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Aide de tiers en accidents du travail et octroi du forfait légal pour soins en centre de soins de jour : une précision de la Cour de cassation

Commentaire de Cass., 5 octobre 2020, n° S.19.0073.N

Mis en ligne le vendredi 26 février 2021


Cour de cassation, 5 octobre 2020, n° S.19.0073.N

Terra Laboris

Par arrêt du 5 octobre 2020, la Cour de cassation rejette le pourvoi d’un assureur-loi, qui contestait l’action subrogatoire d’un organisme assureur AMI en remboursement de prestations octroyées pour soins en centre de soins de jour (article 147, § 3, de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 exécutant la loi coordonnée le 14 juillet 1994).

La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi introduit par un assureur-loi (accidents du travail) contre un arrêt (inédit) de la Cour du travail d’Anvers (division Hasselt) du 7 août 2019. La partie défenderesse est un organisme assureur AMI.

L’arrêt de la cour du travail

La cour du travail a accueilli l’action subrogatoire de l’organisme assureur AMI en vue d’obtenir la prise en charge par l’assureur-loi de ses interventions au profit d’une victime d’un accident du travail, dans le cadre de séjour en centre de jour. L’assureur-loi conteste devoir intervenir, la victime bénéficiant d’une aide de tiers. Pour l’assureur, il ne peut y avoir cumul.

La décision de la Cour

La Cour reprend les législations applicables, étant d’une part la loi du 10 avril 1971 sur les accident du travail et, de l’autre, la loi coordonnée le 14 juillet 1994 (loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités).

La loi du 10 avril 1971 est rappelée en ses articles 24, 4e alinéa, et 28. L’article 24 contient le dispositif relatif à l’indemnisation de l’incapacité permanente. Il prévoit en son alinéa 4 que, si son état exige absolument l’assistance régulière d’une autre personne, la victime peut prétendre à une allocation annuelle complémentaire, fixée en fonction du degré de nécessité de cette assistance sur la base du revenu minimum mensuel moyen garanti, tel que déterminé, au moment où l’incapacité présente le caractère de permanence, par CCT conclue au sein du Conseil National du Travail pour un travailleur occupé à temps plein, âgé d’au moins dix-neuf ans et ayant au moins six mois d’ancienneté dans l’entreprise qui l’occupe. Par ailleurs, en vertu de l’article 28, la victime a droit aux soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers et, dans les conditions fixées par le Roi, aux appareils de prothèse et d’orthopédie nécessités par l’accident. Ces soins sont distincts de l’aide de tiers dont question à l’article 24, 4e alinéa de la loi.

Vient ensuite le rappel de l’article 34, 1er alinéa, 1re et 2e phrases, 11°, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994. Cette disposition prévoit que les prestations de santé portent tant sur les soins préventifs que sur les soins curatifs et qu’elles comprennent notamment les prestations fournies par des maisons de repos et de soins, des maisons de soins psychiatriques et des centres de soins de jour, agréés par l’autorité compétente. Son article 37, § 12, 1er alinéa, donne compétence au ministre pour fixer, sur proposition du Comité de l’assurance, l’intervention pour les prestations visées à l’article 34, 11°, de la loi, ainsi que ses conditions.

Son arrêté royal d’exécution du 3 juillet 1996, reprend en son article 147, § 3, les conditions de l’intervention pour ces prestations. Il s’agit d’une allocation journalière appelée « allocation pour soins et assistance dans les actes de la vie journalière ». En ce qui concerne les centres de soins de jour, l’allocation ci-dessus est accordée à l’institution pour le bénéficiaire qui remplit les conditions reprises à l’article 148bis, 1er alinéa, de l’arrêté royal (s’agissant de centres de jour pour personnes âgées dépendantes). Le forfait est fixé à l’arrêté ministériel du 22 juin 2000 (arrêté ministériel fixant l’intervention visée à l’article 37, § 12, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins et de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, dans les centres de soins de jour).

Pour la Cour, le patient remplit les conditions de l’article 148bis, 1er alinéa, lorsque, pour certaines tâches de la vie quotidienne, il est dépendant au niveau des soins et de l’assistance par des tiers, étant pris en charge au moins six heures par jour dans un centre en exécution d’une convention, la dépendance physique visant, selon l’article 148bis, qu’il est dépendant pour se laver et s’habiller et pour se déplacer et/ou pour aller à la toilette.

Par ailleurs, l’arrêté royal prévoit en son article 147, § 1er, 1°, 2°, 4° et 5°, les prestations visées à l’article 34, 11°, (ci-dessus) de la loi coordonnée. Il s’agit (1°) de soins dispensés par les praticiens de l’art infirmier, (2°) de prestations de kinésithérapie et de logopédie effectuées par les dispensateurs de soins qualifiés, en maisons de repos et de soins et dans les centres de soins de jour, (4°) de l’assistance dans les actes de la vie journalière et tout acte de réactivation et d’intégration sociale, y compris l’ergothérapie, et (5°) les produits et matériel destinés à prévenir les maladies nosocomiales ainsi que certains produits (dont une liste détaillée figure à la disposition).

Pour la Cour de cassation, il résulte de cette disposition que les prestations fournies dans un centre de soins de jour (et qui donnent lieu au forfait fixé à l’arrêté ministériel) sont plus larges que l’aide de tiers au sens des articles 24, 4e alinéa, et 28 de la loi du 10 avril 1971.

Elle poursuit qu’aucune disposition légale n’interdit le cumul de l’indemnité pour l’aide de tiers visée à l’article 24, alinéa 4, et l’octroi du forfait litigieux.

Elle rejette le pourvoi, considérant que l’arrêt de fond, qui a accueilli l’action subrogatoire de l’organisme assureur, n’a violé aucune des dispositions ci-dessus.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation examine trois dispositions spécifiques, relatives aux soins nécessités par un accident du travail.

La première est l’article 24, 4e alinéa LAT, qui est relatif à l’aide de tiers. Ce point de la réparation de l’accident du travail a suscité de nombreuses discussions, essentiellement quant à son évaluation. Ces questions sont actuellement réglées, la Cour de cassation ayant dans un arrêt du 23 novembre 2015 (Cass., 23 novembre 2015, n° S.13.0016.N) considéré que si l’indemnité varie en fonction du R.M.M.M.G. à la date de la consolidation, la loi ne fixe cependant aucun critère en ce qui concerne le calcul de cette indemnité complémentaire, laissant au juge le soin d’en fixer le montant à l’intérieur de limites déterminées.
La deuxième est l’article 28 LAT, dont la Cour rappelle dans cet arrêt qu’ils ne se confondent pas avec le bénéfice de l’aide de tiers visée à l’article 24. Il porte sur l’ensemble des soins nécessités par l’accident, c’est-à-dire les soins ayant pu présenter une utilité même si tel n’a pas été le cas (voir à cet égard C. trav. Bruxelles, 31 juillet 2014, R.G. 2012/AB/744) et peuvent exister après la consolidation (voir sur ce point C. trav. Bruxelles, 27 mai 2013, R.G. 2011/AB/795).
Ce dispositif est examiné au regard de la législation AMI, qui prévoit pour les séjours en centre de soins de jour une indemnité spécifique, identifiée dans l’arrêt. Pour la Cour suprême, celle-ci est plus large et ne peut se confondre avec l’article 24, les soins visés dans cette législation étant ceux à caractère préventif et curatif. En conséquence, aucune disposition n’en interdit le cumul. L’action subrogatoire de l’organisme assureur AMI est dès lors autorisée.


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