation ainsi qu’examiner (2) son marché de l’emploi actuel c’est-à-dire : (2.1) les groupes de métiers qui lui restent ouverts sans perte concurrentielle et ceux qu’elle pourrait faire au prix d’efforts considérables, voire avec une efficacité amoindrie et (2.2) les métiers et, le cas échéant, les groupes de métiers que la victime ne peut plus du tout exercer (mêmes principes que C. trav. Bruxelles, 3 avril 2023, R.G. 2021/AB/537).

  • De manière générale, la cour rappelle que, si le juge ordonne une mesure d’expertise médicale, c’est précisément pour l’aider à cerner l’impact d’un désordre d’ordre médical à définir sur la capacité de gain de la victime de l’accident. Ce n’est donc pas le tout d’identifier des affections, pathologies ou lésions, il faut encore préciser dans un langage accessible au profane en quoi celles-ci consistent, mettre en exergue les séquelles qui en découlent, à savoir la nature et l’ampleur des déficits physiques et psychiques dont elles s’accompagnent concrètement et, enfin, décrire le raisonnement suivi pour fixer le taux d’incapacité permanente de travail, cela au vu des déficits pointés et du marché général du travail encore accessible à la victime compte tenu de son profil socio–professionnel (mêmes principes que C. trav. Bruxelles, 17 avril 2023, R.G. 2016/AB/1.183 concernant la motivation de l’expertise).

  • C’est à tort que le tribunal a considéré opportun d’entériner le rapport d’expertise alors que celui-ci ne motive pas en quoi l’état antérieur continuerait à se développer pour son propre compte et qu’en outre il ne précise pas l’influence que les lésions de l’accident auraient pu avoir sur cet état antérieur. La cour nomme dès lors un nouvel expert.

  • L’expertise médicale étant jugée insuffisante, la cour nomme un nouvel expert chargé de proposer un nouveau taux d’incapacité permanente à l’aune des professions concrètement accessibles à la victime, en particulier en se focalisant sur l’aptitude de celle-ci à suivre des formations pour y accéder, vu son expérience professionnelle limitée et les conséquences de l’accident du travail.

  • Le juge apprécie souverainement la valeur probante d’une expertise. Lorsque le rapport d’expertise ne répond pas à la mission confiée à l’expert, ni ne précise de manière claire la nature et l’ampleur des déficits physiques et psychiques entraînant des limitations fonctionnelles à la capacité de gain de la victime, il y a lieu de procéder à une expertise complémentaire.

  • Le seul avis du sapiteur ne se suffit pas à lui-même, a fortiori lorsqu’il n’est pas motivé, quand bien même l’expert lui prêterait une autorité scientifique incontestable. Le rapport du sapiteur se présente comme une pièce importante du dossier d’expertise, mais cela n’en fait pas pour autant nécessairement la pièce maîtresse qui clôture définitivement le débat sur la question qu’il aborde, particulièrement lorsqu’une contestation subsiste : l’expert ne se trouve pas dispensé de motiver ses propres conclusions en se mettant confortablement à l’abri derrière l’avis du sapiteur, sans prendre ses responsabilités. Puisque le sapiteur agit sous la responsabilité de l’expert, ce dernier se doit de « contrôler son travail, le comprendre et l’intégrer dans ce rapport ».

  • La matière étant d’ordre public, le juge ne peut entériner le rapport de l’expert s’il n’est pas en mesure de vérifier le bon déroulement de l’expertise. Ne peut être entériné le rapport qui ne reprend pas le libellé des séquelles de l’accident avec suffisamment de précision, qui n’indique pas pourquoi une période d’incapacité temporaire totale n’est pas imputable à l’accident et qui ne motive pas le taux d’incapacité permanente retenu, notamment eu égard aux facteurs socio-économiques, n’indiquant par ailleurs pas en quoi l’accident a ou non activé un état antérieur.

  • (Décision commentée)
    Dès lors que l’expert assure avoir tenu compte du principe de l’indifférence de l’état antérieur mais qu’il ne donne pas le moyen de le vérifier, se bornant à énoncer que les séquelles lésionnelles, compte tenu de l’état antérieur de la victime et de sa capacité de concurrence sur le marché général du travail, doivent être évaluées à 20%, il s’agit d’une pure déclaration de principe, qui manque de transparence et n’apporte pas la garantie d’une application adéquate du principe de l’indifférence de l’état antérieur et de son corollaire, le principe de globalisation.
    De même doit être motivé le taux d’I.P.P. retenu et l’expert est tenu de mettre en exergue les éléments concrets qui fondent son estimation.

  • Dès lors que la victime a demandé à l’expert de s’adresser à un expert ergologue sur la question de la capacité économique, c’est à celui-ci d’apprécier s’il estime nécessaire ou non de désigner un tel sapiteur mais, s’il ne le fait pas, il doit expliquer sur quels éléments concrets il se base pour fixer le taux d’I.P.P. En l’espèce, le rapport d’expertise étant très succinct sur la question, la cour écarte les conclusions sur ce point et désigne un nouvel expert, avec une mission limitée.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be