Terralaboris asbl

Notion de décision au sens de l’article 17 de la charte de l’assuré social (secteur AMI)

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Mons), 21 juin 2021, R.G. 18/1.635/A

Mis en ligne le mardi 28 décembre 2021


Tribunal du travail du Hainaut (division Mons), 21 juin 2021, R.G. 18/1.635/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 21 juin 2021, le Tribunal du travail du Hainaut (div. Mons) retient que peut constituer une erreur au sens de l’article 17 de la charte de l’assuré social le versement d’indemnités d’incapacité de travail, celui-ci devant être l’exécution d’une décision – implicite – de l’organisme assureur d’octroyer celles-ci et ce même si aucune notification n’est intervenue.

Les faits

Une employée communale a été reconnue en incapacité de travail à partir du 19 mars 2018.

Elle a été autorisée, par la suite, à reprendre le travail à mi-temps, et ce par décision du conseiller en prévention médecin du travail. Elle a dès lors repris le travail à temps partiel à partir du 1er mai sans avoir cependant introduit au préalable la demande formelle d’autorisation requise.

Pendant une période de deux mois et demi, soit jusqu’au 14 juillet 2018, elle n’a pas perçu d’indemnité d’incapacité de travail, la mutualité attendant manifestement qu’elle introduise la demande d’autorisation de reprise du travail (dont le formulaire lui avait été envoyé dès le 3 mai). Celui-ci a finalement été transmis et la mutualité a versée les indemnités d’incapacité primaire à partir du 14 juillet.

Le médecin conseil qui l’avait convoqué conclut cependant le 13 août qu’elle ne pouvait reprendre le travail à temps partiel, la reconnaissance de l’incapacité devant être maintenue.

Par courrier recommandé du 21 août, une décision administrative de récupération lui est adressée. Celle-ci est motivée par le fait que l’activité a été reprise depuis le 1er mai et que la demande a été introduite en dehors des délais prévus par la loi. Du fait de l’introduction tardive, la mutualité renvoie à l’article 101 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, selon lequel, elle est tenue de procéder à la récupération des indemnités perçues pour les jours où une activité non autorisée a été exercée.

La décision du tribunal

Le tribunal rappelle les dispositions pertinentes de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, étant ses articles 100 § 2 ainsi que 101 §§ 2 à 2ter. Il reprend également l’article 17 de la charte de l’assuré social.

Sur la notion de décision elle-même, il renvoie à une décision du Tribunal du travail de Liège du 28 avril 2018 (Trib. trav. Liège (div. Liège), 26 avril 2018, R.G. 16/1.414/A et 16/4.083/A), qui a examiné la question de la ‘décision … entachée d’une erreur … ‘ telle que visée à l’article 17. Le Tribunal du travail de Liège avait considéré que l’article 17 fait une référence expresse à une décision erronée. La jurisprudence admet que la décision peut être implicite et qu’effectuer un paiement suite à une mauvaise comptabilisation de jours prestés est une décision – certes implicite – mais une décision. Il ne s’agit pas d’une erreur de manipulation.

En l’espèce, l’organisme assureur a fait valoir par conclusions qu’il n’a pas commis d’erreur dans la mesure où au moment où il a indemnisé l’intéressée aucune décision n’était encore intervenue quant à l’autorisation de reprise du travail.

Pour le tribunal, cette position repose sur un postulat incorrect selon lequel le paiement n’est pas une décision administrative. Et le tribunal de retenir conformément à ce qui précède que le versement d’indemnités constitue l’exécution d’une décision implicite d’octroyer celles-ci. Le mi-temps médical ayant été accepté par le conseiller en prévention – médecin du travail et cette autorisation ayant été confirmée par une décision du Collège communal, le coût des prestations non effectuées étant à charge de la mutualité, l’intéressée pouvait légitimement considérer qu’elle avait droit à ces indemnités d’incapacité.

L’indu résulte dès lors exclusivement d’une erreur de la mutualité et les effets de la décision ne peuvent valoir que pour l’avenir.

Intérêt de la décision

La notion d’erreur de l’institution de sécurité sociale est examinée vu les effets que lui attribue l’article 17 de la charte de l’assuré social.

Celui-ci prévoit que lorsqu’une décision est entachée d’une erreur de droit ou matérielle et que l’institution prend d’initiative une nouvelle décision, celle-ci produira ses effets à la date à laquelle la décision rectifiée aurait dû prendre effet (sans préjudice des règles en matière de prescription). Cependant si l’erreur est due à l’institution de sécurité sociale et que le droit à la prestation est inférieur à celui reconnu initialement, cette nouvelle décision produira ses effets le premier jour du mois qui suit sa notification. Ceci n’est pas d’application si l’assuré social savait ou devait savoir qu’il n’avait pas ou plus droit à l’intégralité d’une prestation (au sens de l’arrêté royal du 31 mai 1933 concernant les déclarations à faire en matière de subventions, indemnités et allocations).

Dans la mesure où il n’y aurait pas de décision, cette disposition ne trouverait pas à s’appliquer.

Dans un arrêt du 5 juillet 2017 (C. trav. Mons, 5 juillet 2017, R.G. 2016/AM/47), la Cour du travail de Mons a retenu qu’un paiement (qui était injustifié) est un pur fait mais non une décision au sens de l’article 17 de la charte.

Dans le jugement du Tribunal du travail de Liège repris par le Tribunal du travail du Hainaut, la notion de décision au sens de l’article 17 de la Charte est explicitée. Celle-ci est indépendante de la notification de cette dernière, voire de sa consécration par écrit : il faut, et il suffit, que le processus résulte d’un cheminement intellectuel. La décision erronée peut, ainsi, être implicite et consister en un paiement effectué à la suite d’une mauvaise comptabilisation de jours prestés, lequel est donc à distinguer du paiement intervenu en conséquence d’une erreur purement matérielle (erreur de caisse, virement effectué plusieurs fois de manière identique ou encodage erroné).

Ainsi que l’a conclu le Tribunal du travail du Hainaut dans le jugement annoté, il ne peut en l’espèce s’agir d’un paiement injustifié résultant d’une erreur matérielle ne tombant pas dans le champ d’application de l’article 17 de la charte, une « décision » ayant nécessairement dû intervenir à la base du paiement effectué. Cette disposition trouve ainsi à s’appliquer, les effets de la décision de l’organisme assureur ne pouvant valoir que pour l’avenir.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be