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Revenu d’intégration sociale : une indemnisation provisionnelle perçue suite à un accident de la circulation doit-elle être prise en compte dans le calcul des ressources ?

Commentaire de C. trav. Liège, 7 septembre 2011, R.G. 2010/AL/727

Mis en ligne le vendredi 21 octobre 2011


Cour du travail de Liège, 7 septembre 2011, R.G. n° 2010/AL/727

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 septembre 2011, la Cour du travail de Liège rappelle les conditions dans lesquelles des fonds perçus à la suite d’un accident de la circulation peuvent constituer un capital, dont ne doit être prise en compte qu’une rente fictive.

Les faits

Monsieur P. est victime, à l’âge de 18 ans, d’un accident de roulage entrainant des lésions corporelles. Il a suivi l’enseignement secondaire spécialisé et une formation au CEFA.

Il demande le bénéficie d’intégration sociale au taux cohabitant. Le CPAS l’invite alors à s’inscrire à l’AWIPH.
Dans le cadre de l’indemnisation de l’accident, il reçoit une provision de 5.000€ en septembre 2009.

Le revenu d’intégration est suspendu à partir du 1er décembre.

La notification de la décision précise, par ailleurs, qu’il n’a pas fourni de preuve de son inscription à l’AWIPH, qui lui aurait permis de travailler en atelier protégé. Le CPAS conclut à l’absence de disposition au travail.

Décision du tribunal du travail

Le Tribunal du travail de Liège décide, par jugement du 8 décembre 2010, de confirmer la décision de suppression du revenu d’intégration. Il ordonne cependant la réouverture des débats afin de permettre à l’intéressé d’établir le caractère extrapatrimonial des indemnités auxquelles il peut prétendre suite à l’accident.

Sur la disposition au travail, le tribunal considère ne pas avoir d’explications suffisantes de la part de l’intéressé.

Position des parties en appel

Le demandeur originaire fait essentiellement valoir que, suite à l’accident de roulage, il est incapable d’exercer une activité professionnelle quelconque, et ce même en atelier protégé. Sur la question de l’indemnité provisionnelle perçue, il considère qu’elle répare un préjudice physico-moral et ne constitue pas des ressources au sens de l’article 16 de la loi du 26 mai 2002. Dans la mesure où il était toujours scolarisé au moment de l’accident, l’indemnité ne peut par ailleurs couvrir une perte de revenu et vise de droits extrapatrimoniaux. En conséquence, il déclare ne pouvoir être privé du revenu d’intégration sociale au motif de la perception de cette indemnité.

Quant au CPAS, il maintient que l’intéressé n’apporte pas la preuve de sa disposition au travail dès lors qu’il ne prouve pas s’être inscrit a l’AWIPH en temps utile. Le CPAS constate par ailleurs qu’il n’y a jamais eu de document justifiant une incapacité de travail. Sur l’allocation provisionnelle perçue, il considère qu’il s’agit de ressources devant être prises en compte pour déterminer le droit au revenu d’intégration sociale.

Décision de la cour du travail

Réexaminant la situation du demandeur, la cour constate qu’il n’a jamais travaillé et ne peut bénéficier d’allocations de chômage vu l’arrêt des études. Il n’est d’ailleurs pas prouvé qu’il pourrait bénéficier d’indemnités de l’assurance maladie invalidité et, enfin, il ne pourrait bénéficier d’allocations au profit des handicapés que pour le futur.

En ce qui concerne les ressources et la question des 5.000€ perçus, la cour précise que, en vertu de l’article 16, toutes les ressources dont dispose le demandeur doivent être prises en compte, et ce quelles qu’en soient la nature ou l’origine. Les ressources exonérées sont énumérées limitativement et les indemnités perçues en réparation du dommage causé par un accident ne figurent pas dans cette énumération, de telle sorte qu’en principe il y a lieu de les prendre en compte pour apprécier le droit d’un assuré social au revenu d’intégration.

Vu l’absence de définition de la notion de « ressources » dans la loi et dans l’arrêté royal, la cour retient que la notion est plus étendue que celle de « revenu ». Elle renvoie au langage courant, selon lequel il s’agit des moyens d’existence d’une personne que de manière générale l’on vise par là toute somme d’argent. La cour relève cependant que n’existe aucun élément, lui soumis, permettant d’identifier tout par partie de l’indemnité provisionnelle comme constituant un revenu de remplacement.

Elle précise ensuite que l’arrêté royal du 11 juillet 2002 prévoit en son article 27 le sort des capitaux placés et leur prise en compte dans le calcul du revenu d’intégration. Il n’est dès lors pas nécessaire, pour la cour, d’effectuer de distinction quant à l’origine des ressources, c’est-à-dire de déterminer le type de dommage qu’elles réparent, qu’il s’agisse d’un dommage moral ou d’un dommage matériel. En déterminant la manière dont ce capital doit être pris en compte, le Roi a fait un choix, permettant au détenteur d’un capital de le conserver et de ne retenir comme ressources que les revenus de celui-ci, déterminés sur la base d’une rente fictive. Il s’agit, dans cet article 27 de l’arrêté royal, d’une exception à la disposition générale de l’article 16 de la loi du 26 mai 2002, qui impose de prendre en compte toutes les ressources quelles qu’en soient la nature ou l’origine. La cour précise à cet égard que le capital à prendre en considération en fonction de la rente fictive qu’il est supposé produire ne doit être retenu que s’il atteint 6.200€, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dès lors, la provision perçue étant inférieure au montant pouvant être pris en compte comme capital, elle doit bien être admise comme étant des ressources et intervenir dans la prise en compte du droit au revenu d’intégration.

Enfin, en ce qui concerne la disposition au travail, la cour retient que l’intéressé n’apporte aucun élément qui permettrait de le dispenser de cette condition d’octroi au motif de raison de santé.

Elle rappelle l’objectif de l’intégration sociale par l’emploi, qui peut se réaliser notamment par la conclusion d’un projet individualisé d’intégration sociale et que, s’agissant d’un jeune de moins de 25 ans, il doit se trouver dans une des trois hypothèses suivantes : (i) être dans l’attente d’un emploi lié à un contrat de travail, (ii) avoir déterminé un projet individualisé d’intégration sociale, ou (iii) ne pouvoir travailler pour des raisons de santé ou d’équité. Aucune de ces trois situations n’est rencontrée en l’espèce.

En conséquence, la cour confirme le bien-fondé de la position du CPAS.

Intérêt de la décision

Outre qu’il rappelle les mesures particulières imposées par la loi du 26 mai 2002 aux jeunes de moins de 25 ans, cet arrêt statue, de manière très motivée, sur la question de la prise en compte d’indemnités provisionnelles perçues par un demandeur de revenu d’intégration sociale, en l’occurrence une provision sur indemnisation plus globale dans le cadre d’un accident de roulage. N’atteignant pas le montant visé par l’arrêté royal, la provision devient une ressource, à prendre en compte en totalité dans les conditions d’octroi.


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