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L’octroi provisoire du bénéfice d’allocations de chômage fait-il obstacle à la reconnaissance d’une incapacité temporaire en accident du travail ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 mai 2015, R.G. 2010/AB/1.115

Mis en ligne le vendredi 21 août 2015


Cour du travail de Bruxelles, 4 mai 2015, R.G. n° 2010/AB/1.115

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 mai 2015, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la mise au chômage temporaire suite à une notification de fin d’incapacité par la mutuelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance de l’incapacité temporaire en accident du travail.

Les faits

Une victime d’un accident du travail introduit une action en revision, vu l’aggravation de son état de santé. Les séquelles de l’accident avaient été consolidées avec un taux d’IPP de 10%.

Dans le cadre de cette procédure en revision, l’expert judiciaire désigné conclut d’une part à une aggravation du taux d’incapacité permanente et d’autre part à une prolongation de périodes d’incapacité temporaire totale, le médecin-conseil de la compagnie d’assurances ayant admis une partie de celles-ci. Le taux d’IPP est porté à 25%.

L’expert, qui a abouti à ces conclusions, avait été désigné par la cour du travail, le tribunal ayant, pour sa part, confirmé les conclusions de l’assureur.

Décision de la cour du travail

Se pose parmi les questions tranchées dans l’arrêt du 4 mai 2015, celle de savoir quel est l’impact d’une décision prise par la mutuelle sur la reconnaissance de l’incapacité temporaire en accident du travail.

En effet, celle-ci avait mis fin à l’incapacité avec effet au 21 septembre 2009 alors que l’expert judiciaire a admis la prolongation de celle-ci jusqu’au 14 juin 2010.

La cour relève que le travailleur a contesté la décision de la mutuelle et que, ne pouvant reprendre le travail chez son employeur eu égard à son état de santé, celui-ci a bénéficié des allocations de chômage provisoires.

Pour la cour, dès lors qu’elle a désigné un médecin-expert, que celui-ci a procédé à un examen complet et attentif du dossier, c’est son avis qu’il convient de retenir, la décision de la mutuelle ne s’imposant nullement. Elle avait d’ailleurs été annulée par le Tribunal de Nivelles qui, dans le litige ayant opposé le travailleur à sa mutuelle, a retenu qu’il y avait incapacité jusqu’au 14 juin 2010.

En outre, la cour rappelle que le fait que l’intéressé a été admis au bénéfice des allocations de chômage à titre provisoire est sans intérêt. L’octroi des allocations de chômage temporaire est la conséquence inévitable de la décision de la mutuelle dès lors que l’intéressé n’a pas pu reprendre le travail. Il s’agit d’ailleurs comme le relève la cour d’allocations provisoires qui ne démontrent nullement l’existence d’une capacité de travail vu la contestation de la décision de la mutuelle.

Il y a certes incompatibilité entre l’octroi d’allocations de chômage et les indemnités d’incapacité temporaire en accident du travail mais ceci ne vise pas les allocations de chômage provisoires, puisqu’elles feront l’objet éventuellement de remboursement. Il faut dès lors retenir les conclusions de l’expert judiciaire, la situation de l’intéressé n’ayant aucune incidence sur les périodes d’incapacité temporaire totale à retenir, comme indemnisables dans le cadre du délai de revision.

Pour l’appréciation de celle-ci, la cour rappelle que les conclusions de l’expert ont été confortées par la circonstance que l’intéressé a continué à subir des examens et des soins aux fins de notamment de réduire les douleurs et d’améliorer sa mobilité, une importante algoneurodystrophie étant apparue. L’incapacité temporaire est fondée par la constatation des lésions elles-mêmes mais également par la limitation importante de la mobilité et par les douleurs subies.

La cour entérine dès lors les conclusions de l’expert désigné.

Intérêt de la décision

La question juridique rappelée par la cour, à l’occasion de ce dossier d’aggravation des séquelles de l’accident du travail se pose de la même manière dans le cadre de la procédure d’indemnisation de celles-ci.

En effet, dès lors que la victime d’un accident se trouve indemnisée en AMI, que ce soit suite au refus de l’assureur d’intervenir vu la non reconnaissance de l’accident ou suite à la notification de la fin de l’indemnisation, la situation de l’assuré social en AMI évolue conformément aux règles de la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

Si l’organisme assureur décide que l’intéressé ne présente plus une perte de capacité de travail supérieure à deux tiers, il notifiera une décision de fin d’incapacité, qui pourra faire l’objet d’une contestation devant le tribunal, mettant en œuvre les critères AMI. Vu la fin de l’indemnisation, le travailleur qui conteste la décision de la mutuelle n’a d’autre choix que de dépendre temporairement du secteur chômage, dans le cadre d’allocations provisoires dans l’attente de la décision du tribunal dans le litige mutuelle. L’issue de celui-ci déterminera si pour la période considérée il était apte ou non à travailler.

En cas d’aptitude, le bien-fondé de la décision de la mutuelle étant reconnue, l’octroi des allocations de chômage à titre provisoire cessera et le travailleur sera tenu soit de reprendre le travail ou, s’il a été licencié, de s’inscrire en tant que chômeur complet. Si le tribunal du travail conclut au fondement du recours, l’intéressé se verra rétroactivement reconnaître en incapacité de travail dans le secteur AMI, les allocations provisoires devant être remboursées par l’organisme assureur à l’ONEm.

La combinaison de ces règles avec celles applicables en accident du travail pour l’indemnisation de l’incapacité temporaire implique que l’octroi d’allocations de chômage à titre provisoire est sans aucune incidence sur la détermination de l’incapacité ou la fixation de la date de consolidation, s’agissant d’un mécanisme propre au secteur AMI.


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