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Condition de requalification d’une convention d’immersion professionnelle en contrat de travail

Commentaire de Cass., 11 décembre 2017, n° S.16.0016.F

Mis en ligne le mardi 24 avril 2018


Cour de cassation, 11 décembre 2017, n° S.16.0016.F

Terra Laboris

Par arrêt du 11 décembre 2017, la Cour de cassation rejette un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Mons du 29 juillet 2015, qui avait refusé de déduire du non-respect des dispositions de la loi-programme du 2 août 2002 l’existence d’un contrat de travail.

Les rétroactes

La Cour du travail de Mons avait rejeté, par arrêt du 29 juillet 2015, qu’en l’absence de respect de l’article 104 de la loi-programme du 2 août 2002, qui définit les conventions d’immersion professionnelle, il y avait une relation de travail subordonné, conforme à la loi du 3 juillet 1978.

Un pourvoi a été introduit contre cette décision, présentant un seul moyen.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour reprend les dispositions de l’article 104 de la loi-programme du 2 août 2002, relatif aux conventions d’immersion professionnelle, ainsi que la définition donnée du contrat de travail aux articles 2 et 3 de la loi du 3 juillet 1978. L’article 104 définit les conventions d’immersion professionnelle comme les conventions dans lesquelles une personne, dans le cadre de sa formation, acquiert certaines connaissances ou aptitudes auprès d’un employeur en effectuant des prestations de travail. Quant à la loi du 3 juillet 1978, elle dispose, en ses articles 2 et 3, que le contrat de travail est le contrat par lequel un travailleur s’engage contre rémunération à fournir un travail sous l’autorité de l’employeur. La différence entre les deux est dès lors que la convention d’immersion professionnelle a pour objet la formation du travailleur et non la prestation d’un travail contre rémunération.

Cette convention doit faire l’objet d’un écrit (article 105, § 1er, de la même loi), pour chaque stagiaire individuellement, signé au plus tard au moment où il commence l’exécution de la convention. Est également prévu (article 106, 8°) que, si la formation n’est pas organisée à l’initiative ou sous la responsabilité d’un établissement d’enseignement ou d’un organisme de formation dépendant de ou agréé par la Communauté ou la Région compétente, l’écrit en cause comporte la mention du plan de formation convenu entre les parties, plan qui doit être agréé par les autorités compétentes.

Dès lors que le juge constate l’absence de l’écrit visé aux articles 105 et 106 de la loi-programme, ceci peut constituer une présomption de l’homme contribuant à la preuve que la convention en cause a en réalité pour objet la prestation d’un travail contre rémunération - et non la formation - et constitue ainsi un contrat de travail. L’absence de l’écrit ne signifie cependant pas que la convention constitue un tel contrat.

La Cour rejette dès lors le pourvoi.

Intérêt de la décision

Le pourvoi contre l’arrêt de la Cour du travail de Mons a été formé par l’O.N.S.S. La position de l’Office est rejetée, au motif – apparemment évident – qu’il ne se déduit pas du non-respect des dispositions de la loi-programme du 2 août 2002 qu’il y a nécessairement travail subordonné, exécuté dans le cadre d’un contrat de travail.

L’objet des deux législations est distinct, la loi-programme du 2 août 2002 ayant pour objet, dans les dispositions pertinentes, d’encadrer le contrat d’immersion professionnelle et, notamment, de prévoir que la formation – qui, en principe, doit être organisée à l’initiative ou sous la responsabilité d’un établissement d’enseignement ou d’un organisme de formation dépendant de ou agréé par la Communauté ou la Région compétente – peut ne pas l’être mais, dans ce cas, l’écrit doit mentionner le plan de formation convenu entre les parties et être agréé par les autorités compétentes.

Le non-respect de ces dispositions n’a pas pour effet de convertir la convention en cause en contrat de travail.

Diverses décisions ont été rendues par la Cour du travail de Mons, allant dans le même sens. Peut également être cité un arrêt du 20 mai 2015 (C. trav. Mons, 20 mai 2015, R.G. 2013/AM/129 – précédemment commenté), dans lequel la cour du travail avait considéré que, à supposer inexistant l’agrément de l’A.S.B.L. intervenue comme opérateur de formation et d’insertion professionnelle, la convention ne devait pas automatiquement être requalifiée en contrat de travail, mais qu’il y avait lieu de rechercher si étaient réunis les éléments constitutifs de celui-ci. En l’occurrence, c’est l’objectif de la convention d’immersion professionnelle qu’il faut vérifier : si ce n’est pas la prestation de travail mais la formation du stagiaire, constatée vu l’acquisition de compétences et d’une aptitude à l’exercice du métier, avec évaluations régulières, il n’y a pas de contrat de travail.

Avait par contre été requalifiée en contrat de travail une convention (coiffure) portant sur un contrat de stage dans lequel, cependant, il n’avait pu être constaté de processus progressif d’apprentissage et de perfectionnement inhérent à ce type de convention : l’intéressée effectuait toutes les tâches et travaillait de manière autonome, sans modèle, s’agissant de prestations de coiffure ordinaires. La cour, dans cette espèce, avait également pris en compte l’absence d’évaluation formelle et de suivi extérieur, l’employeur se contentant de formuler au besoin des remarques, comme le fait tout employeur à l’égard du personnel (C. trav. Mons, 8 janvier 2015, R.G. 2013/AM/340).


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