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Allocations aux personnes handicapées : portée de la décision du ministre de renoncer à la récupération de l’indu

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 mai 2014, R.G. n° 2012/AB/291

Mis en ligne le mardi 2 septembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 5 mai 2014, R.G. n° 2012/AB/291

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 5 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé que, si le ministre décide de renoncer à la récupération d’allocations indument payées dans le cadre de prestations sociales aux personnes handicapées, cette décision fait naître un droit subjectif dans le chef de celles-ci et que l’on ne peut ultérieurement porter atteinte à ce droit.

Les faits

Un bénéficiaire d’une allocation de remplacement de revenus (au taux isolé) introduit, en 2005, une demande nouvelle, au motif de la dégradation de son état de santé.

Il se met à la même époque en ménage avec une tierce personne.

Deux décisions sont prises, ultérieurement, la première concernant la demande de modification de ses droits (refus de l’A.I.) et la seconde, procédant à une révision d’office du fait du ménage. L’A.R.R. est, alors, celle de la catégorie C et les revenus de la cohabitante sont pris en compte. Il en découle un indu, que l’Etat belge notifie à l’intéressé. Il s’agit d’un montant de l’ordre de 7.000€.

Par décision du 21 décembre 2007, il est cependant renoncé à la récupération de celui-ci.

Entretemps, une procédure est introduite devant le tribunal du travail et deux jugements sont rendus, le premier constatant notamment qu’il y a renonciation à la récupération de l’indu et le second admettant une A.I. en catégorie 1. Ces jugements sont définitifs.

Intervient alors une décision en octobre 2009, admettant un droit à des arriérés et notifiant un nouvel indu pour la période passé (celle-ci étant cependant élargie jusqu’au mois de septembre 2009). La décision déduit, des arriérés, les montants de l’indu ci-dessus.

Une nouvelle procédure est dès lors introduite et par jugement du tribunal du travail du 22 février 2012, la décision est annulée. Une réouverture des débats est ordonnée.

Décision de la cour

Saisie de l’appel de l’Etat belge, la cour du travail examine une triple question, étant l’objet de la récupération, l’application des règles de prescription ainsi que les effets de la décision de renonciation à restitution.

Elle procède en premier lieu à un examen factuel des montants auxquels l’intéressé pouvait prétendre, eu égard à ce qu’il a reçu. Elle constate que, pour la période allant jusqu’à mai 2007, il y avait un indu de l’ordre de 7.000€ et qu’il y a eu renonciation à celui-ci par décision de l’administration du 12 décembre 2007.

Le droit à une allocation d’intégration ayant été ultérieurement reconnu, avec effet rétroactif, la cour examine les décomptes de l’Etat belge (dont elle souligne qu’ils sont peu clairs) et aboutit à la conclusion que l’indu réclamé en octobre 2009 est celui auquel il avait été renoncé en 2007.

La cour examine dès lors la réglementation en matière de renonciation à la récupération des allocations, étant l’article 16, § 8 de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées et l’article 29 de son arrêté d’exécution, du 22 mai 2003 relatif à la procédure concernant le traitement des dossiers en matière des allocations aux personnes handicapées. En vertu de ces dispositions, le ministre peut renoncer à la récupération de l’indu. Sa décision fait naître un droit subjectif dans le chef de la personne handicapée et il ne peut être porté atteinte à celui-ci par une réduction ultérieure du montant dont la renonciation a été admise. La cour renvoie ici à un arrêt du 25 mars 2002 de la Cour de cassation (Cass., 25 mars 2002, R.G. n° S.01.0106.F).

L’administration faisant valoir que la renonciation aurait eu un caractère provisoire, la cour souligne que ni la législation ni la réglementation ne prévoient cette hypothèse, la décision en cause ne contenant d’ailleurs aucune indication à cet égard.

Elle écarte également que l’on puisse « réactualiser » un décompte prétendument provisoire.

Pour la cour, seul peut donc être soumis un nouveau décompte portant sur l’allocation d’intégration accordée par le jugement du tribunal du travail.

Il ne peut, enfin, pour la cour, être plaidé que l’indu n’avait pas ce caractère, puisque, ayant procédé à la vérification en fait, la cour a constaté qu’il concerne l’allocation de remplacement et qu’il était bien réel.

Il y a dès lors deux points à examiner séparément, d’une part le droit à l’allocation de remplacement de revenus, pour lequel l’indu existe mais auquel il a été valablement et définitivement renoncé et de l’autre le droit à l’allocation d’intégration, qui doit être appréhendé séparément.

La cour considère dès lors l’appel non fondé et condamne l’Etat belge au paiement des arriérés d’allocations d’intégration, ainsi qu’aux intérêts légaux, à partir de la date d’exigibilité de chaque mensualité.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les pouvoirs de l’administration en ce qui concerne la renonciation à la récupération de l’indu, ainsi que le caractère définitif d’une telle décision. Dans l’arrêt du 25 mars 2002 de la Cour de cassation auquel la cour fait référence, il s’agissait d’une application de la même disposition (article 16 de la loi du 27 février 1987) mais en son § 3, étant l’hypothèse de la renonciation à la récupération de l’indu dans un cas digne d’intérêt ou parce que la somme payée indûment est inférieure à un montant déterminé ou est hors de proportion avec les frais de procédure présumés. La Cour s’était attachée dans cette décision à la question de la récupération sur les montants échus non encore versés. Elle avait également précisé que la décision du ministre de renoncer à récupérer les allocations indûment payées fait naître un droit subjectif dans le chef de la personne handicapée et que ni l’article 16, § 5 de la loi ni l’article 34 de son arrêté royal n’autorisent l’autorité administrative à porter atteinte à ce droit en déduisant ultérieurement, des montants échus non encore payés, le montant de l’indu que le ministre avait renoncé à récupérer.


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