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Récupération d’indemnités AMI en cas de perception d’un pécule de départ : règle de prescription

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 juin 2015, R.G. 2014/AB/374

Mis en ligne le jeudi 12 novembre 2015


Cour du travail de Bruxelles, 4 juin 2015, R.G. 2014/AB/374

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 juin 2015, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que les règles de prescription sont distinctes pour la récupération d’indemnités AMI si l’assuré social a bénéficié effectivement d’un pécule lors de son licenciement ou s’il a perçu les indemnités AMI dans l’attente du paiement des sommes dues à la rupture.

Les faits

Lors de son licenciement, intervenu moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de 15 mois, une employée est en incapacité de travail. Elle perçoit, en sus de son indemnité, son pécule de vacances de sortie.

Trois semaines plus tard, le médecin de la mutuelle met fin à l’incapacité et un recours est introduit devant le tribunal du travail. Celui-ci annule la décision du médecin-conseil par jugement du 18 novembre 2011 et, sur la base de ce jugement, l’organisme assureur octroie les indemnités avec effet rétroactif, celles-ci couvrant en partie la période déjà couverte par les paiements effectués par l’employeur.

En mars 2012, soit 4 mois environ après la date du jugement, la mutuelle notifie un indu, correspondant à la période correspondant au pécule de vacances.

Un recours est introduit par l’intéressée devant le tribunal du travail, où elle fait valoir que la demande de remboursement est prescrite, dans la mesure où elle a été formée plus de 2 ans après le moment du paiement des indemnités à rembourser.

Dans le cadre de la procédure, l’organisme assureur forme une demande reconventionnelle correspondant aux montants visés.

La décision du tribunal

Le tribunal statue par jugement du 7 mars 2014. Il déboute l’intéressée, considérant que le délai de prescription ne pouvait commencer à courir qu’après le jugement du 18 novembre 2011, octroyant à l’intéressée le droit aux indemnités. Ce n’est qu’à ce moment qu’il est devenu certain que le pécule de vacances ne pouvait être affecté à une autre période. Le tribunal s’appuie sur un arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995 (Cass., 26 juin 1995, n° S.95.0037.N).

Position des parties en appel

L’assurée sociale, appelante, considère que l’indemnité correspondant aux 15 mois de rémunération, ainsi que le pécule de vacances, ayant été payés le 23 février 2010, ils ne pouvaient être imputés sur une autre période. L’on ne peut, selon elle, prendre comme point de départ le jugement du tribunal, celui-ci n’ayant aucune incidence sur la détermination de la période sur laquelle le pécule doit être imputé. Si le jugement avait été négatif, cela n’aurait rien changé en ce qui concerne le pécule.

La décision de la cour

La cour constate en premier lieu qu’il n’est pas contesté que les indemnités ne peuvent pas être cumulées avec le pécule de sortie, seule étant en discussion la question de la prescription. La cour examine dès lors la situation au regard des dispositions applicables, étant l’article 174, 1er alinéa de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 et l’article 228, § 2, alinéa 3 de l’arrêté d’exécution du 3 juillet 1996.

En vertu de la loi (article 174, 5°), l’action en récupération de prestations de l’assurance indemnités se prescrit par deux ans à compter de la fin du mois au cours duquel le paiement de ces prestations a été effectué.

L’article 228, § 2 de l’arrêté royal d’exécution définit la notion de « période couverte par un pécule de vacances » et dispose que, sur demande écrite du titulaire, les jours de vacances sont imputés sur la période comprise entre la date de la demande et l’expiration de l’année de vacances. A défaut d’une demande écrite émanant de celui-ci, les jours sont imputés au cours du mois de décembre de l’année de vacances ou sur la dernière période effectivement indemnisée dans l’année de vacances si l’imputation ne peut être effectuée dans le courant de ce mois de décembre. Il ressort de ces dispositions que la prise en compte des jours de vacances devait intervenir à la rupture, soit en janvier-février, et non à un autre moment.

L’arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995 cité par le tribunal visait une tout autre hypothèse. La Cour suprême y a considéré que, lorsqu’un assuré social bénéficie d’indemnités d’incapacité de travail de l’organisme assureur en attendant d’obtenir une indemnité du chef de la rupture du contrat de travail, ces indemnités ne peuvent être considérées comme étant octroyées indûment et, partant, comme susceptible de faire l’objet d’une récupération qu’à partir du moment où le titulaire perçoit effectivement l’indemnité de rupture, et ce nonobstant le droit pour l’organisme assureur de récupérer, conformément à l’article 57, alinéa 2 de la loi du 9 août 1963 (applicable à l’époque) en tant que subrogé de son assurée, les indemnités AMI à charge de la personne ou de l’institution qui est tenue de verser l’indemnité de rupture. Pour la cour du travail, cette jurisprudence n’est dès lors pas pertinente.

En l’espèce, les indemnités qui ne pouvaient être cumulées avec le pécule de vacances étaient celles de février 2010, de telle sorte qu’aucune autre période ne pouvait être prise en compte, dans le courant de cette même année. C’est à partir de cette date que les prestations ont eu un caractère indu et dès lors que le délai de prescription a commencé à courir.

La circonstance que des indemnités aient de nouveau été payées ultérieurement n’a aucune incidence sur cette conclusion. La cour souligne en effet le bien-fondé de la remarque de l’appelante selon laquelle la décision du tribunal quant à la confirmation ou à l’annulation de la décision du médecin-conseil était sans incidence sur la solution du litige : la règle de prescription aurait été la même si le tribunal n’avait pas fait droit à la demande de l’intéressée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail rappelle qu’il y a lieu d’être vigilant en ce qui concerne la récupération de l’indu, eu égard particulièrement à la règle de prescription, qui est courte, étant de deux ans à compter de la fin du mois auquel les indemnités se rapportent.

La cour rappelle à juste titre l’arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995, qui avait, pour sa part, considéré, s’agissant d’indemnités versées dans l’attente du paiement d’indemnité de rupture d’un contrat de travail, que le délai de prescription de l’action en récupération ne commençait à courir qu’au moment du paiement de cette indemnité ou, au plus tard, à partir du moment où le demandeur avait eu connaissance de la décision judiciaire concernant le droit à celle-ci. En l’espèce, la question du cumul avec des jours de vacances est réglée, spécifiquement, par l’article 228 de l’arrêté royal d’exécution.


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