Mis en ligne le vendredi 1er mars 2024
C. trav. Liège (div. Liège), 9 novembre 2023, R.G. 2022/AL/338 et 2022/Al/342
Faits de la cause
Par une décision du 23.2.2021, l’ONEm a exclu M. P. du droit aux allocations comme travailleur ayant charge de famille à partir du 01.04.2017 et lui a octroyé le taux isolé, a décidé de récupérer les allocations indûment perçues à partir du 01.01.2018 et lui a infligé une sanction administrative de 13 semaines à partir du 01.03.2021.
Le Tribunal du travail de Liège (division Verviers) a, par jugement du 16.5.2022, confirmé la décision dans son principe d’exclusion et de récupération, limitant toutefois la période d’exclusion et de récupération à la seule période du 01.06.2018 au 31.08.2020 et réduit la sanction administrative à 8 semaines. La demande reconventionnelle de l’ONEm tendant à la condamnation du chômeur au remboursement de l’indu est accueillie dans les limites de cette seule période.
La notification de cette décision a été faite par pli judiciaire du 20.05.2022. Le délai d’appel expirait donc le 20.6.2022.
Le 20 juin 2022, M. P. a essayé d’envoyer un acte d’appel par dpa deposit au greffe de la Cour du travail de Liège (division Liège), en indiquant une référence correspondant à la Cour du travail de Mons. La capture d’écran qu’il produit indique : « envoyé (confirmation en attente) » . Aucune confirmation ne sera reçue par M. P., qui n’introduira une nouvelle requête par deposit que le lendemain, donc hors délai.
La décision commentée
Pour justifier de la recevabilité de son appel, M. P. invoque un dysfonctionnement du système informatique de la justice et un cas de force majeure, le système informatique ne donnant pas d’information sur la référence à indiquer.
L’arrêt analysé décide que le dysfonctionnement n’est pas prouvé avec certitude, d’autant moins que l’envoi a eu lieu le lendemain sans problème.
Quant à la force majeure, l’indication d’une mauvaise référence n’empêche pas l’envoi : si la Cour du travail de Mons l’avait reçu, elle l’aurait envoyé à Liège, ce qui n’aurait pas impacté la recevabilité de l’appel. En outre, la force majeure est un événement indépendant de la volonté humaine, que cette volonté n’a pu ni prévoir ni conjurer. L’arrêt cite plusieurs arrêts de la Cour de cassation, dont Cass., 30 avril 2002, (P.00.1617.N). A titre d’exemple, l’arrêt cite de la jurisprudence ayant refusé de reconnaitre comme force majeure la grève ou l’erreur des services postaux lorsque le justiciable avait la possibilité de déposer physiquement l’acte auprès de la juridiction ou de l’autorité compétente.
M. P. ne s’est pas préoccupé de ce que l’envoi était en attente de confirmation et n’a pas tenté d’envoyer sa requête une deuxième fois alors qu’il avait encore 2 heures pour le faire. La force majeure ne peut donc être retenue. En conséquence, l’appel est tardif et, partant, irrecevable.
Intérêt de la décision
Cet arrêt permet d’attirer l’attention sur ce que la jurisprudence est très stricte lorsqu’une partie entend justifier le non-respect d’un délai prescrit à peine de nullité par la force majeure et contient en notes de bas de page de nombreuses références à la jurisprudence de la Cour de cassation et des juges du fond. On peut également se référer à l’arrêt de la Cour du travail de Liège (division Liège) du 26 avril 2021 (R.G. 2020/AL/288) publié sur www.terralaboris.be, qui décide que : « Ne constitue pas un cas de force majeure justifiant le dépôt d’une requête d’appel hors délai la circonstance que, lors du début de la crise sanitaire liée au COVID-19, le Bureau d’Aide Juridique ait été fermé avant l’expiration du délai d’appel. A supposer – quod non – qu’une nouvelle désignation ait été nécessaire, il est tout à fait probable que celle-ci aurait pu être faite via les permanences téléphoniques organisées en remplacement des permanences physiques, ou encore par courrier électronique. Par ailleurs, le Compendium de l’aide juridique dispose que la désignation vaut pour toute la procédure, en ce compris les voies de recours ordinaires. En tout état de cause, l’intéressée aurait pu charger son conseil d’interjeter appel à titre conservatoire. »