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Activité bénévole dans une ASBL incompatible avec le bénéfice des allocations de chômage et absence de récupération des allocations sur la base de l’article 169, al. 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991

Commentaire de C. trav. Bruxelles (8e chbre), 20 décembre 2023, R.G. 2022/AB/144

Mis en ligne le jeudi 30 mai 2024


C. trav. Bruxelles (8e chbre), 20 décembre 2023, R.G. 2022/AB/144

Par arrêt du 20 décembre 2023, la Cour du travail de Bruxelles a jugé que, en cas d’activité accessoire incompatible avec les allocations de chômage (activité exercée pour une asbl en l’espèce), le chômeur de bonne foi qui établit l’absence de revenu ou avantage quelconque procurés par cette activité, ne doit pas, en vertu de l’article 159, al. 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, rembourser les allocations perçues,

Faits de la cause

M. M., qui bénéficiait d’allocations de chômage au taux réservé aux travailleurs ayant charge de famille depuis le 1er mars 2016, a introduit à son organisme de paiement, la FGTB, une déclaration d’activité bénévole pour l’ASBL Wallonia Walhain CG pour la période du 01.09.2018 au 30.04.2019, activité consistant à recruter et former les jeunes joueurs de football du R.W. Walhain. Ce formulaire ne sera jamais envoyé à l’ONEm.

Le 12 août 2020, l’auditorat du travail du Brabant Wallon transmet à l’ONEm un rapport d’enquête du contrôle des lois sociales sur cette ASBL, dont il ressort que M. M. en est administrateur, exerce les fonctions de vice-président, secrétaire et directeur sportif et dispose de la gestion journalière et des comptes bancaires.

Le 18 septembre 2020, l’ONEm invite le chômeur à s’expliquer sur l’absence de déclaration de ses activités au moyen du formulaire C45B et sur le fait qu’il n’a pas noirci ses cartes de contrôle pour les jours d’activité.

M. M. répond par courrier du 1er octobre 2020 qu’il n’a aucun rôle actif dans l’ASBL et est de bonne foi.

Par une décision du 22 octobre 2020, l’ONEm :

  • l’exclut du bénéfice des allocations du 5 avril 2018 au 29 février 2020 sur la base des articles 44, 45 et 71 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 pour n’avoir pas déclaré cette activité et à défaut d’établir que celle-ci ne lui a pas procuré de rémunération ou d’avantage matériel,
  • l’exclut du bénéfice des allocations à partir du 1er mars 2020 sur la base des articles 44, 45 et 71ter de cet arrêté royal,
  • prononce une sanction administrative de 4 semaines (article 153 de cet arrêté royal).

Le montant de la récupération est fixé par le document C32 du même jour à 37.894,75€.

Rétroactes de la procédure

M. M. a introduit un recours recevable contre cette décision, visant à titre principal à son annulation et demandant subsidiairement la condamnation de la FGTB au montant de l’indu.

L’ONEm a reconventionnellement demandé la condamnation du chômeur au remboursement du montant de l’indu.

Par jugement du 12 janvier 2022, la 17e chambre du Tribunal du travail francophone de Bruxelles a réformé partiellement la décision de l’ONEm en limitant la récupération aux périodes du 5 avril 2018 au 15 mars 2020 et du 8 juin 2020 au 25 octobre 2020, compte tenu de ce que toutes les activités sportives étaient interdites entre le 16 mars 2020 et le 8 juin 2020, ce qui rend vraisemblable l’absence de rémunération de M. M. pour ladite période.

Le tribunal dit que la FGTB a commis une faute au regard de l’article 24 de l’arrêté royal, qui engage sa responsabilité au sens de l’article 1382 du Code civil et la condamne à verser à M. M. des dommages et intérêts fixés à la somme correspondant aux allocations indûment perçues du 1er septembre 2018 au 30 avril 2019.

La demande reconventionnelle et déclarée recevable, le tribunal invitant l’ONEm à établir un nouveau calcul de l’indu.

M. M. a interjeté appel de ce jugement, la FGTB formant appel incident.

L’arrêt commenté

La cour du travail retient que le chômeur a bien respecté son obligation de déclaration préalable de l’activité bénévole le 9 août 2018, comme le prouve le cachet dateur apposé par la FGTB, ce que celle-ci ne conteste pas.

La déclaration est tardive, ce qui en l’espèce n’a pas d’incidence, l’arrêt renvoyant à la suite de son raisonnement.

La cour examine ensuite si l’activité était, de par son ampleur, compatible avec les allocations de chômage. Elle écarte les éléments invoqués par le chômeur en se fondant sur l’enquête des lois sociales, qui révèle que M. M. n’a pas, dans sa déclaration préalable, indiqué tous les éléments de son activité et que ses fonctions dépassaient largement l’activité sporadique décrite. Ses activités réelles réduisaient significativement sa disponibilité sur le marché de l’emploi et étaient donc incompatibles avec le bénéfice des allocations.

Concernant la récupération des allocations, la cour examine le soutènement de M. M. que, l’activité ne lui ayant apporté aucune rémunération ni avantage matériel, il y a lieu d’appliquer l’article 169, al. 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, ce qui aboutit à une absence de récupération.

La cour du travail décide que la bonne foi du chômeur est établie, dès lors qu’il a déclaré l’activité. Il ne pouvait raisonnablement prévoir que sa déclaration ne serait pas transmise à l’ONEm. Elle précise que « compte tenu de la complexité de la réglementation et du fait que sa déclaration n’avait suscité aucune réaction négative ni de la FGTB ni de l’ONEm, il pouvait raisonnablement croire que les allocations qu’il percevait lui étaient bien dues. »
M. M. produit une attestation de revenus (non datée) émanant d’un bureau d’expert-comptable et certifiant qu’il n’a bénéficié d’aucun revenu professionnel ou avantage quelconque de l’association Royal Wallonie Walhain Chaumont Gistoux.

En l’absence de toute critique étayée et argumentée de cette pièce, la cour estime que l’absence de revenus est établie en sorte que M. M. ne doit rien rembourser à l’ONEm et qu’il n’y a pas lieu de condamner l’organisme de paiement à des dommages et intérêts.

Quant à la sanction administrative, l’omission de déclaration n’étant pas établie, elle est annulée.

L’ONEm et la FGTB sont condamnés, chacun pour moitié, aux dépens.

Intérêt de la décision commentée

Le cas de figure d’une récupération réduite à néant par application de l’article 169, al.5 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 se présente rarement.

Les commentaires de l’ONEm sur le site www.onemtech.be soutiennent que cette possibilité procède d’une appréciation discrétionnaire du bureau de chômage.

L’arrêt commenté confirme que cette pétition de principe est dépourvue de justification (voir en ce sens H. MORMONT, « La révision des décisions administratives et la récupération des allocations de chômage payées indûment » in La réglementation du chômage : vingt ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, Kluwer, Etudes pratiques de droit social, 2011/5, p. 690).


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