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Accord-cadre européen sur le temps partiel : principes en cas de transformation d’un contrat de travail à temps partiel en temps plein

Commentaire de C.J.U.E., 15 octobre 2014, Aff. n° C-221/13

Mis en ligne le mardi 18 novembre 2014


Cour de Justice, 15 octobre 2014, Aff. C-221/13

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 15 octobre 2014, la Cour de justice d’ l’Union européenne, saisie à titre préjudiciel par une juridiction italienne, rappelle les principes de l’accord-cadre européen sur le temps partiel ainsi que la compétence des Etats pour ce qui est de la mise en œuvre des principes et prescriptions minimales garanties par le droit de l’Union.

Les faits

Une employée au service du ministère de la justice italien exerce ses fonctions à temps partiel à raison de trois jours par semaine. Son régime de travail est réexaminé, suite à l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions légales (loi n° 183/2010) et, en application de celles-ci, il est mis fin unilatéralement au régime de travail à temps partiel, l’autorité imposant un régime à temps plein. L’intéressée s’oppose à cette modification, exposant que, grâce au travail à temps partiel, elle a pu concilier vie familiale, formation professionnelle et travail. Elle renvoie au principe contenu dans la Directive 97/81 selon lequel le travailleur ne peut pas voir transformer son travail à temps partiel en travail à temps plein contre sa volonté. Elle fait valoir en conséquence que la disposition de la loi n° 183/2010 qui lui a été appliquée est contraire à la directive.

Une procédure opposant l’intéressée au ministère de la justice devant la juridiction italienne, celle-ci pose une question à la Cour de justice, à titre préjudiciel.

Le cadre juridique

La Cour de justice rappelle que la directive 97/81 du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel met en œuvre l’accord-cadre conclu entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (à l’époque l’UNICE, le CEEP et la CES). Y sont soulignés la diversité des situations des Etats membres de même que le recours régulier à ce type d’emploi dans certains secteurs et activités. En conséquence, l’accord-cadre se borne à reprendre des principes généraux et des prescriptions minimales. L’objectif est d’éliminer les discriminations à l’égard de ces travailleurs et de contribuer au développement des possibilités de travail à temps partiel sur une base acceptable pour les deux parties. La Cour développe les dispositions de l’accord-cadre à cet égard.

En ce qui concerne la question qui lui est posée, elle constate que le ministère de la justice a procédé au réexamen du régime de travail de temps partiel accordé à la demanderesse et, ainsi, qu’il a mis fin unilatéralement à ce régime en imposant un travail à temps plein avec une répartition du travail sur six jours par semaine.

La juridiction de renvoi semblant considérer, avec la demanderesse, que la disposition nationale est contraire à la directive 97/81, vu que l’article est discriminatoire à l’égard des travailleurs à temps partiel - ceux-ci étant susceptibles de voir modifier unilatéralement la durée de leur temps de travail -, le juge italien considère qu’une telle mesure ne contribue pas au développement des possibilités à temps partiel. Une telle modification ne peut dès lors intervenir sans l’accord du travailleur.

La question est ainsi posée de savoir si l’accord-cadre doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas permis au législations nationales des Etats membres de prévoir la possibilité pour l’employeur d’ordonner la transformation du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein même contre la volonté du travailleur.

La réponse de la Cour

La Cour reprend les objectifs de la directive 97/81 ainsi que de l’accord-cadre, qui sont de promouvoir le temps à temps partiel et d’éliminer les discriminations entre travailleurs à temps partiel et travailleurs à temps plein. Elle renvoie à diverses décisions qu’elle a rendues sur la question. Elle rappelle que la directive (considérant 14) énonce que l’accord-cadre lie les Etats membres quant au résultat à atteindre mais que les instances nationales conservent la compétence quant à la forme et aux moyens. Les modalités d’application des principes généraux dégagés ainsi que des prescriptions minimales doivent dès lors être réglées par les Etats membres et les partenaires sociaux, et ce tenant compte de la situation dans chacun de ces Etats.

Pour la Cour, si parmi les prescriptions minimales de l’accord-cadre il est prévu que le refus du travailleur d’être transféré d’un travail à temps plein à un temps partiel ou vice-versa ne devrait pas en tant que tel constituer un motif valable de licenciement (sans préjudice d’un licenciement qui interviendrait pour d’autres raisons, ainsi les nécessités de fonctionnement de l’entreprise), cette clause n’impose pas aux Etats d’adopter une réglementation subordonnant à l’accord du travailleur la transformation du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein. La portée de la règle est en effet d’exclure que le refus du travailleur puisse constituer un motif valable de licenciement, en l’absence d’autres raisons objectives.

La Cour conclut dès lors que l’accord-cadre en sa clause 5, point 2 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui permet à l’employeur d’ordonner pour de telles raisons la transformation d’un contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein sans l’accord du travailleur.

Enfin, sur la discrimination, la Cour renvoie aux conclusions de M. l’avocat général N. WHAL, selon lesquelles la situation du travailleur engagé à temps partiel et dont le contrat est transformé à temps plein sans son accord n’est pas comparable à celle de celui engagé à temps plein et dont le contrat est transformé à temps partiel contre son gré.

Intérêt de la décision

La Cour de Justice interprète le droit de l’Union sur le temps partiel comme ne s’opposant pas dans les circonstances telles que celles qui lui sont soumises à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’employeur peut ordonner la transformation d’un contrat à temps partiel en un contrat à temps plein, et ce sans l’accord du travailleur.

Elle précise la portée de la clause 5 de l’accord-cadre comme étant que le refus du travailleur ne peut en lui-même constituer un motif de licenciement. Les réglementations nationales peuvent cependant – dans la mesure où elles conservent la compétence de mettre en œuvre les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs poursuivis – permettre de procéder au licenciement du travailleur sur d’autres bases pourvu – comme le rappelle la Cour – qu’il s’agisse de raisons objectives, les nécessités de fonctionnement de l’entreprise pouvant constituer de telles raisons.


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