Terralaboris asbl

Taux d’intérêt en cas de répétition de cotisations de sécurité sociale payées indûment

Commentaire de Cass., 7 avril 2014, n° S.13.0080.N

Mis en ligne le lundi 29 septembre 2014


Cour de cassation, 7 avril 2014, n° S.13.0080.N

TERRA LABORIS ASBL

Dans un très bref arrêt du 7 avril 2014, la Cour de cassation a rappelé que l’action en répétition d’une somme indûment payée à l’O.N.S.S. est une action en matière sociale au sens de la loi du 5 mai 1865 relative au prêt à l’intérêt.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu le 14 décembre 2012 par la Cour du travail d’Anvers.

Cet arrêt a statué sur le taux d’intérêt applicable à l’action en répétition de cotisations de sécurité sociale indues.

Il a considéré qu’il s’agit d’une action en matière sociale au sens de l’article 2, § 3 de la loi du 5 mai 1865 relative au prêt à l’intérêt.

La décision de la Cour

La Cour rappelle en deux attendus que, lorsque l’O.N.S.S. a perçu des cotisations de sécurité sociale indues, l’action en répétition relative à cet indu est une action en matière sociale au sens de l’article 2, § 3 de la loi du 5 mai 1865 relative au prêt à l’intérêt, et ce dans sa version postérieure à sa modification par la loi-programme du 8 juin 2008.

Elle rejette dès lors le moyen qui avait soutenu que la disposition correspondante (article 2, § 3) n’est pas applicable à une telle action.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation est l’occasion de rappeler le mécanisme de la loi du 5 mai 1865 relative au prêt à l’intérêt.

Celle-ci considère qu’en cas d’intérêt conventionnel, celui-ci sera déterminé librement par les parties contractantes (article 2). Elle fixe, cependant, des taux spécifiques qui sont des taux d’intérêt légal, pour la matière civile et la matière commerciale d’une part, et pour la matière fiscale et la matière sociale d’autre part.

Le taux de l’intérêt légal en matière civile et commerciale est fixé, actuellement, par la moyenne du taux d’intérêt Euribor à un an pendant le mois de décembre de l’année précédente (cette moyenne étant arrondie vers le haut au quart de pourcent). Le taux d’intérêt ainsi obtenu est augmenté de 2%.

En ce qui concerne le taux d’intérêt en matière fiscale, il est fixé à 7%, même si (selon le texte de l’article 2, § 2 de la loi) les dispositions fiscales renvoient au taux d’intérêt légal en matière civile et pour autant qu’il n’y soit pas explicitement dérogé dans les dispositions fiscales.

Quant à la matière sociale, l’intérêt légal est fixé de la même manière, étant, en vertu de l’article 2, § 3, à 7%, même si les dispositions sociales renvoient au taux d’intérêt légal en matière civile et pour autant qu’il n’y soit pas explicitement dérogé dans des dispositions sociales, et notamment dans la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.

Cette question a donné lieu à d’importantes discussions et le législateur est intervenu par la loi-programme du 8 juin 2008 aux fins de clarifier la situation. La jurisprudence avait également été amenée à prendre position. En effet, la loi-programme du 27 décembre 2006 (qui avait introduit une modification dans la loi du 5 mai 1865) avait prévu une période de deux ans, étant les années 2007 et 2008, pour lesquelles le taux était maintenu à 7%. La loi-programme du 8 juin 2008, qui a entendu mettre un terme à la discussion concernant la notion d’intérêt légal, a énoncé que le terme « intérêt légal » figurant la loi du 27 juin 1969 (en son article 28, § 1er, alinéa 2) a la même signification qu’à l’article 2, § 2 de la loi du 5 mai 1865. Elle a inséré, dans l’article 2 de celle-ci, le § 3 spécifiquement consacré à la matière sociale. La loi-programme précisait que, pour les années 2007 et 2008, il y avait lieu d’appliquer l’article 2, § 2 et que, à partir du 1er janvier 2009, s’appliquerait cette nouvelle disposition, introduite au même article.

La Cour du travail de Bruxelles avait été saisie, à la même époque, d’une question de cotisations de sécurité sociale dues (ou non) sur des indemnités de non-concurrence. Dans un premier arrêt du 9 juin 2010, elle avait considéré que ces cotisations n’étaient pas dues. La société les ayant cependant versées à titre conservatoire, la cour devait se prononcer sur le taux applicable au montant remboursé par l’O.N.S.S. à la société.

Elle avait considéré par arrêt du 4 mai 2011 que, si la nouvelle disposition (introduite par la loi-programme du 8 juin 2008), en vigueur à partir du 1er janvier 2009, fixait le taux à 7%, il y avait là une disposition plus large que la règle en vigueur précédemment, le législateur ayant, pour la cour, visé à partir de cette date l’ensemble des matières sociales et non plus uniquement les dettes de cotisations sociales.

Dans un arrêt du 6 janvier 2014 (Cass., 6 janvier 2014, n° S.12.0067.F), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’O.N.S.S. contre cet arrêt. Celui-ci faisait valoir que l’on ne pouvait admettre pour les remboursements dus par lui d’appliquer un taux d’intérêt prévu pour assurer l’encaissement régulier des cotisations sociales, le remboursement de celles-ci n’ayant par ailleurs pas la nature d’un paiement en matière sociale, mais s’apparentant à une répétition de l’indu au sens de l’article 1235 du Code civil. L’Office demandait dans cette affaire l’application de l’article 2, § 1er de la loi du 5 mai 1865, étant le taux de l’intérêt légal applicable en matière civile et en matière commerciale.

La Cour suprême avait, dans ce précédent arrêt, également rejeté le pourvoi de l’O.N.S.S., au motif que l’article 2, § 3 de la loi du 5 mai 1865 fixe le taux d’intérêt légal en matière sociale à 7% même si les dispositions sociales renvoient au taux d’intérêt légal en matière civile et pour autant qu’il n’y soit pas explicitement dérogé dans les dispositions sociales, le texte visant notamment la loi du 27 juin 1969. Une seconde dérogation était relevée par la Cour suprême, étant que ce taux peut être modifié par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres. Pour la Cour suprême, il y a ainsi dans la loi une dérogation expresse pour les dettes de cotisations de sécurité sociale, visant l’employeur qui ne verse pas les cotisations dans les délais fixés par le Roi, et c’est la seule dérogation prévue, de telle sorte qu’il faut appliquer l’article 2, § 3 au remboursement des cotisations indues. La Cour de cassation avait relevé que cette disposition s’applique quel que soit le fondement de l’action en répétition.

L’arrêt rendu le 7 avril 2014 vient confirmer cette première décision. Il statue dans le cadre du texte postérieur à la modification intervenue par la loi-programme du 8 juin 2008.


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