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Personnes handicapées : conditions et calcul des avances à octroyer en cas d’indemnisation des séquelles d’un accident

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 18 juin 2014, R.G. 11/15.584/A

Mis en ligne le lundi 27 octobre 2014


Tribunal du travail de Bruxelles, 18 juin 2014, R.G. n° 11/15.584/A

Terra Laboris asbl

Dans un jugement du 18 juin 2014, le Tribunal du travail de Bruxelles rappelle les règles d’imputation en cas d’octroi d’avances provisionnelles sur indemnisation octroyées par une assurance RC, dans l’hypothèse de provisions successives payées sans affectation particulière.

Les faits

Une demande d’allocations aux personnes handicapées est introduite par une victime d’un grave accident de la circulation.

Les conditions sont réunies sur le plan médical pour bénéficier à la fois des allocations de remplacement de revenus et de l’allocation d’intégration (13 points sur 18).

Diverses décisions sont prises par le Service, portant sur l’octroi d’avances sur indemnités, eu égard à l’indemnisation en droit commun suite à l’accident.

Un recours est introduit contre l’ensemble de celles-ci, la contestation portant également sur l’évaluation médicale.

La décision judiciaire

Ayant désigné un expert, le tribunal statue sur le retour d’expertise dans son jugement rendu le 18 juin 2004. En vertu de celui-ci, la réduction du degré d’autonomie est de 15 points sur 18, conclusion que les parties acceptent.

Le jugement contient, ensuite, des développements importants en ce qui concerne le régime des avances dues, dans la mesure où il y a lieu de réévaluer celles-ci eu égard au droit pour l’intéressé de percevoir une allocation en catégorie 4.

Le tribunal rappelle que le droit à percevoir des allocations au titre d’avance sur l’indemnisation du dommage lié à l’accident trouve son fondement dans l’article 7, § 4 de la loi du 27 mai 1987 et dans l’article 27 de son arrêté royal d’exécution du 22 mars 2003.

Le demandeur doit, dans une telle hypothèse, indiquer sur quelles prestations ou indemnités il souhaite obtenir une avance, par qui celles-ci sont, selon lui, dues et pour quelle période. D’autres renseignements sont également à donner et les avances peuvent être accordées à concurrence des montants de l’allocation à laquelle la personne handicapée peut prétendre.

Le bénéficiaire de ces prestations est dès lors tenu de faire valoir ses droits, mais, entre le moment où il réclame son dû et celui où il l’obtient, un délai important peut s’écouler, notamment au égard au problème de responsabilité.

Le tribunal cite un arrêt de la Cour du travail de Liège du 28 juin 2010 (C. trav. Liège, 28 juin 2010, R.G. 2009/AL/36.647), selon lequel l’allocation (A.R.R., A.I. ou A.P.A.) est avancée au bénéficiaire à partir de la demande qui en est faite, c’est-à-dire sans effet rétroactif.

En outre, l’article 27 prévoit que l’avance est accordée jusqu’à concurrence du montant de l’allocation à laquelle l’intéressé peut prétendre. Dès lors, pour déterminer le montant en cause, il faut, pour le tribunal, observer les règles en matière de prise en compte des critères habituels, étant les revenus de la personne handicapée et de la personne avec laquelle elle forme un ménage. Le demandeur d’allocations est par ailleurs tenu de faire valoir son droit à des prestations et indemnités auxquelles il peut prétendre et notamment sur le droit de la responsabilité civile.

La question se pose plus particulièrement de l’octroi d’une telle prestation sous forme de capital. A cet égard, l’article 8bis de l’arrêté royal du 6 juillet 1987, que le tribunal reprend, a fixé la règle selon laquelle il faut tenir compte d’une contre-valeur exprimée en prestation périodique, que celle-ci soit imposable ou non. Il y a ainsi lieu de calculer une rente hypothétique, obtenue par la conversion du capital au moyen d’un coefficient-fonction de l’âge, et ce à la date du fait qui a donné lieu à la liquidation. Il faut ensuite imputer le montant ainsi obtenu sur le montant des allocations, sans tenir compte d’abattements. En cas de silence de la décision judiciaire sur une ventilation à opérer, celle-ci se fait sur la base de 70% pour ce qui est de la capacité de gain et de 30% pour la perte d’autonomie.

Pour le tribunal, les provisions versées par la compagnie d’assurances constitue de telles prestations et indemnités, dans la mesure où elles trouvent leur fondement dans les articles 1382 et suivants du Code civil. Il faut dès lors en tenir compte pour le calcul des montants auxquels la personne handicapée a droit, et ce jusqu’à concurrence desquels l’avance doit être accordée.

Le tribunal va dès lors procéder, sur la question des chiffres, à un long examen des éléments de fait. L’affaire n’étant pas définitivement réglée en droit commun, il constate qu’il est tenu de s’en tenir aux provisions versées par la compagnie d’assurances dans le cadre de l’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, et ce à concurrence d’un montant de l’ordre de 65.000 € versé en 6 fois, entre septembre 2009 et octobre 2013. Les versements étant intervenus sans affectation particulière, le tribunal va dès lors considérer que l’imputation doit se faire dès la date de prise de cours du droit à l’allocation, selon les termes de l’article 8bis de l’arrêté royal ci-dessus. Il faut rechercher, pour le calcul des allocations et, partant, pour le calcul des avances, la rente hypothétique calculée sur la base des provisions versées, et ce dès la date de prise de cours du droit à l’allocation, celle-ci étant située au 1er août 2009 (date d’effet de la demande), même si le droit a fait l’objet ultérieurement de décisions de révision.

Le tribunal se penche, enfin, sur le coefficient de conversion à appliquer au calcul de la rente fictive. L’âge de la personne, critère à utiliser, doit être pris en compte en fonction de la date du fait qui a donné lieu à la liquidation et le tribunal souligne que cette notion n’est pas définie par la réglementation. Il interprète dès lors cette notion à la lumière des travaux préparatoires (Q.R., Ch. repr., Question 53-39 du 2 septembre 2011) comme étant celle de l’accident. Il signale en effet ne pas voir quelle autre date il pourrait prendre en compte, s’agissant de statuer sur des avances.

Conformément aux principes ci-dessus, et eu égard au fait que les provisions ont été versées sans affectation particulière, il applique la règle des 70% pour l’A.R.R. et 30% pour l’A.I.

Suivent des calculs très fouillés, repris de l’avis donné par l’Auditorat, que le tribunal fait pour siens.

Il souligne enfin que les allocations définitivement dues devront être calculées une fois que l’indemnité définitive en droit commun sera connue.

Intérêt de la décision

Ce jugement interprète très logiquement la notion de « date du fait ayant donné lieu à la liquidation » visée à l’article 8bis de l’arrêté royal du 6 juillet 1987. Pour le tribunal, le fait qui a donné lieu à celle-ci ne peut en toute logique pas correspondre au paiement, puisque le terme « liquidation » a le même sens que le terme « paiement ». Il s’agit dès lors de la date de l’accident.

Rappelons encore que, dans l’arrêt du 28 juin 2010 de la Cour du travail de Liège précité, celle-ci avait repris les modifications successives intervenues en matière d’octroi d’avances, la loi du 22 février 1998 ayant apporté une dernière modification au texte de l’article 13, § 2 de la loi, ouvrant actuellement le droit aux avances pour les 3 types d’allocations aux personnes handicapées.


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