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Réorganisation judiciaire et possibilité d’action de l’O.N.S.S.

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 décembre 2016, R.G. 2015/AB/224

Mis en ligne le mardi 30 mai 2017


Cour du travail de Bruxelles, 14 décembre 2016, R.G. 2015/AB/224

Terra Laboris

Par arrêt rendu le 14 décembre 2016, la Cour du travail de Bruxelles apporte une réponse nuancée à la question de l’intérêt de l’O.N.S.S. à demander un titre, dans le cadre d’une procédure en réorganisation judiciaire : dans la mesure où il n’existe plus de risque suffisamment concret de non-exécution du plan, l’action de l’Office doit être considérée comme étant sans objet.

Les faits

Une société exploitant une imprimerie introduit une procédure en réorganisation judiciaire. Celle-ci est déclarée recevable. Le plan de réorganisation doit être déposé pour une date fixée par le tribunal de commerce en novembre 2013. Au mois de juin, l’O.N.S.S. fait signifier une contrainte avec commandement de payer la somme d’environ 620.000 euros. Il s’agit de cotisations sociales et accessoires pour trois trimestres.

Dans le cadre de la procédure de réorganisation judiciaire, la société accepte la créance de l’O.N.S.S., qui, ensuite, dépose une déclaration de créance complémentaire.

Le sursis étant prolongé, la créance de l’O.N.S.S. est admise en totalité et le plan est en fin de compte homologué en février 2014. Pour les créances sursitaires ordinaires (dont celles de l’O.N.S.S.), un abattement de 60% du principal est prévu à travers des mensualités adaptées sur une période de cinq ans, ainsi qu’un abattement total des intérêts et majorations.

L’O.N.S.S. poursuit la procédure en recouvrement de sa créance pour le deuxième trimestre 2013.

Le tribunal statue par jugement du 19 novembre 2014, considérant que la procédure initiée par l’O.N.S.S. repose sur le présupposé que rien ne garantit l’exécution du plan homologué. Pour le tribunal, ces craintes ne sont pas motivées concrètement mais invoquées de manière générale. Le tribunal ordonne par ailleurs une réouverture des débats aux fins de vérifier les conditions d’exécution du plan de réorganisation judiciaire vis-à-vis de l’Office.

L’O.N.S.S. interjette appel.

L’arrêt de la cour

La cour relève que la créance de l’O.N.S.S. est à l’abri de tout risque de prescription et que ce qu’il sollicite, sur le plan de l’intérêt à agir, est que l’on retienne qu’il veut disposer sans délai d’un titre exécutoire en cas de défaillance du plan. Pour la cour, au moment du dépôt de la requête en réorganisation judiciaire, l’Office avait un intérêt légitime et concret, personnel et direct, à se prémunir contre un échec éventuel de la procédure, vu qu’il était dans l’ignorance de la consistance du passif et des possibilités de la société. Les dispositions nécessaires devaient dès lors être prises tant que l’avenir était incertain.

Cependant, se pose actuellement la question de savoir si son droit est toujours gravement menacé. La société fait valoir qu’elle est revenue à meilleure fortune et n’enregistre plus de retard en ce qui concerne le paiement de ses charges, le plan de réorganisation étant par ailleurs correctement respecté. Elle conclut que, dans la mesure où il n’existe plus de risque suffisamment concret de non-exécution du plan, l’action de l’Office doit être considérée comme étant sans objet.

La société fait, de son côté, une demande de dommages et intérêts pour abus de droit. Elle est déboutée de ce chef de demande, l’O.N.S.S. ayant exercé ses droits d’une manière normale et aucun abus n’étant constaté.

Intérêt de la décision

La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises interdit toutes les voies d’exécution forcée des créances visées au plan d’apurement, mais n’interdit pas au créancier de faire constater sa créance dans un titre exécutoire, même si celui-ci ne peut être exécuté, mais pourrait l’être un jour.

Diverses décisions ont été rendues, admettant que le créancier pouvait demander le titre exécutoire en justice, l’exécution ne pouvant être postulée immédiatement cependant. L’on peut à cet égard renvoyer à trois arrêts (C. trav. Mons, 5 novembre 2014, R.G. 2013/AM/407 ; C. trav. Liège, 21 mai 2012, R.G. 2011/AL/502 ; C. trav. Bruxelles, 26 mars 2015, R.G. 2013/AB/564), décisions qui avaient admis la possibilité de faire constater la créance dans un jugement exécutoire.

En l’espèce, dans laquelle la cour relève qu’il semble qu’elle corresponde « à l’exemple parfait » de ce que peut être une procédure réussie, il a été constaté que la situation revenait à la normale et que l’O.N.S.S. – qui avait pu être, en début de procédure, dans l’incertitude quant aux possibilités de recouvrer sa créance – n’était plus dans cette situation.

La cour a donc déclaré sa demande sans objet.


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