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Chômage et inaptitude de 33% : critères à prendre en considération

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 27 mars 2014, R.G. n° 2012/AB/706

Mis en ligne le mardi 1er juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 27 mars 2014, R.G. n° 2012/AB/706

TERRA LABORIS A.S.B.L.

Dans un arrêt du 27 mars 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les critères de la réglementation chômage permettant de retenir une inaptitude de 33% au moins.

Les faits

Un assuré social introduit, en avril 2008, auprès de l’ONEm, un document C47, en vue d’être dispensé des obligations en matière d’activation, eu égard à une inaptitude de 33%.

Un examen médical a lieu, suite auquel le médecin-conseil du Bureau régional conclut à une inaptitude temporaire de cet ordre, pour une période de deux ans. A l’issue de celle-ci, une nouvelle demande est introduite par l’intéressé, faisant alors état d’une inaptitude permanente. Le but de cette seconde demande est de ne pas voir son allocation de cohabitant réduite au montant forfaitaire (date prévue pour ce passage).

L’ONEm refuse, se fondant sur la circonstance que cette demande n’aurait pas été accordée lors de l’introduction du dossier deux ans auparavant. L’intéressé forme dès lors un recours devant le tribunal du travail.

Son organisation syndicale intervient, constatant une contradiction entre la position de l’Office et la décision précédemment intervenue. L’ONEm fait alors valoir que l’intéressé devrait introduire une nouvelle demande, aux fins de faire admettre la poursuite de l’incapacité temporaire et une incapacité permanente (ce deuxième volet afin d’éviter le passage au forfait). Il est précisé que c’est la date d’introduction de la demande précédente qui sera prise en compte. L’intéressé demande, dès lors, une dispense définitive des obligations dans le cadre de la procédure d’activation, ainsi que la reconnaissance de l’incapacité permanente aux fins de ne pas passer à l’allocation forfaitaire.

Suite à l’examen médical, le médecin-conseil de l’ONEm retient une incapacité temporaire de 11% et pas d’incapacité permanente de 33% au moins. Un second recours est dès lors introduit.

La décision du tribunal

Par jugement avant dire droit du 15 mars 2011, le tribunal demande l’avis d’un expert judiciaire. Celui-ci conclut à l’existence d’une incapacité de travail de plus de 33%. Cette incapacité est admise dans le cadre d’une inaptitude temporaire. Aucune incapacité permanente n’est cependant retenue. Il en découle que, si l’intéressé est dispensé de la procédure d’activation, il ne peut bénéficier de l’absence de réduction de l’allocation de chômage au forfait.

Il interjette dès lors appel et l’ONEm forme un appel incident, aux fins de faire rétablir les décisions administratives dans leur intégralité.

La décision de la cour

La cour en vient, dès lors, à la question centrale, étant la notion d’inaptitude dans le cadre des deux volets de la réglementation en cause (activation et passage de l’allocation au forfait).

La cour constate que l’assuré social fait grief au premier juge de ne pas avoir donné au rapport d’expertise l’interprétation qu’il convient quant à l’inaptitude retenue. Il considère qu’il faut distinguer les deux types d’inaptitude, l’inaptitude temporaire devant être appréciée au regard de l’activité exercée au moment où elle a débuté. L’ONEm fait par ailleurs grief au tribunal de ne pas avoir apprécié correctement la notion. Les deux parties sont en tout cas d’accord de considérer qu’il y a un manque de clarté dans l’expertise ordonnée par le premier juge.

La cour va puiser dans l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (article 59bis et suivants) les références permettant au chômeur d’être dispensé de la procédure d’activation en cas d’inaptitude : il faut une inaptitude permanente de 33% au moins ou, si celle-ci est de nature temporaire, elle doit être de deux ans au moins, et la dispense est, dans cette hypothèse, limitée à la durée de l’incapacité admise.

Quant à l’allocation de chômage du cohabitant, la cour rappelle que c’est en vertu de l’article 114 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 qu’elle peut ne pas se voir appliquer le forfait au cas où le chômeur a une incapacité permanente de 33% au moins (l’incapacité temporaire n’étant pas admise).

La cour rappelle encore l’absence de définition de la notion d’inaptitude et rejette dès lors que, dans le cadre de l’inaptitude temporaire, l’on doive s’en tenir à l’activité exercée par le chômeur au moment où celle-ci a débuté. La référence à la profession habituelle ne peut dès lors être faite.

Les dérogations ci-dessus ont pour but de tenir compte des difficultés objectivement rencontrées par certains chômeurs dans leur recherche d’emploi et elles vont dès lors prendre en compte la capacité de gain de ceux-ci sur le marché du travail.

La cour rappelle encore que le parallèle est fait avec la législation AMI, où la capacité de gain est définie par rapport à la personne de même condition et de même formation, étant entendu que la capacité de gagner sa vie par son travail doit se faire eu égard au groupe de professions habituelles de l’intéressé, mais également dans les professions accessibles du fait de sa formation professionnelle. Quant à la profession habituelle, elle n’est prise en compte que pendant les six premiers mois et pour autant qu’il y ait possibilité d’évolution favorable ou guérison à brève échéance. Pour la cour, tel n’est pas le cas dans l’hypothèse d’une inaptitude temporaire de deux ans au moins, ni encore en cas d’inaptitude permanente.

Il faut dès lors tenir compte du marché du travail du chômeur eu égard à son expérience professionnelle et à sa formation, dans le cadre de la définition de l’inaptitude temporaire et, de même, pour l’inaptitude permanente.

La cour y voit encore un soutènement dans l’article 23 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991, relatif à l’emploi convenable, où la référence est faite aux études, à l’apprentissage ainsi qu’à la profession habituelle ou apparentée, mais également, après 5 mois, à tout emploi pouvant être occupé par le chômeur du fait de ses aptitudes et de sa formation.

Ces principes étant rappelés, la cour constate qu’elle n’est pas suffisamment éclairée par le rapport de l’expert désigné et elle ordonne une nouvelle expertise. Dans la mission confiée à cellui-ci, elle demande de déterminer l’incidence fonctionnelle des lésions présentées par l’intéressé et d’examiner si, dans leur ensemble, elles entraînent une incapacité permanente de minimum 33% ou temporaire de ce même ordre, par rapport aux possibilités de l’intéressé de trouver un emploi dans les fonctions qu’il occupe habituellement ou qu’il pourrait se voir confier tenant compte de son âge, de sa formation professionnelle et de son expérience professionnelle. Elle demande également, s’il y a inaptitude temporaire, d’en fixer la durée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle les critères de l’inaptitude de 33% au moins, critères spécifiques à la réglementation en matière de chômage. Celui-ci a été abandonné, actuellement, dans le cadre de la procédure d’activation, mais reste d’actualité eu égard à la problématique de l’article 114 de l’arrêté royal, relatif au passage, pour le cohabitant, de l’allocation de chômage au forfait.


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