Terralaboris asbl

Conditions de validité du congé avec préavis réduit en vue de la pension de retraite

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 26 juin 2012, R.G. 2011/AB/418

Mis en ligne le lundi 29 octobre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 26 juin 2012, R.G. n° 2011/AB/418

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 26 juin 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que le préavis réduit ne peut être donné qu’en vue de la prise de la pension de retraite et qu’il doit être en cours jusqu’à celle-ci.

Les faits

Une Dame B., née en juillet 1943, preste en qualité de directrice d’un centre de formation depuis septembre 2000. En mars 2007, un préavis conservatoire de dix mois lui est notifié et il est levé trois mois plus tard.

Dans le courant du mois d’avril de l’année 2008, elle est licenciée moyennant préavis de trois mois prenant cours le 1er mai. L’intéressée conteste celui-ci demandant un préavis de douze mois. Pendant l’exécution du préavis, celui-ci est suspendu (à raison de 42 jours pour vacances et maladie).

Le C.A. de l’institution qui l’emploie lui signale le 30 juillet 2008 qu’il marque accord pour porter le délai de préavis à six mois, à partir du 1er mai, la fin des prestations étant confirmée au 31 juillet.

L’intéressée introduit une procédure devant le tribunal du travail.

Demande devant le tribunal du travail

L’intéressée demande une indemnité complémentaire de préavis, ainsi que diverses sommes, dont des arriérés de rémunération et des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

L’ASBL introduit une demande reconventionnelle en vue d’obtenir des dommages et intérêts vu la restitution tardive du véhicule, ainsi que le remboursement de montants qu’elle estime lui être dus.

Jugement du tribunal du travail

Par jugement du 15 février 2011, le tribunal du travail fait partiellement droit à la demande originaire, allouant une indemnité complémentaire de préavis de l’ordre de 3.000€. L’ASBL est déboutée de sa demande reconventionnelle.

Décision de la cour du travail

La cour est saisie de l’ensemble du litige initial et constate, en ce qui concerne la durée du préavis, que le litige se meut autour des conditions d’application de l’article 83 de la loi du 3 juillet 1978. Celui-ci vise le congé donné en vue de mettre fin au contrat à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel l’employé atteint l’âge de 65 ans. Il dispose que, dans cette hypothèse, par dérogation à l’article 82 de la loi, le préavis est fixé à six mois si le congé est donné par l’employé et est réduit de moitié en cas d’ancienneté de moins de cinq ans de service dans l’entreprise. C’est le préavis réduit en vue de la prise de cours de la pension de retraite.

La cour rappelle qu’il a été introduit par la loi du 21 novembre 1969, en même temps que la disposition qui a déclaré nulle la clause du contrat de travail prévoyant que le fait d’atteindre l’âge de la pension de retraite entraînait la cessation du contrat. Elle reprend l’exposé des motifs de la loi, qui avait, avec la suppression de la clause litigieuse (désormais frappée de nullité) réduit aux seuls modes légaux les possibilités de mettre un terme au contrat de travail.

Eu égard à la longueur des délais de préavis le législateur avait rappelé qu’il était pratiquement impossible aux parties de prendre position, au moment où le congé (avec préavis normal) était donné sur la question de savoir si le travailleur continuerait à prester après l’âge de la pension, décision qui ne pouvait d’ailleurs logiquement intervenir qu’au moment où cet âge était atteint. Il avait également été rappelé qu’au cas où la relation de travail serait maintenue après cet âge, il pouvait alors apparaître que la capacité de travail de l’employé pouvait brusquement diminuer assez rapidement et que le préavis qui devrait lui être donné à ce moment serait très long.

Il a dès lors été décidé d’assouplir ces dispositions pour les employés admis à la pension et il a ainsi été décidé que ces délais de préavis réduits viendraient faciliter la mise au travail après l’âge de celle-ci, étant un régime d’exception et dès lors devant être d’application restreinte. Il fut ainsi admis que ces délais ne pourraient être appliqués que pour mettre fin au contrat lorsque l’employé atteindrait l’âge où s’ouvrirait son droit à la pension de retraite.

La cour rappelle encore que la Cour de cassation avait précisé (à propos d’une version antérieure à la version actuelle) que ces dispositions ne pouvaient viser le congé donné par l’employeur pour mettre fin au contrat avant le moment où l’âge normal de la pension légale complète serait atteint – et ce même si l’employeur assortit ce congé d’une indemnité qui compenserait la rémunération que l’employée aurait obtenue en travaillant jusqu’à la fin (Cass. 16 juin 1980, J.T.T., 1981, p. 48) et précise que le texte actuel a la même portée, étant que le contrat de travail doit en principe exister jusqu’à la prise de cours de la pension légale.

En l’espèce, réexaminant les dates, la cour constate que le préavis notifié venait à échéance le 31 juillet 2008 et s’il est exact que l’intéressée n’a pas presté ce dernier jour, mais uniquement jusqu’au 30, le 1er août était à la fois le jour de prise de cours de la pension légale et le premier où l’intéressée n’était plus sous contrat de travail.

La loi n’exigeant pas que le contrat de travail soit toujours en cours le jour de la prise de cours de la pension (condition que ne figure pas dans l’article 83, § 1er) et compte tenu que la volonté de l’employeur a été de faire du 31 juillet le dernier jour du travail, la prestation effective de ce jour ou non est sans importance. L’indemnité complète réclamée par l’intéressée sur la base de l’article 82 n’est dès lors pas due.

Par ailleurs, sur les autres chefs de demande, la cour examine plus en détail la question des dommages et intérêts réclamés du chef de harcèlement et relève que vu les fonctions exercées par l’intéressée, qui était de rechercher des subsides et des moyens de financement, même s’il y a eu des tensions et des pressions exercées sur elle, elles étaient inhérentes à la situation contractuelle et que rien n’indique qu’il y ait eu des éléments révélateurs d’une conduite abusive.

Intérêt de la décision

La cour rappelle, dans cet arrêt, la finalité de l’article 83 de la loi sur les contrats de travail, ainsi que les modalités d’application : le contrat de travail doit venir à échéance la veille de la prise de cours de la pension de retraite. Il ne peut s’être terminé auparavant, et ce même ci une indemnité a été versée, qui compense la rémunération que l’employée aurait obtenue en travaillant jusqu’à l’âge de prise de cours de la pension légale complète (enseignement de la Cour de cassation dans son arrêt du 16 juin 1980) et l’article 83, § 1er n’exige pas que le contrat soit toujours en cours le jour de la prise de la pension légale.

Petit rappel utile.


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