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Un bachelier peut-il reprendre un master en horaire décalé et bénéficier des allocations d’insertion ?

Commentaire de Cass., 19 janvier 2015, n° S.13.0108.F

Mis en ligne le lundi 13 juillet 2015


Cour de cassation, 19 janvier 2015, R.G. n° S.13.0108.F

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 19 janvier 2015, la Cour de cassation rappelle que l’article 36, § 1er, alinéa 1er, 3° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 impose comme condition d’octroi des allocations d’insertion qu’il ait été mis fin à tout programme d’études de plein d’exercice, celles-ci fussent-elles suivies en horaire décalé.

Rétroactes

Un étudiant obtient son diplôme de bachelier en marketing en septembre 2010. Il entame aussitôt un master de sciences de gestion à l’ULG en horaire décalé (soit après 18 heures ou le samedi matin).

Les études comportent 120 crédits sur trois ans au sens du décret de la Communauté française du 31 mars 2004 définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace européen de l’enseignement supérieur et refinançant les universités (dit décret de Bologne). Il s’inscrit alors comme demandeur d’emploi à temps plein. En fin d’année académique, soit le 15 juin 2011, il sollicite des allocations d’attente.

Celles-ci sont refusées.

La Cour du travail de Liège va rendre un arrêt le 28 juin 2013, contre lequel l’ONEm se pourvoit en cassation.

Cet arrêt porte essentiellement sur la notion d’études de plein exercice, l’ONEm considérant que l’intéressé ne remplissait pas la troisième condition prévue par l’article 36, étant que, pour de telles études, il faut compter 27 crédits au moins. La cour du travail retient que l’étudiant s’est inscrit pour un master qui comprend un total de 120 crédits sur trois ans, rejetant le point de vue de l’ONEm.

La cour retient que le diplôme de bachelier a été obtenu auparavant, l’intéressé ayant mis fin à toutes ses activités imposées par ce programme d’études. Il a entamé des études complémentaires en horaire décalé ultérieurement et ces études se déroulent uniquement en soirée eT le samedi matin. Ceci lui permet de rester disponible sur le marché de l’emploi et des éléments de fait confirment d’ailleurs qu’il a adressé de nombreuses lettres de candidature. La cour retient en outre que ce master en horaire décalé doit précisément permettre aux intéressés de compléter leur formation. Pour la cour, dans la mesure où aucune disposition dans la réglementation de chômage ne fait référence au décret de Bologne ou à la notion de crédits, il faut renvoyer à l’article 68 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 sur cette notion d’études de plein exercice. Elle relève l’incohérence qu’il y aurait de lui donner deux interprétations, l’une en matière d’admissibilité pour le stage et l’autre comme condition d’octroi des allocations.

Le pourvoi

Le pourvoi rappelle le caractère exceptionnel des allocations d’attente dans le régime de l’assurance contre le chômage, celles-ci étant octroyées à des jeunes qui n’ont ni travaillé ni cotisé de manière significative pendant la période de référence. Elle a pour objet de permettre le passage de l’enseignement au marché du travail et non de financer la poursuite d’études complémentaires. Pour en percevoir le jeune doit dès lors avoir terminé ou suivi les études ou les programmes d’apprentissage ou de formation visés à l’article 36, § 1er, de l’arrêté royal. En ce qui concerne la notion d’études de plein exercice, il faut entendre les programmes de cours conduisant au grade de bachelier, master ou master complémentaire, c’est-à-dire les cycles d’études qui comprennent respectivement 180, 120 ou 60 crédits au moins, ceux-ci étant à répartir en principe en trois, deux ou un an (sous réserve de la possibilité d’étalement prévue par la règlementation en la matière).

Les allocations familiales continuent à être perçues pour autant que les programmes totalisent au moins 27 crédits par an, et ce sans distinction de l’horaire applicable. Il faut dès lors admettre que les études de plein exercice doivent être définies eu égard au nombre de crédits par année académique, les études fussent-elles suivies dans le cadre d’un programme à horaire décalé. La circonstance que les cours sont principalement dispensés le samedi ou après 17 heures est indifférente, puisque le chômeur peut d’ailleurs introduire une dispense s’il entreprend une formation en vue de retrouver un emploi.

En conclusion, la motivation de l’arrêt, étant qu’il ne faut pas faire de distinction entre les conditions d’admissibilité et les conditions d’octroi, ne peut être admise s’agissant d’une violation de la notion d’études de plein exercice tel que précisée à l’article 36, § 1er, alinéa 1er, 3° de l’arrêté royal.

La décision de la Cour

La Cour accueille le pourvoi, dans un très bref arrêt, tenant en deux attendus.

Elle rappelle les termes de l’article 36, § 1er, alinéa 1er, 3°, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant que le jeune doit, pour bénéficier des allocations d’attente, avoir mis fin à tout programme d’études de plein exercice. En se référant à la circonstance que les cours ne constituent pas des études de plein exercice au motif qu’ils sont dispensés en horaire décalé, la cour du travail a violé la disposition en cause.

L’arrêt est dès lors cassé.

Intérêt de la décision

L’arrêt statue avant les modifications introduites dans cette partie de la réglementation par l’arrêté royal du 28 décembre 2011. Celui-ci a apporté diverses modifications à l’article 36, notamment sur la définition d’élève régulier. L’exigence d’avoir mis fin à toutes les activités imposées par un programme d’études, d’apprentissage ou de formation et par tout programme d’études de plein exercice étant cependant restée inchangée. La Cour de cassation donne dès lors ici son interprétation de cette notion, qui peut, contrairement à ce qu’avait décidé la Cour du travail de Liège, viser certaines études sur le plan des conditions d’admissibilité et d’autres au niveau des conditions d’octroi.


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