Terralaboris asbl

Effet sur le plan de la prescription de la déclaration de créance dans une faillite

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/877

Mis en ligne le vendredi 22 août 2014


Cour du travail de Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/877

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 24 avril 2014, statuant dans le cadre de l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969 sur la sécurité sociale des travailleurs salariés, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les effets de la déclaration de créance dans le cadre d’une faillite.

Les faits

Une société fait appel à un entrepreneur non enregistré, en vue de l’exécution de travaux. Cette société est déclarée en faillite en 1998. Dans le cadre de celle-ci, l’ONSS fait une déclaration de créance. Il ne peut cependant récupérer les cotisations dues.

Il se tourne dès lors vers la société qui lui avait confié les travaux. C’est l’application de l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969.

Vu l’absence de suite donnée à sa demande, l’ONSS introduit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles qui, par jugement du 16 mai 2012, conclut à la prescription. Le premier juge considère notamment que la déclaration de créance introduite par l’ONSS dans la faillite de la société a pu interrompre la prescription à l’égard du débiteur solidaire, étant la société qui a commandé les travaux, mais que l’interruption de la prescription n’a pas pu perdurer contre lui pendant toute la période de la faillite. Le tribunal se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier 2009 (Cass., 29 janvier 2009, R.G. n° S.08.0099.N).

Appel est interjeté devant la cour.

Position des parties devant la cour

L’ONSS ne conteste pas l’appui trouvé par le jugement dans l’arrêt de la Cour de cassation du 19 janvier 2009, pour conclure à la prescription. Il invoque cependant un argument tiré de l’effet interruptif de la déclaration de créance déposée. Il souligne avoir obtenu divers jugements, dans les années qui ont suivi, pour les cotisations ayant fait l’objet de cette déclaration et estime que tout jugement portant condamnation civile fait naître une nouvelle action, dont l’exécution (actio judicati) est soumise à un délai de prescription de 10 ans, et ce conformément à l’article 2262bis du Code civil. Il y a pour l’Office substitution d’un nouveau délai de prescription.

La société demande confirmation du jugement.

Décision de la cour du travail

La cour relève que le fondement de la demande ne semble pas contesté, le débat se muant dans la sphère de la prescription. Elle confirme la conclusion du premier juge. Elle développe, cependant, la question des effets du dépôt de la déclaration de créance, et ce à la lumière de l’arrêt de la Cour de cassation du 19 janvier 2009 précité.

Les principes tels que rappelés par la cour du travail sont les suivants :

  • Le dépôt de la déclaration de créance interrompt la prescription à l’égard de tous les débiteurs solidaires,
  • Cette interruption n’a cependant pas perduré contre eux pendant toute la procédure de faillite, la suspension ne valant qu’à l’égard du débiteur déclaré en état de faillite.

La cour rappelle l’enseignement de l’arrêt de la Cour suprême selon lequel l’effet suspensif du dépôt de la déclaration de créance se justifie uniquement par le fait qu’aussi longtemps que la faillite n’est pas clôturée, le créancier ne peut pas poursuivre l’exécution de son action. Cependant, la situation du créancier qui dispose d’une action distincte à l’égard du débiteur solidaire qui n’a pas été déclaré en faillite est distincte.

La cour confirme dès lors la décision du tribunal, qui n’a pas admis qu’une mise en demeure, adressée par l’ONSS a pu constituer à l’époque un mode valable de l’interruption de la prescription. Elle répond également à l’argument tiré par l’ONSS de l’article 2262bis du Code civil, selon lequel tout jugement portant une condamnation civile fait naître une nouvelle action (avec délai de prescription de 10 ans) et de l’article 1206 du Code civil, qui fixe comme règle que les poursuites contre l’un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l’égard des autres. Pour la cour, ceci ne signifie pas que le délai de prescription applicable pour l’action contre les débiteurs solidaires est toujours et nécessairement identique. Si le créancier a obtenu un jugement contre le débiteur principal (ce qui implique qu’il dispose d’une action en exécution), ceci ne signifie pas qu’il peut faire valoir à l’égard d’un débiteur solidaire le délai particulier de la prescription de l’action en exécution du jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt précise une question peu souvent abordée, étant celle de l’effet de l’interruption de la prescription entrainée par le dépôt de la déclaration de créance dans une faillite, et ce en ce qui concerne la situation des débiteurs solidaires.

Dans son arrêt du 19 janvier 2009, la Cour de cassation a rappelé que, en vertu de l’article 42, alinéa 1er, de la loi du 27 juin 1969, les créances de l’ONSS à charge des employeurs et des personnes visées à l’article 30bis se prescrivent par 5 ans. Ce délai de prescription peut être interrompu conformément aux articles 2244 et suivants du Code civil par une lettre recommandée émanant de l’ONSS et adressée à l’employeur. Ceci ne signifie pas que, si une lettre recommandée a été adressée aux cocontractants de l’employeur, ceci a pour effet d’interrompre la prescription de la créance à l’égard de celui-ci. La Cour de Cassation a dès lors accueilli, dans son arrêt du 19 janvier 2009, le pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail d’Anvers qui avait jugé de la sorte.


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