Terralaboris asbl

Secteur public : conditions de la limitation de l’incapacité permanente à 25% en cas d’exercice d’une autre fonction

Commentaire de C. trav. Mons, 25 juin 2014, R.G. 2013/AM/342

Mis en ligne le lundi 16 février 2015


Cour du travail de Mons, 25 juin 2014, R.G. n° 2013/AM/342

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 25 juin 2014, la Cour du travail de Mons rappelle que l’article 6, §§ 1er et 2 de la loi du 3 juillet 1967 n’autorise la limitation de la rente d’I.P.P. à 25% que s’il y a eu exercice effectif de fonctions (soit les mêmes qu’avant l’accident, soit dans une réaffectation), avec maintien des garanties pécuniaires liées à la fonction exercée au moment de l’accident.

Les faits

Une infirmière (affectée aux soins intensifs d’un hôpital) est victime d’un accident du travail pour lequel le MEDEX propose une consolidation le 17 août 2009 avec une I.P.P. de 15%.

L’intéressée ayant introduit un recours devant le Tribunal du travail de Tournai, celui-ci entérine les conclusions de l’expert qu’il a désigné et arrivant à un taux de 40%.

La position des parties devant la cour

L’employeur (public) interjette appel, considérant qu’il y alieu de tenir compte des plafonds prévus aux articles 6 et 7 de la loi du 3 juillet 1967 pour le calcul de la rente. Il demande la réduction de celle-ci à 25%. Il émet encore d’autres contestations relatives à des soins de kinésithérapie.

L’intéressée demande la confirmation du jugement.

La décision de la cour

La cour rappelle, dans un premier temps, les principes en matière de réparation, repris à l’article 6 de la loi. Selon celui-ci, aussi longtemps que la victime d’un accident du travail du secteur public conserve l’exercice de fonctions, les rentes et allocations ne peuvent dépasser 25% de la rémunération de base (de la rente). Lorsque la victime est reconnue inapte à l’exercice de ses fonctions, mais qu’elle peut en exercer d’autres, compatibles avec son état de santé, elle peut être réaffectée à un emploi correspondant. En cas de réaffectation, elle conserve le bénéfice du régime pécuniaire dont elle jouissait lors de l’accident.

Par ailleurs, si l’incapacité permanente s’aggrave au point qu’elle ne puisse plus exercer temporairement son nouvel emploi, elle a droit, pendant cette période d’absence, à l’indemnisation prévue à l’article 3bis (c’est-à-dire qu’elle bénéficie, sous réserve de l’application d’une disposition légale ou réglementaire plus favorable, des règles en cas d’incapacité temporaire totale).

La cour constate que l’employeur sollicite la limitation de la rente, au motif que l’intéressée, qui a été victime de l’accident en cause en date du 6 octobre 1998, est restée apte à exercer ses fonctions depuis 2007, dans la mesure où elle est enseignante au sein de la Communauté française depuis lors.

Le critère retenu par l’employeur est qu’il faut se fonder sur l’aptitude à l’exercice des fonctions. Il renvoie à un arrêt de la Cour du travail du 27 juin 2005.

La Cour du travail de Mons rappelle que l’arrêt visé par la partie appelante concernait la question de savoir si la rente devait être limitée, dans l’hypothèse où un agent était mis en disponibilité (avant la pension).

La cour du travail rappelle que cette décision de la Cour du travail de Bruxelles a été cassée par un arrêt de la Cour de cassation du 8 octobre 2007 (Cass., 8 octobre 2007, n° S.06.0060.F). La Cour de cassation a considéré, dans sa décision, que l’agent mis en disponibilité (article 10bis de l’arrêté royal n° 297 du 31 mars 1984) n’est pas visé à l’article 6, § 1er de la loi du 3 juillet 1967, ce dernier étant celui qui conserve l’exercice de fonctions. L’on ne peut dès lors considérer que la poursuite de l’exercice de fonctions vise le maintien du seul lien statutaire. Pour la Cour suprême, l’article 6, § 1er de la loi ne peut viser le travailleur du secteur public mis en disponibilité. Il y a ainsi violation de la loi.

Pour la Cour du travail de Mons, le législateur a entendu, par cette mesure, réparer l’accident du travail de manière comparable à ce qui existe dans le secteur privé, mais a pris en considération des règles propres découlant de l’existence du statut. La loi prévoit d’ailleurs (sans préjudice des articles 6 et 7) que la rente pour incapacité permanente peut être cumulée avec la rémunération. Elle constitue en effet un mode de réparation propre du dommage, comme dans le secteur privé. Un seul cas de limitation est autorisé et est prévu aux articles 6 et 7 de la loi, à savoir que la victime conserve l’exercice de fonctions.

Pour la cour du travail, ceci doit viser l’exercice effectif des fonctions antérieures. Ceci implique le maintien du traitement d’activité y afférent. Peut également être visée la victime reconnue inapte à l’exercice des anciennes fonctions (inaptitude découlant de l’accident) et réaffectée à d’autres fonctions, mais conservant le régime pécuniaire dont elle bénéficiait auparavant (§ 2 de l’article 6). Le critère déterminant est dès lors le maintien du traitement antérieur et le bénéfice de la stabilité d’emploi du fonctionnaire. Ces seuls points permettent de s’écarter du principe de l’autorisation du cumul avec la rémunération.

L’arrêt renvoie encore aux travaux préparatoires de la loi du 3 juillet 1967 (Doc. Parl. Sénat, 1966-67, n° 314, p. 23), qui se réfèrent au maintien en fonction nonobstant l’invalidité et la garantie des avantages pécuniaires liés à celle-ci. Pour le législateur, il s’agissait dans ces hypothèses de limiter le cumul dans une mesure raisonnable.

La cour du travail constate, encore, que l’intéressée n’a ni continué à exercer ses fonctions antérieures ni été réaffectée à une fonction compatible, avec maintien du régime pécuniaire. Il n’y a dès lors pas lieu d’appliquer la limitation du cumul aux 25%.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est important, dans la mesure où il reprend, de manière synthétique et claire, les deux seules hypothèses autorisées, dans le cadre des articles 6 et 7 de la loi du 3 juillet 1967 pour la réduction d’un taux d’incapacité permanente partielle à 25% (règle fixée à l’article 6 de la loi).

Après avoir rappelé que ne peut être assimilé aux hypothèses autorisées le cas de l’enseignant mis en disponibilité (principe retenu dans l’arrêt du 8 octobre 2007 de la Cour de cassation), la cour reprend le critère exigé par le législateur, qui est le maintien des avantages pécuniaires liés à la fonction exercée avant l’accident, soit qu’il y ait eu reprise effective de celle-ci, soit réaffectation dans des fonctions similaires.

Il est également intéressant de citer un arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 18 janvier 2010, R.G. 33.022/05), qui a rappelé, à propos d’un agent de la Poste, que le substantif « exercice » vise le cas où une fonction est effectivement remplie. Ce serait violer la lettre de la loi que de considérer qu’elle viserait également la victime bénéficiant d’une rémunération (qui n’est qu’une rémunération garantie) fixée en raison de la suspension de l’exercice de la fonction, alors qu’elle ne conserve pas cet exercice lui-même.

Enfin, il est également utile de relever à propos du non-plafonnement en cas de mise en disponibilité précédant la pension de retraite que la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons, 14 janvier 2009, R.G. n° 21.018), statuant après l’arrêt de la Cour de cassation du 8 octobre 2007 (cité), avait également repris ces principes, précisant encore que l’enseignant mis en disponibilité pour convenances personnelles précédant la pension de retraite ne pouvait être considéré comme conservant l’exercice de fonctions au sens de l’article 6, § 1er.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be