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Perception d’indemnités AMI et reprise non déclarée d’une activité : conséquences

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 septembre 2013, R.G. 2012/AB/396

Mis en ligne le lundi 23 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 5 septembre 2013, R.G. n° 2012/AB/396

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 5 septembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’articulation entre les articles 100 et 101 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, dans l’hypothèse d’une reprise du travail non déclarée.

Les faits

Après avoir été en incapacité de travail de 1993 à septembre 2001, un assuré social reprend le travail mais a une rechute quelques jours plus tard. Il retombe dès lors en incapacité et signe un document selon lequel il s’engage à signaler toute modification qui interviendrait dans sa situation, sur le plan de l’exercice d’un emploi.

Il reprend de août 2005 à juillet 2006 une activité professionnelle et omet d’en informer son organisme assureur, de même qu’il n’a pas sollicité l’autorisation préalable du médecin-conseil.

Un rapport est dès lors rédigé par l’INAMI en octobre 2008, constatant la chose et retenant l’intention frauduleuse. L’indu notifié pour la période de la reprise (1er août 2005) à la date de notification du rapport de l’INAMI (fin du mois d’octobre 2008) est de l’ordre de 42.500€.

Une procédure est introduite et se pose, dans le cadre de celle-ci, essentiellement la question de la prescription.

Le tribunal du travail décide, par jugement du 23 mars 2012, d’appliquer à la cause le délai de prescription de deux ans à compter de la fin du mois au cours duquel le paiement des prestations litigieuses a été effectué.

L’organisme assureur interjette appel, considérant qu’il y a intention frauduleuse et dès lors application de la prescription quinquennale.

Décision de la cour

La cour reprend les principes, étant l’article 174, alinéa 4, 5° et alinéa 3 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, fixant la prescription à une durée de deux ans sauf manœuvres frauduleuses dont est responsable celui qui en a profité et autorisant la récupération dans un délai de cinq ans.

La cour constate que, pour le premier juge l’intention frauduleuse n’était pas établie.

L’intéressé faisant défaut tant en première instance qu’en appel, la cour se penche, dès lors, uniquement les éléments du dossier.

Elle rappelle à cet égard les principes habituels, étant que la simple omission d’une information ne suffit pas pour établir l’intention frauduleuse. Elle renvoie à deux arrêts de la Cour de cassation, dont celui du 4 décembre 2006 (Cass., 4 déc. 2006, S.05.0071.F) rendu en matière d’incapacité de travail et un arrêt plus ancien du 4 janvier 1993 (Cass., 4 janv. 1993, n° 8091) en matière d’indemnité de fermeture.

En l’espèce cependant l’intéressé s’était expressément engagé à déclarer toute modification de sa situation et la cour relève qu’il y avait eu une reprise du travail précédente et que qu’il avait dû connaître à l’occasion de celle-ci les questions administratives suscitées par ce changement de situation.

Elle relève en outre que l’activité reprise sans autorisation porte sur une période de 11 mois et qu’elle a – s’agissant d’une activité à temps partiel – procuré un revenu relativement important, de l’ordre de 600€ par mois.

Il y a pour la cour une volonté consciente de cumuler par ce comportement les revenus de l’activité exercée et les indemnités et elle conclut qu’il y a, du fait de l’omission, manœuvre frauduleuse justifiant de retenir la prescription quinquennale.

Elle fait dès lors droit à la demande de l’organisme assureur.

Se pose cependant la question du montant à récupérer et elle relève que ceci peut difficilement concerner la période au-delà de celle pour laquelle la reprise avait été effectivement constatée. Cette activité s’était en effet arrêtée fin juillet 2006 et la décision administrative porte jusque fin octobre 2008.

La cour relève dès lors que dans son rapport, l’INAMI avait précisé que l’intéressé avait, vu son comportement, mis fin à son incapacité de travail le 1er août 2005, mais ce sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 101. Or, l’INAMI a parallèlement informé l’organisme assureur que, selon son médecin-conseil, l’intéressé conservait une réduction de capacité de 50% au moins pendant la période de reprise de l’activité non autorisée et que le travail exercé était compatible avec son état de santé. Dès lors, après avoir pris acte de la reprise du travail non autorisée, la Commission supérieure du Conseil médical de l’invalidité avait décidé de reconnaître l’invalidité sur la base de l’article 101 pendant la période de reprise de l’activité et sur celle de l’article 100, § 1er ou § 2 pour la période subséquente, et ce jusqu’à l’âge de la pension.

Pour la cour, l’on peut considérer que l’intéressé est réputé être resté frappé d’une incapacité de travail et que, en conséquence les indemnités doivent être récupérées pour les journées assimilées à des jours pour lesquels une indemnité a été octroyée pour la fixation des droits aux prestations de sécurité sociale (article 101°). Elle ordonne, dès lors, une réouverture des débats afin que l’organisme assureur expose le bien-fondé de sa thèse pour la période ultérieure.

Intérêt de la décision

Cet arrêt reprend le mécanisme applicable à une hypothèse de reprise d’activité non autorisée, étant que, par le fait de celle-ci, l’intéressé met fin à son incapacité de travail en application de l’article 100 de la loi du 14 juillet 1994. Dans la mesure cependant où il est admis qu’il a conservé une réduction de capacité de 50% au moins au cours de l’exercice de cette activité non autorisée (et que par ailleurs le travail exercé était compatible avec l’état de santé), il est présumé rester frappé d’une incapacité de travail. Il y aura dès lors lieu de récupérer les indemnités d’incapacité de travail qui ont été payées pour les journées prestées dans le cadre de cette reprise.

L’on notera également que, vu les éléments de fait, la cour retient sur la plan de la prescription qu’il y a manœuvre frauduleuse et qu’il ne s’agit pas d’une simple omission d’une information.


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