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Pensionné et droit aux soins de santé : portée de la Convention belgo-américaine sur la sécurité sociale

Commentaire de Cass., 18 mai 2015, n° S.13.0003.F

Mis en ligne le lundi 5 octobre 2015


Cour de cassation, 18 mai 2015, n° S.13.0003.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 18 mai 2015, la Cour de cassation admet que peuvent être prises en compte pour le calcul de la carrière donnant droit aux soins de santé les prestations effectuées aux Etats-Unis, eu égard aux termes de la Convention belgo-américaine sur la sécurité sociale.

Objet du litige

Le litige porte sur la Convention belgo-américaine du 19 février 1982 sur la sécurité sociale en ce qu’elle permet d’assimiler les périodes d’assurance aux Etats-Unis en matière de soins de santé en Belgique (art. 9.1. de la Convention).

La décision de la Cour du travail de Bruxelles

Par arrêt du 4 octobre 2012, la Cour du travail de Bruxelles a examiné l’application de la Convention belgo-américaine du 19 février 1982 conclue entre la Belgique et les Etats-Unis sur la sécurité sociale au regard des obligations en matière de cotisations prévues à la loi du 14 juillet 1994. Il s’agit de vérifier les conditions dans lesquelles un travailleur pensionné peut bénéficier des prestations de santé tout en étant dispensé de cotiser à cette fin.

L’article 125, alinéa 2 de la loi coordonnée prévoit que, pour ce, il doit bénéficier d’une pension correspondant à une carrière professionnelle au moins égale au tiers de la carrière complète. En l’espèce, l’addition des carrières de l’intéressé en France et en Belgique est insuffisante pour aboutir à une dispense de cotisations, ne s’étendant que sur quatorze années.

L’intéressé a demandé que soit prise en compte sa carrière aux Etats-Unis, où il a été soumis à la législation sociale. Il fait valoir qu’il est couvert par la Convention belgo-américaine.

En vertu de ce texte (art. 4), la cour relève qu’il doit bénéficier, vu qu’il réside sur le territoire belge, du même traitement que les ressortissants belges.

Rien n’exclut dans le texte de la Convention que les périodes d’assurance aux Etats-Unis ne soient pas prises en compte pour le calcul de la pension minimale en Belgique et la cour du travail conclut qu’il résulte de l’application combinée de cette Convention (art. 9) ainsi que de l’art. 18 du Règlement CEE/1408/71 qu’il remplit les conditions légales.

Le pourvoi

L’ONP s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, estimant que l’assimilation des périodes d’assurance ne peut être retenue pour l’application de la loi du 14 juillet 1994.

Pour l’Office, en vertu de l’article 4.1. de la Convention belgo-américaine (qui dispose que sauf disposition contraire les personnes entrant dans le champ d’application de la Convention et qui résident sur le territoire d’une partie contractante devraient obtenir le même traitement que les ressortissants de celle-ci), en matière de prestations de santé, les personnes visées par son champ d’application doivent satisfaire de manière non discriminatoire à la condition de quinze ans de carrière en Belgique si elles veulent être, comme les pensionnés belges, dispensées de cotisations.

Par ailleurs, il fait grief à la cour d’avoir fait référence au Règlement 1408/71, qui ne permet pas d’assimiler les périodes d’assurance aux Etats-Unis à des périodes en Belgique.

La décision de la Cour de cassation

La Cour rejette le pourvoi.

Elle précise la portée de l’article 125, alinéa 2 de la loi du 14 juillet 1994 (l’examen s’est fait eu égard au libellé de la disposition avant sa modification par la loi du 19 décembre 2008), étant qu’il impose (à l’époque) aux travailleurs bénéficiant de prestations de santé parce qu’ils sont titulaires d’une pension de retraite dans le secteur des travailleurs salariés de payer une cotisation personnelle dès lors que la pension ne correspond pas à une carrière d’un tiers d’une carrière complète (ou considéré comme tel). Pour le calcul de la carrière professionnelle, il faut tenir compte de toutes les périodes d’assurance qui peuvent être prises en compte, et ce conformément aux règles en matière de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés.

S’il est exact que le champ d’application de la Convention belgo-américaine ne s’étend pas aux prestations de santé des travailleurs qui ne sont pas en activité (art. 2.1. b, ii et iv), ceci n’emporte pas la non application de l’article 9.1. de la même convention.

Celui-ci impose aux organismes de chacune des deux parties contractantes de prendre en compte les périodes d’assurance admises sous la législation de l’autre et cette disposition n’est pas tenue en échec par l’article 2.1. ci-dessus lorsqu’il s’agit d’apprécier les droits du pensionné à la couverture en matière de soins de santé. Le juge du fond n’a dès lors pas violé les dispositions légales en donnant effet à l’article 9.1.

La Cour de cassation précise pour le surplus, en ce qui concerne le Règlement CEE/1408/71, qu’il a été mentionné eu égard à la totalisation des périodes d’assurance en France et en Belgique.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation, rendu dans un cas d’extension de la prise en compte des périodes d’assurance dans un pays hors Union Européenne, eu égard à l’existence d’une convention bilatérale en matière de sécurité sociale, est l’occasion de rappeler le mécanisme légal.

Les personnes qui bénéficient d’une pension de retraite en vertu de la législation relative aux pensions de retraite et de survie des travailleurs salariés ou d’une pension anticipée en vertu d’un statut particulier propre au personnel d’une entreprise entrent dans le champ d’application de la loi du 14 juillet 1994 (article 32, alinéa 1er, 7°). Elles ont dès lors droit aux prestations de santé.

Une cotisation personnelle peut cependant être due, lorsque la pension est calculée sur une carrière professionnelle inférieure au tiers d’une carrière complète, étant quinze années. Avant sa modification par la loi du 19 décembre 2008 portant des dispositions diverses en matière de santé, cette cotisation personnelle était exigée de diverses catégories de travailleurs dont ceux visés en l’espèce. Depuis la modification légale, tout en restant bénéficiaires de prestations de santé les travailleurs qui bénéficient d’une pension de retraite ou d’une pension anticipée aux conditions ci-dessus ne sont plus visés par l’article 125, alinéa 2 de la loi, qui fixe le principe d’une cotisation personnelle dans le chef des bénéficiaires dont la pension n’atteint plus le tiers de la carrière complète. Cette cotisation ne vise plus que les personnes visées à l’article 32, alinéa 1er, 12° (soit certains agents administratifs, militaires ou encore des magistrats ou agents de l’ordre judiciaire et de la police judiciaire).

Actuellement, donc, un pensionné qui a travaillé un an comme salarié et au moins un tiers d’une carrière complète en Belgique, dans un pays européen ou dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une convention bilatérale peut obtenir le remboursement des soins de santé. Si l’intéressé habite en Belgique, aucune cotisation personnelle ne lui sera demandée pour obtenir le droit à ce remboursement.

L’intérêt de cet arrêt de la Cour de cassation, au-delà de la modification intervenue dans le texte de la loi du 14 juillet 1994, est de retenir le principe de l’assimilation des périodes d’assurance sur le territoire des Etats-Unis et de la Belgique, dans le cadre de la Convention bilatérale sur la sécurité sociale conclue entre les deux Etats le 19 février 1982. Rappelons que cette Convention vise à la fois les travailleurs salariés, les indépendants et certaines catégories de fonctionnaires. Elle trouve ainsi à s’appliquer dès lors qu’un travailleur soumis à la sécurité sociale belge va travailler aux Etats-Unis (sauf exceptions prévues par la Convention, dont le détachement). Elle prévoit en outre une condition de résidence, étant que l’intéressé doit se trouver soit en Belgique soit aux Etats-Unis et qu’il doit avoir la nationalité d’une des parties contractantes (ou être reconnu apatride ou réfugié).

Signalons encore, sur l’application de cette Convention, qu’elle a fait l’objet d’un précédent commentaire d’un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 20 novembre 2012 (R.G. n° 2009/AB/52.585) à propos de la loi applicable dans le cadre d’un détachement et des conséquences en matière de vacances annuelles.


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