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Régularisation d’études en vue de la pension : quid des études en promotion sociale ?

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Mons), 8 mars 2021, R.G. 20/218/A

Mis en ligne le jeudi 14 octobre 2021


Tribunal du travail du Hainaut (division Mons), 8 mars 2021, R.G. 20/218/A

Terra Laboris

Par jugement du 8 mars 2021, le Tribunal du travail du Hainaut (division Mons) admet la régularisation de périodes d’études suivies dans le cadre de l’enseignement de promotion sociale en vue de la fixation de la carrière en matière de pension pour travailleurs salariés, les études suivies ayant débouché sur un diplôme existant également dans l’enseignement de plein exercice.

Les faits

Un assuré social demande au SFP d’obtenir la valorisation de périodes d’études, dans le cadre du calcul de sa carrière pour la fixation de ses droits à une pension. Le SFP notifie une décision de refus, s’agissant d’études de promotion sociale. Il précise que l’arrêté royal du 21 décembre 1967, qui définit les modalités pratiques de la régularisation, ne mentionne pas ce type d’études. Pour le SFP, « suite à ce manquement dans l’AR », le diplôme de promotion sociale ne peut faire l’objet de la régularisation sollicitée.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail.

Position du demandeur

Le demandeur fait également valoir un défaut de motivation formelle telle qu’exigée par la loi du 29 juillet 1991. Sur le fond, il expose que les études en cause ont abouti à l’obtention d’un diplôme de bachelier en marketing et que celles-ci entrent dans le champ d’application de l’arrêté royal en cause. En vertu de celui-ci, la régularisation est possible pour l’enseignement supérieur universitaire et non-universitaire, ainsi que pour l’enseignement supérieur (technique, professionnel, maritime ou artistique) de plein exercice. L’enseignement de promotion sociale est un enseignement supérieur non universitaire et il n’est pas requis qu’il soit de plein exercice. En outre, celui-ci a la même équivalence que les diplômes de l’enseignement supérieur de plein exercice (universités et hautes écoles). A supposer, selon lui, enfin, que ce type d’enseignement doive être exclu, il y aurait une différence de traitement injustifiée entre celui qui a suivi l’enseignement supérieur en haute école et celui qui a le même diplôme, mais dans le cadre d’un enseignement de promotion sociale. La régularisation est en effet autorisée pour le premier et non pour le second.

Position du SFP

Le SFP maintient qu’il y a exclusion de l’enseignement de promotion sociale, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un enseignement de plein exercice. Cette notion de plein exercice permet précisément de ne pas viser l’enseignement de promotion sociale, qui ne peut rentrer dans le type d’enseignement visé par le texte.

La décision du tribunal

Sur le plan de la motivation formelle, le tribunal rappelle que le but des règles légales (en ce compris celles de la Charte) est de permettre à l’assuré social de comprendre la décision, de contrôler la véracité des motifs et d’éviter l’arbitraire.

En l’espèce, la motivation est considérée comme succincte et lacunaire et ne répond pas à cet objectif. La décision est dès lors annulée et le juge entreprend, en vertu de son pouvoir de pleine juridiction, de se substituer à l’organisme de sécurité sociale quant à la vérification du droit réclamé.

Il renvoie à l’arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés en son article 7, 1°, qu’il reprend in extenso. Cette disposition contient la notion de « diplôme » et énumère l’ensemble des diplômes admis pour la valorisation des périodes d’études. L’enseignement de promotion sociale n’est pas repris. Si les périodes d’études sont également précisées, le texte est également muet quant à ce type d’études. La question est dès lors de savoir si celui-ci entre dans le champ d’application du texte.

Pour le tribunal, si la notion d’enseignement de plein exercice est propre à l’enseignement et est destinée à distinguer celui-ci de l’enseignement de promotion sociale, ceci n’implique pas que le législateur ait entendu écarter l’enseignement de promotion sociale de la régularisation autorisée en matière de pension.

Il renvoie aux travaux préparatoires, une question parlementaire ayant été posée, précisément à propos de l’enseignement supérieur de promotion sociale, les diplômes délivrés dans le cadre de ce type d’études étant considérés comme une variante de l’enseignement de plein exercice, notamment pour l’obtention des titres de capacité dans l’enseignement. Le ministre a répondu à cette question que les années d’études suivies dans le cadre de l’enseignement supérieur de promotion sociale pourraient être régularisées à la condition qu’elles débouchent sur un titre accordé au terme d’études de plein exercice.

Pour le tribunal, cette solution est claire et, dans la mesure où l’intéressé a obtenu un diplôme de gradué en marketing et management, diplôme obtenu après un cycle de formation qui a comporté 1240 périodes, il fait droit à la demande, d’autant que ce diplôme (qui est actuellement appelé « bachelier ») existe dans l’enseignement de plein exercice.

Intérêt de la décision

L’arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés est en effet muet sur la question. Les diplômes admis sont listés, ainsi que les périodes d’études, mais sans référence à l’enseignement de promotion sociale. Malgré le développement de ce type d’études, l’arrêté royal n’a jamais été adapté. Le SFP admet, d’ailleurs, dans sa décision, qu’il s’agit d’un « manquement dans l’AR ».

Les travaux parlementaires (Ch., 4e sess. – 54e législature, Doc. 54.2378/006) indiquent cependant que la question se posait déjà à l’époque. La logique de l’équivalence des diplômes emporte adaptation de la norme en matière de régularisation au niveau de la pension, à la condition posée (à l’époque), étant que les années d’études de l’enseignement supérieur de promotion sociale débouchent sur un titre accordé au terme d’études de plein exercice.

Signalons qu’en l’espèce, il s’agit d’une formation suivie au sein de l’EPHEC (Ecole Pratique des Hautes Etudes Commerciales).


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