Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 21 septembre 2021, R.G. 2020/AN/131
Mis en ligne le mardi 29 mars 2022
Cour du travail de Liège (division Namur), 21 septembre 2021, R.G. 2020/AN/131
Terra Laboris
Dans un arrêt du 21 septembre 2021, la Cour du travail de Liège (division Namur) reprend les conditions mises à l’octroi de l’avantage « Tremplin-indépendants », qui permet de maintenir le bénéfice des allocations de chômage pendant une période de douze mois, dans le cadre d’une activité accessoire exercée en qualité de travailleur indépendant.
Les faits
Un bénéficiaire d’allocations de chômage sollicite en octobre 2017 le bénéfice de la mesure « Tremplin-indépendants ». Il s’agit d’une activité de coach sportif à domicile, l’intéressé ayant précédemment été gérant d’une salle de sport pour la partie administrative et comptable (en qualité d’indépendant). Il s’est vu accorder le bénéfice de la mesure.
Après un contrôle de cette salle de sport (gérée par sa compagne), il est interrogé quant à son activité, qu’il présente comme exceptionnelle, précisant ne pas avoir donné de cours le jour du contrôle mais être venu aux fins d’assurer la sécurité de sa compagne et de filmer le cours à des fins publicitaires.
Il est exclu des allocations pour tout le mois, en raison du travail constaté. Il reçoit également un avertissement.
Un procès-verbal est dressé ultérieurement, en raison de déclarations sciemment inexactes ou incomplètes faites en vue de bénéficier d’un avantage social indu. Entendu, il expose avoir menti lors de son audition précédente, et ce afin de ne pas perdre son avantage « tremplin ».
L’ONEm prend alors une nouvelle décision, l’excluant depuis le début de la période « tremplin » au motif de l’exercice d’une activité incompatible avec l’octroi des allocations et de l’absence de mention de ce travail sur sa carte de contrôle. Est également prise une décision de récupération et le dossier est transmis à l’auditorat.
La décision est contestée devant le Tribunal du travail de Liège (division Namur).
L’intéressé ayant été débouté de son recours, il a interjeté appel.
Position des parties devant la cour
L’appelant fait valoir qu’il n’exerce pas la même activité dans le cadre de l’avantage « Tremplin-indépendants » que précédemment, l’activité actuelle n’étant pas limitée à des cours mais comportant un encadrement individuel bien plus poussé. Il relativise également les constats faits lors du contrôle et conteste notamment le fait d’avoir donné un cours de zumba.
Quant à l’ONEm, il estime qu’il y a en l’espèce de fausses déclarations faites sciemment en vue d’obtenir et ensuite de maintenir l’avantage « Tremplin-indépendants », alors que l’intéressé poursuivait une activité similaire à celle exercée précédemment.
La décision de la cour
La cour reprend les articles 44 et 45 de l’arrêté royal organique, rappelant les conditions requises pour qu’une activité soit considérée comme limitée à la gestion normale des biens propres.
Dans un arrêt du 15 mai 2018 (Cass., 15 mai 2018, n° P.18.0238.N), la Cour de cassation a retenu que, dès lors que l’activité permet d’accroître plus que modérément la valeur des biens propres, elle ne peut être considérée comme limitée à la gestion normale de ceux-ci et que l’exercice dans un but lucratif ne nécessite pas qu’il y ait des revenus effectivement perçus.
Vient ensuite le rappel des conditions posées par l’article 48, qui permet le cumul avec les allocations de chômage d’une activité accessoire non artistique ayant le caractère d’un travail. La cour rappelle ici que, si les conditions fixées sont remplies, le cumul et autorisé, sous réserve cependant de la réduction des allocations en application de l’article 130.
La logique de l’autorisation du cumul est que, dans la mesure où le chômeur exerçait une activité accessoire préalablement à sa mise au chômage, cette activité n’empêchait pas l’exercice d’une activité principale. Elle ne doit dès lors pas être un frein à la recherche d’un nouvel emploi.
La cour examine ensuite les points de la réglementation relatifs au régime « Tremplin-indépendants ». Les conditions mises au bénéfice de celui-ci sont également reprises, étant que (i), pour le chômeur complet, le chômage ne doit pas trouver son origine dans l’arrêt ou la réduction du travail comme salarié dans le but d’obtenir cet avantage, (ii) celui-ci ne doit pas être demandé pour une activité indépendante qui a déjà été exercée dans les six années écoulées comme profession principale, (iii) le chômeur ne recourt pas à des tiers pour cette activité accessoire et (iv) il doit déclarer l’exercice de celle-ci, cette déclaration devant parvenir au bureau de chômage dans un délai fixé (article 138, alinéa 1er, 4°) si la demande est introduite lors d’une demande d’allocations.
Des dispositions spécifiques concernent également cette situation pour ce qui est de la carte de contrôle et de l’autorisation d’exercice.
Dans ce cadre, il faut vérifier, pour la cour, si une des conditions ci-dessus est remplie, étant qu’il ne s’agit pas de l’activité indépendante qui avait été exercée précédemment en tant qu’activité principale dans les six années précédentes.
Elle précise que, dans ses déclarations, l’intéressé a fait état d’une activité de professeur-coach sportif, exercée à son domicile et de manière individuelle, ainsi qu’en salle et de manière collective.
Pour la cour, une telle activité de professeur de sport (gymnastique ou fitness), dans des cours collectifs, avait été exercée précédemment. Elle reprend les déclarations de l’intéressé lorsqu’il a été auditionné, ainsi que les constatations faites lors du contrôle sur place. Il a en effet été constaté qu’il donnait un cours de zumba et les explications données quant au caractère exceptionnel de sa présence ne sont pas jugées pertinentes.
Des attestations étant par ailleurs déposées quant à la nature de ses activités pendant les années précédentes, la cour retient que, si l’intéressé s’est ouvert à de nouvelles disciplines ou spécialités ultérieurement, pour lesquelles il s’est formé, ce point est indifférent, puisqu’il s’agit de toute évidence de cours de sport ou de gymnastique. C’est la nature de l’activité, étant professeur de fitness, qu’il faut prendre en compte.
La condition n’est dès lors pas remplie et la cour suit la position de l’ONEm, qui a retenu que l’intéressé n’était pas privé de travail au sens des articles 44 et 45 de l’arrêté royal organique.
Le jugement est dès lors confirmé.
Intérêt de la décision
L’avantage « Tremplin-indépendants » permet de conserver le droit aux allocations de chômage pendant douze mois avec l’exercice d’une activité accessoire en qualité d’indépendant. Les conditions pour bénéficier de cet avantage ont été rappelées par la cour.
Soulignons également que certaines activités ne sont pas autorisées, étant d’une part celle qui avait été exercée en tant que salarié et d’autre part l’activité artistique.
Parmi les conditions générales, figure celle de ne pas avoir exercé l’activité accessoire en tant qu’indépendant durant les six années avant la demande, période calculée de date à date.
En l’occurrence, c’est cette condition qui fait défaut, puisque la nature de l’activité est restée la même, s’agissant, selon la qualification donnée par la cour à celle-ci, d’une activité de professeur de gymnastique-fitness, l’évolution des techniques ou des spécialités étant indifférente pour l’examen de cette condition.