Terralaboris asbl

Etendue de la responsabilité solidaire des personnes morales pour les cotisations sociales de leur gérant

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 mars 2014, R.G. 2013/AB/410

Mis en ligne le vendredi 13 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 14 mars 2014, R.G. n° 2013/AB/410

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 mars 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la règle selon laquelle les personnes morales sont tenues au paiement de toutes les cotisations dues par leurs associés ou mandataires, quelle que soit la diversité des activités exercées par ceux-ci.

Les faits

Une contrainte est signifiée par l’I.N.A.S.T.I. à l’égard d’une société, ainsi qu’à une personne physique concernant les cotisations au statut social de cette dernière. Il s’agit d’un montant supérieur à 60.000 € de cotisations dues par l’intéressé. La société est concernée par plus de 27.000 €, eu égard à l’obligation de responsabilité solidaire prévue à l’article 15, § 1er de l’arrêté royal n° 38.

Opposition est faite à cette contrainte par la société et, par jugement du 7 janvier 2013, le Tribunal du travail de Bruxelles met celle-ci à néant.

Appel est interjeté.

Position des parties devant la cour

La partie appelante expose qu’elle se fonde sur les revenus qui lui ont été communiqués par l’administration des contributions en ce qui concerne le gérant, pour la période en cause. Elle considère également que la solidarité entre la société et son mandataire sur le plan des cotisations au statut social porte sur tous les revenus du travailleur indépendant, et ce sans distinction de leur origine. L’I.N.A.S.T.I. considère également que la gratuité du mandat de l’intéressé au sein de la société n’est pas établie. Le premier gérant était, quant à lui, rémunéré et, eu égard à la circonstance que le gérant pour lequel des cotisations sont réclamées était administrateur d’une autre société, il peut être fait appel, dans le cadre du mécanisme de solidarité, à l’un ou l’autre débiteur solidaire.

La décision de la cour

La cour se prononce en premier lieu sur la question de l’assujettissement des mandataires de société au statut social des travailleurs indépendants, eu égard aux présomptions les concernant plus particulièrement.

Elle rappelle l’évolution jurisprudentielle depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 176/2004 du 3 novembre 2004, qui a admis que la présomption de l’article 3, § 1er, alinéa 4 de l’arrêté royal n° 38 doit avoir un caractère réfragable et qu’en conséquence, le mandataire de société peut prouver qu’il n’exerce pas d’activité professionnelle susceptible de l’assujettir au statut social.

La cour reprend ensuite la définition habituelle de l’activité professionnelle, étant celle qui doit être exercée dans un but de lucre (la circonstance qu’elle ne produit pas de revenus étant sans incidence) et avoir un caractère habituel, c’est-à-dire exiger un ensemble d’opérations, répétées et accompagnées de démarches en vue de cette répétition.

Dans le cadre du renversement de la présomption légale, qui peut intervenir soit par la preuve que l’activité n’est pas habituelle ou qu’elle est exercée sans but de lucre, la cour souligne que le simple fait de signer, en qualité de gérant, les extraits destinés à la publication au Moniteur belge est indicatif de l’exercice d’une activité. Par ailleurs, même si l’activité est extrêmement réduite (gestion d’un immeuble), elle n’est pas, en l’espèce, inexistante.

Il y a dès lors lieu de considérer que la présomption n’est pas réservée.

La cour se penche ensuite sur l’étendue de la responsabilité solidaire, dans la mesure où l’intéressé avait d’autres activités lucratives pendant la période concernée. La cour rappelle que la solidarité de la personne morale, pour ce qui est des cotisations au statut social, ne doit pas être restreinte à la part des cotisations correspondant au mandat, mais porte sur l’ensemble des cotisations sociales dues par le mandataire, et ce même si elles concernent une autre activité. Cette règle est contenue à l’article 15, § 1er, alinéa 3. Il y a solidarité quelle que soit la diversité des activités des associés et mandataires, et ce pour le paiement de toutes les cotisations.

La cour précise encore que la jurisprudence de la Cour de cassation est bien affirmée en ce sens (renvoyant à Cass., 6 juin 1988, Pas., 1988, I, p. 1191) et que raisonner autrement rendrait le mécanisme de solidarité impraticable ou inefficace.

Elle ordonne, enfin, la réouverture des débats pour ce qui est des montants.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles confirme une jurisprudence constante, relative au mode de renversement de la présomption d’exercice d’activité dans le chef des mandataires de société. Cet arrêt est également l’occasion de rappeler que les personnes morales sont solidairement responsables des dettes de cotisations de leurs associés ou mandataires.


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